Il n’y a pas que le monde politique à être affecté par des mouvements de fond qui renouvellent les problématiques théoriques et pratiques. L’Église catholique elle-même, depuis le début du pontificat du pape François, est aussi engagée dans un mouvement de réforme, dont il est difficile encore de mesurer la portée et les dimensions. Ce mouvement n’est pas seulement lié à la personnalité singulière du pontife, il se rapporte aussi à la mondialisation spécifique à une institution devenue vraiment catholique. Le phénomène échappe largement aux observateurs du fait religieux, qui continuent à recycler les données anciennes, comme si le gouvernement de l’Église était encore une affaire spécifiquement italienne. François, venu de Buenos Aires, était particulièrement disposé à repenser le logiciel ecclésial, et il a rapidement montré par ses décisions, ses nominations, ses voyages, qu’il avait pleinement conscience d’adapter les moyens aux nouvelles dimensions de l’évangélisation.
Il est encore trop tôt pour comprendre la portée des réformes en cours, même celle de la Curie romaine, dont le Pape voit bien la complexité. Comment greffer le neuf sur l’ancien qui ne saurait être répudié sans dommages graves ? Significativement, ce sont les structures datant de l’après-concile qui ont été refondues en priorité et non les dicastères qui sont enracinés dans la longue durée et correspondent aux missions fondatrices du ministère romain. Il semble que c’est la fonction de la Secrétairerie d’État qui pose le plus de problèmes, celle-ci assumant un rôle de coordination qui risque de devenir trop exclusif. Mais c’est le Pape lui-même qui devrait réellement diriger l’ensemble des services, sans que s’interpose cette Secrétairerie, qui, par la force des choses, s’était de plus en plus imposée.
Mais l’institutionnel ne saurait diminuer la prééminence du doctrinal et du spirituel. De ce point de vue, François a imposé sa marque qui, sans s’opposer au magistère de ses prédécesseurs, se distingue par son caractère immédiatement pastoral. On l’a bien vu à propos de la famille, domaine qui requiert tous les soins du Pape, avec une attention minutieuse à la vie quotidienne des personnes et les soins que réclament les charges d’un hôpital de campagne. Cela provoque parfois des malaises et des heurts qu’il ne faut ni sous-estimer, ni majorer. Un équilibre devrait s’instaurer progressivement, qui harmonisera l’enseignement de saint Jean-Paul II et le souci de proximité de son successeur.
Notre Église de France aussi est en question. À la fin de l’année, la succession du cardinal Vingt-Trois au siège majeur de saint Denis constituera un test de l’orientation de notre épiscopat. Un épiscopat qui devrait s’appuyer de plus en plus sur les forces disponibles qui se sont révélées ces dernières années.