Peindre avec la lumière - France Catholique
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Toutes les religions se valent-elles ?
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Peindre avec la lumière

Dans les plus splendides cathédrales comme dans les églises les plus humbles, l’art du vitrail se développe à partir du XIIe siècle. Il s’appuie sur une spiritualité de la lumière, dont le but est de rendre sensible la lumière divine. Entretien avec Mathieu Lours, historien de l’art.
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La Résurrection. Cathédrale Saint-Étienne, Châlons-en-Champagne.

La Résurrection. Cathédrale Saint-Étienne, Châlons-en-Champagne.

© Jacques Seray

Comment est né l’art du vitrail ?

Mathieu Lours : Il s’est développé essentiellement à partir du XIIe siècle, avec la fin de l’architecture romane et le début de l’architecture gothique, favorisé par l’abbé Suger, le célèbre prélat de l’abbaye Saint-Denis. C’est l’époque où l’on redécouvre la pensée d’Aristote. L’abbé se fonde sur un traité du philosophe aristotélicien le Pseudo-Denys, qu’on attribuait alors à Denys l’Aréopagite, un Grec converti au christianisme par saint Paul, et qu’on identifiait à cette époque à saint Denis de Paris, dont le corps, selon la tradition, reposait dans l’abbatiale.Suger pensait donc transcrire dans l’architecture la pensée du saint patron du lieu. Une pensée selon laquelle la lumière est d’essence divine. Lors d’un voyage à Rome, il découvre les grandes basiliques paléochrétiennes et leurs mosaïques couvertes d’or, qui reflètent la lumière. Malheureusement, il n’y a plus de mosaïste en France depuis l’époque carolingienne. À partir de 1135, Suger a l’idée de remplacer les mosaïques par les vitraux, pour spiritualiser la lumière avec du verre, comme la mosaïque, qui est de la pâte de verre.

Comment l’abbé Suger développe-t-il cette spiritualité de la lumière ?

C’est un grand penseur. Il écrit des textes sur la spiritualité du vitrail. En bon latiniste, il utilise deux mots pour la lumière : lux, « la lumière divine » et lumen, « la lumière physique ». Dans les églises, il veut donc transformer la lumière physique en lumière spirituelle ! Dans les plus anciennes églises, en effet, il n’y a pas de lumière directe, pas de lumen  : seulement la lux.

Le vitrail est « la peinture qui participe le plus directement du brillant de la lumière cosmique », écrit le philosophe Alain, en 1930. Est-ce un art particulièrement spirituel ?

En effet, le vitrail dépasse le rôle iconographique des autres œuvres d’art. Il permet à la lumière de prendre un sens à la fois narratif, symbolique et spirituel. Narratif car la lumière – principe de vie – permet d’animer l’image représentée sur le vitrail en la traversant. Elle imite un souffle, qu’au Moyen Âge on appelait le ductus. De fait, l’image reflète quelque chose de vivant, sans être vivante elle-même. Son rôle symbolique est de montrer une autre réalité, derrière ce que l’on voit. Enfin, sa dimension spirituelle ou théologique est de montrer que cette réalité permet de conduire au Salut : cette image, en lien avec le message biblique et christique, peut aiguiller le fidèle vers quelque chose qui est bien, beau et vrai, et lui permettre de se mettre en adéquation avec l’ordre du monde voulu par Dieu.

Peut-on dire aussi que tout est fait pour évoquer le Christ « lumière née de la lumière », selon le Credo  ?

Oui, nous sommes dans une pensée pascale de l’Église : nous avons reçu la lumière – le Christ – mais nous l’attendons toujours, car Il doit revenir. C’est ce qu’évoque le temps cyclique de la lumière qui revient tous les ans, avec Pâques, et tous les jours, avec le soleil qui se lève.

Retrouvez l’entretien complet dans le magazine.