Petite phrase - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Petite phrase

C'est la petite phrase qui tue et enflamme les conversations… Que la sécurité nationale ne passe pas avant la sécurité personnelle. Beaucoup ont compris : peu importe de mettre en danger la patrie pourvu qu'on accueille… Mais est-ce vraiment cela que dit le pape François dans son message pour le 14 janvier 2018, Journée mondiale du migrant et du réfugié, sur le thème : « Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants et les réfugiés » ? Ce sera la 104e Journée : elle a été instituée en 1914. Et saint Pie X avait créé, dès 1912, le premier Bureau pour le problème des migrations. C'est le jour de sa fête qui a été choisi pour la publication du message, le 21 août : une façon explicite de s'inscrire dans la réflexion des papes, depuis plus d'un siècle. Le message est en date du 15 août, sous l'égide de celle dont Thérèse de Lisieux dit qu'elle est plus « mère » que « reine », sous le signe de la maternité dans l'Église, qui peut dénouer des nœuds et trouver des solutions.
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Qu’est-ce que la sécurité des personnes ? C’est une situation concrète : les images que les garde-côtes italiens diffusent en disent long sur le danger encouru en Méditerranée du fait de passeurs criminels s’engraissant du trafic d’êtres humains acculés au départ par les bombes, la faim, l’absence de perspectives personnelles et politiques. Personne ne quitte son pays et les siens de bon cœur. Et les violences des passeurs, des femmes torturées en Libye en ont raconté les horreurs.

La sécurité de ces naufragés c’est la priorité des garde-côtes. Quand ils repêchent des gens, l’heure n’est pas à s’interroger sur la question, à ce moment-là abstraite et générale, de la sécurité nationale, mais de tout faire pour remettre en sécurité ceux qui sont en train de se noyer. Une petite fille, baptisée « Hope » est née sur l’un de ces navires italiens au moment où naissait la petite Charlotte, la « Royal Baby », fille de William et Kate : échappée à une tragédie, elle a aussi fait les journaux télévisés et les tweets de la Marina Militare.

Lorsque le texte dit « sécurité des personnes » (la traduction en allemand, plus concrète que le texte français « sécurité personnelle »), il s’agit de toute personne en danger : y compris les familles du pays d’accueil. Le concret avant l’abstrait, la personne avant l’idée : ce principe empêche tout contresens. Et l’impératif de la recherche du bien commun est un principe toujours réaffirmé.

Ainsi, la petite phrase reflète-elle un principe fondamental de l’enseignement social de l’Église. Elle n’oppose pas la sécurité du migrant à la sécurité des habitants d’un pays… Ce n’est pas « ou… ou… », mais « et… et… ». Les deux sécurités doivent marcher de pair, animées par le même principe du respect de la dignité humaine de chacun. La doctrine sociale est sans équivoque : à l’État de veiller à la sécurité nationale, de réguler les flux de populations. Mais pas n’importe comment, tout n’est pas moral. La ligne rouge, c’est le respect de la dignité des personnes et de leurs droits. Et, certes, être en mesure d’accueillir – premier mot du titre – « avec dignité », cela supposerait le déploiement de moyens adéquats, et des sursauts de solidarité, régionale, nationale, internationale.

Le cardinal Secrétaire d’État Pietro Parolin a rappelé, dans une intervention reprise par L’Osservatore Romano du 29 août, ce principe de solidarité car ces phénomènes complexes doivent être affrontés « ensemble ».

La « petite phrase » incriminée n’est en outre qu’une partie de la phrase. Le message cite d’abord le principe du caractère central de toute personne humaine et s’appuie Caritas in veritate, 47. Que disait Benoît XVI, en 2009 ? « Dans les interventions en faveur du développement, le principe de la centralité de la personne humaine doit être préservé car elle est le sujet qui, le premier, doit prendre en charge la tâche du développement. L’urgence principale est l’amélioration des conditions de vie des personnes concrètes (…). » Benoît XVI conclut : « La sollicitude ne peut jamais être une attitude abstraite. »

Ainsi, François offre la clef d’inter­prétation de sa phrase en citant Benoît XVI : « Le principe de la centralité de la personne humaine, fermement affirmé par mon bien-aimé prédécesseur Benoît XVI (cf. Lettre encyclique Caritas in veritate, 47), nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale. »

Plus loin, le Pape affirme la « dignité fondamentale de chaque personne ». Il est question, plus précisément, de la garantie de la sécurité des migrants aux frontières.

