C’est le Carême : un moment approprié pour la confession, bien que vous ayez à redouter de faire la queue. Je me rappelle avoir ainsi attendu pour me confesser derrière une longue file et avoir eu cette pensée calamiteuse. Et si je sautais la file, m’agenouillais dans le confessionnal pour déclarer : « Pardonnez-moi mon Père car j’ai péché : je suis passé avant tout le monde sans attendre mon tour. »
M’aurait-il refusé l’absolution ? Probablement pas. Mais je suis quasi sûr qu’il aurait dit : « Maintenant, comme pénitence, retournez au bout de la file et récitez des ‘je vous salue Marie’ jusqu’à ce que tout le monde soit passé. »
La confession est une chose étrange. Non seulement vous vous rendez dans une petite pièce pour y déclarer à haute voix vos péchés les plus noirs, mais d’une voix venue de l’intérieur de cette pièce, vous entendez des paroles de pardon avant même d’avoir fait votre pénitence. Est-ce qu’on ne devrait pas d’abord faire sa pénitence et ensuite seulement recevoir l’absolution ?
La réponse est non, bien sûr. Accomplir sa pénitence n’est pas un moyen de « gagner » le pardon de Dieu, non plus qu’aller se confesser. Le Christ a déjà gagné pour nous le pardon par Son sacrifice sur la Croix. Et ce pardon nous est rendu présent par l’œuvre du Saint-Esprit.
Mais si Dieu nous a déjà pardonné, et si la confession nous rend présent ce pardon d’une manière concrète, visible et audible, à quoi sert la pénitence ?
Même si quelqu’un vous pardonne, cela ne veut pas dire en soi que vous êtes maintenant changé à l’intérieur. Pardonner, c’est quelque chose qu’a fait l’autre personne ; et moi ? Ai-je assimilé ce pardon ? M’a-t-il transformé ? Ai-je dit oui du fond du cœur à l’amour rédempteur de Dieu ?
Supposons que je vous ai volé quelque chose : je me suis fait voleur. Maintenant, supposons que, parce que vous m’aimez et que vous désirez par dessus tout vous réconcilier avec moi, renouer l’amitié et me voir progresser moralement, vous me pardonniez. La question est : vais-je rester un voleur ?
Le pardon ouvre une porte pour une relation changée et une nouvelle vie. Mais ce serait une erreur de ma part de croire que le pardon est l’étape finale du processus alors que c’est la première étape. L’étape suivante est que cet amour me change et donne un autre cours à ma vie. Nul, vous aimant sincèrement et vous pardonnant, ne voudrait vous laisser croupir dans le péché, de même que ceux qui aiment et pardonnent à des personnes alcooliques ne souhaitent pas les voir rester dépendants de l’alcool.
Effectuer une pénitence après la confession, c’est effectuer ces premiers pas dans une nouvelle direction. C’est réaliser que le pardon du Christ n’est pas quelque chose d’extérieur, quelque part dans le vide – une reconnaissance de dette que je pourrai troquer le jour ou je serai confronté au ciel et à l’enfer. L’amour rédempteur de Dieu ne m’abandonne pas dans mon péché ; son but est de me transformer maintenant. La grâce du sacrement agit en changeant mon cœur. Et si mon cœur est réellement changé, j’ai besoin de commencer à vivre différemment.
Alors, après la confession, je fais ces premiers « pas de bébé » dans une direction nouvelle en accomplissant ma pénitence consciencieusement et avec foi. Non pas parce que je m’imagine à tort gagner ainsi l’amour et le pardon de Dieu. Non, nous aimons « parce que Dieu nous a aimé le premier. » (1 Jean 4) C’est seulement en acceptant l’amour et le pardon de Dieu que je peux changer. Je sais, en regardant le crucifix avant d’aller me confesser qu’Il m’aime et m’a déjà pardonné. Je ne vais pas me confesser pour changer Dieu mais pour laisser Dieu me changer.
Généralement, ce changement ne se fera pas instantanément et facilement. La grâce de Dieu œuvre au fil du temps et Dieu agit à Son heure. Dieu ne nous demande pas de devenir parfait en un instant. Ce qu’Il demande, et que le prêtre nous dit de sa part, c’est : « fais quelques pas et aie confiance que je suis à l’œuvre dans ta vie, souvent d’une manière dont tu n’as pas conscience. »
Aller se confesser peut être difficile. Cela ressemble souvent à une sorte de mort. Et c’en est une : la mort à soi-même. Mais cette mort à soi-même est nécessaire si nous voulons « vivre en Christ ».
Des gens me demandent tout le temps : pourquoi Dieu a-t-il besoin d’un prêtre et d’une confession pour pardonner nos péchés ? Bien sûr qu’il n’en a pas besoin ! Il nous a déjà pardonné nos péchés. C’est nous qui avons besoin du prêtre et de la confession. C’est nous qui avons besoin de réfléchir sérieusement sur notre façon de vivre, qui avons à devenir conscients de nos égarements. C’est nous qui avons besoin d’avoir le courage d’avouer tout haut nos fautes, en paroles, à une personne d’aujourd’hui, afin que cela résonne significativement dans nos oreilles et dans nos cœurs. Et c’est nous qui avons besoin d’entendre les paroles du pardon afin de savoir, dans ce moment de honte et d’humilité, que Dieu nous a pardonné.
Les sacrements nous rendent présent l’amour de Dieu d’une façon incarnée. Demander si nous avons réellement besoin de la présence incarnée d’un sacrement, c’est un peu comme demander si on a réellement besoin d’embrasser son bien-aimé ou sa bien-aimée. Vous pourriez juste l’aimer platoniquement de loin je suppose – mais c’est beaucoup moins plaisant. Comme humains incarnés, beaucoup de gens semblent penser que les baisers sont une bonne chose.
Je suis un adulte converti au catholicisme. J’avais dans l’idée que la confession était la chose la plus débile qu’un être humain puisse faire. Mais j’ai découvert que l’acte physique de se confesser est l’une des richesses du catholicisme. C’est comme un baiser de Dieu.
Randall Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université Saint Thomas de Houston (Texas).
Illustration : Padre Pio au confessionnal
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/03/09/penance-absolution-and-forgiveness-of-sins/