« La crise de l’enseignement n’est pas une crise de l’enseignement ; il n’y a pas de crise de l’enseignement ; il n’y a jamais eu de crise de l’enseignement ; les crises de l’enseignement ne sont pas des crises de l’enseignement ; elles sont des crises de vie ; elles dénoncent, elles représentent des crises de vie et sont des crises de vie elles-mêmes ; elles sont des crises de vie partielles, éminentes, qui annoncent et accusent des crises de vie générale ; ou si l’on veut les crises de vie générale, les crises de vie sociale s’aggravent, se ramassent, culminent en crises de l’enseignement qui semblent particulières ou partielles, mais qui en réalité sont totales, parce qu’elles représentent le tout de la vie sociale ; c’est en effet à l’enseignement que les épreuves éternelles attendent, pour ainsi dire, les changeantes humanités… » Je suis au regret d’interrompre cette citation où les habitués de sa prose auront reconnu le ton inimitable de Charles Péguy. Si j’ai voulu la reprendre, c’est qu’elle est d’une actualité totale.
Visiblement la réforme du collège ainsi que la réforme des programmes, élaborées sous la responsabilité de Mme Vallaud-Belkacem, ne passent pas. Elles soulèvent un impressionnant concert de protestations qui réunit des personnalités très diverses. Et le ton employé n’est pas tendre. C’est que ce qui concerne l’enseignement engage, comme le disait Péguy, le tout de la vie sociale, nos conceptions de la vie et du monde. La ministre de l’Éducation nationale se trouve au centre de la tempête, et si elle fait front avec détermination, on s’interroge sur sa position idéologique très marquée, qui aggrave la contestation. Certes, il y a danger de concentration sur une personne avec une telle violence polémique. Christiane Taubira s’est trouvée, elle aussi, dans une position de cible dès le début du quinquennat de François Hollande. Il m’est même arrivé de plaider en sa faveur pour la protéger un peu. Ce n’était sûrement pas parce que je m’étais rallié à ses thèses. Il convenait de ramener un peu de paix dans la discussion, pour en mieux saisir les enjeux. Ce doit être la cas à propos de l’avenir de l’école, où nous jouons très très gros, pour l’avenir de nos enfants, celui de la culture, celui de notre pays. Il ne s’agit pas de crise partielle, mais de crise totale.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 13 mai 2015.