Il serait dommage, à ce propos, de rétrécir le point de vue universel du message et du phénomène migratoire en le ramenant à notre eurocentrisme. L’intervention du Pape à l’angélus du dimanche 27 août en faveur des Rohingyas de Birmanie, à la frontière du Bangladesh, est exemplaire. Il s’agit d’une minorité pacifique, mais persécutée, sans liberté, sans accès aux soins, au travail, qui cherche non pas à entrer mais à sortir d’un pays, et qui s’est violemment heurtée aux garde-frontières. Depuis des années, leurs tentatives d’émigrer par la mer dans d’autre pays se sont aussi heurtées à des rejets inhumains.

Il faudrait ajouter que le document insiste sur la réciprocité : il ne parle pas unilatéralement du devoir de protéger – c’est le deuxième des quatre verbes du titre – les personnes des migrants ou des réfugiés, mais il affirme aussi leur responsabilité, comme l’a indiqué le père Fabio Baggio à l’agence de la Conférence épiscopale italienne « SIR » : il est le sous-secrétaire de la section « Migrants et réfugiés » du Dicastère pour le service du développement humain intégral, placée directement sous la responsabilité du Pape. Recevoir un passeport, un titre de séjour, c’est aussi, dit-il, « prendre un engagement avec un lieu, avec un territoire », cela signifie : « Rappelle-toi qu’il y a une certaine responsabilité à assumer ».

Le texte se veut en somme une contribution à l’espérance : oui, il faut de la créativité pour trouver des solutions, et les réponses vertueuses déjà trouvées sont à partager, diffuser.

Par exemple, pour éviter les tragédies, le message recommande la mise en place – l’Italie et la France ont déjà commencé à le faire, notamment grâce à Sant’Egidio – de couloirs humanitaires de façon à empêcher que des milliers de personnes ne tombent entre les mains de trafiquants sans scrupule et trouvent les violences et la mort là où ils croyaient trouver la paix et la vie. Cette sécurité des migrants en somme est à protéger avant, pendant et après le voyage, et par les différents pays concernés. Cela garantit en même temps la sécurité des pays d’accueil : on sait à l’avance qui l’on accueille, quand et comment, ce qui permet consentement, préparation, et intégration. Une façon de conjurer la peur, une vraie rencontre étant rendue possible.
Cette protection avant garantirait en outre le droit à ne pas émigrer, déjà défendu par Benoît XVI comme antérieur au droit à émigrer.

Ce serait le moment de relire les beaux passages du cardinal Parolin sur les principaux axes du pontificat, avec un regard posé sur la réalité rappelant celui des Magellan, des grands explorateurs. C’était le 10 mai dernier, à Rome, à l’ambassade d’Italie près le Saint-Siège : « À l’origine de cette extraordinaire aventure de Ferdinand de Magellan, et d’autres, semblables (…), il y avait une attitude enracinée de confiance en la Providence de Dieu, d’un côté, et en les capacités de l’homme, de l’autre. En général, ces farouches explorateurs aspiraient à quelque chose de plus grand, c’est-à-dire à écrire une nouvelle page de l’aventure de l’humanité. »

Le maître mot est lâché : confiance. Parce que Dieu n’abandonne pas l’humanité aux soubresauts de l’histoire. Pour reprendre le beau titre de Henri de Lubac : Dieu Créateur et Maître de l’histoire. La Bible, mais aussi les sanctuaires européens et le calendrier de l’Église font mémoire de ces interventions : de la fête du Saint Nom de Marie le 12 septembre à la mosaïque de la Vierge de la place Saint-Pierre qui rappelle qu’une main a sauvé Jean-Paul II le 13 mai 1981. Mais Dieu a aussi placé dans l’homme la capacité à faire face : dans le migrant et dans celui qui l’accueille.

Le cardinal Parolin discerne dans l’attitude de ces explorateurs de génie « un triple dynamisme de l’esprit » : « le sens de l’inquiétude, l’humilité de l’incomplétude et le courage de l’imagination ». Il y voit les conditions de la liberté intérieure qui permet de « rester en haute mer, c’est-à-dire disponibles pour scruter un horizon en changement permanent, sans se retirer dans ces ports sûrs qui garantissent une tranquillité apparente, mais qui, en définitive, empêchent de reprendre courageusement le long voyage de l’histoire ».

Face à cette « saison tragiquement marquée par la violence aveugle du terrorisme fondamentaliste » et par « la montée en puissance d’une nouvelle affirmation de nationalismes et de populismes » – un « changement d’époque » –, il suggère de retrouver ce « regard de Magellan ».

http://www.osservatoreromano.va/fr/news/a-lampedusa-un-drame-qui-nous-concerne-tous

http://www.news.va/fr/news/a-lampedusa-le-pape-denonce-la-mondialisation-de-l

http://fr.radiovaticana.va/news/2017/07/10/le_cur%C3%A9_de_lampedusa_revient_sur_la_visite_du_pape_fran%C3%A7ois/1324261