Peaux-Rouges, insultes racistes et justice sociale - France Catholique
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Peaux-Rouges, insultes racistes et justice sociale

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Pendant la mi-temps d’un match de la NFL (National Football League, NdT) diffusé sur NBC en octobre 2013, le commentateur, Bob Costas, a estimé que la propriété des Washington Redskins (Peaux-Rouges de Washington) devrait changer de nom. Suivant l’exemple du Président Obama qui avait dit qu’il changerait le nom de l’équipe s’il en était le propriétaire, Costas fit valoir que « Peaux-Rouges » est « une injure, une insulte, quel que soit le côté anodin de l’intention sous-jacente, de nos jours. »

Le propriétaire, Dan Snyder, réagissant au commentaire du Président a défendu l’appellation, arguant de la tradition de l’équipe vieille de 81 ans, que le nom est employé sans malice ni sectarisme par la société propriétaire, et qu’il ne trouble pas la grande majorité des Amérindiens.

Cet argument est très faible.

D’abord, parce que la perception de la langue peut changer au fil du temps, et le fait que la plupart des gens ait considéré un mot comme anodin il y a des décennies ne veut pas dire qu’il le soit aujourd’hui. Prenez par exemple le mot « Nègre ». Dans les années cinquante et soixante, il était le terme le plus courant et le plus acceptable par lequel les Américains, blancs et noirs, parlaient des Afro-Américains. Aujourd’hui, c’est un objet de parodie pour des comiques noirs qui cherchent à faire rire. Personne de bon sens ne l’utiliserait plus dans une conversation ordinaire.

Deuxièmement, la pureté de cœur de la propriété n’est pas pertinente. Les personnes les plus agréables et les plus aimables utilisent parfois un langage totalement inapproprié. Cela peut les dégager d’une éventuelle culpabilité mais cela ne transforme pas leurs mauvaises paroles en bonnes paroles.

Troisièmement, le fait qu’un groupe minoritaire a pris l’habitude d’être décrit par un terme insultant peut être une preuve que le groupe a assimilé dans sa propre communauté une infériorité néfaste pour son propre bien. Certains catholiques, par exemple, se présentent eux-mêmes comme catholiques « romains », même si l’adjectif est un terme péjoratif inventé par les anglicans d’après la réforme dans le but de marginaliser le catholicisme en le présentant comme une Eglise régionale analogue à l’Eglise d’Angleterre.

Qu’est-ce qui, précisément, fait que le terme « peau-rouge » est une insulte ? Comme « bronzé », « basané » ou « jaune », « peau-rouge » n’apparaît pas seulement comme un terme peu flatteur – par opposition à, disons, « teint écarlate » -, mais il fait comme tous les raccourcis d’argot ethnique, il réduit ses sujets à une simple propriété physique qui agit comme une marque d’infériorité. Parce qu’il définit des sujets à part, d’une manière telle que cela suggère qu’ils ne sont pas vraiment des nôtres, des personnes avec une dignité intrinsèque et une valeur incommensurable qui ne devraient pas être jugées, selon les mots du Dr Martin Luther King Junior, « sur la couleur de leur peau… [mais plutôt] sur la valeur de leur personne ».

« Peaux-Rouges » n’est tout simplement pas comme les noms amérindiens d’autres équipes sportives telles que « Séminoles », « Guerriers Illinis » ou « Utes », de la même façon que « Rital » n’est pas semblable à « Romain », « Napolitain » ou « Sicilien ». C’est une chose que d’être appelé « le guerrier irlandais », c’en est une autre que d’être appelé « les Micks2 maladroits de Dublin »

Je suis bien évidemment d’accord à la fois avec M. Costas et avec le président que M. Snyder devrait changer le nom des Peaux-Rouges.

Pourtant, là où nos avis divergent, c’est sur le fait de savoir s’il s’agit d’une telle injustice sociale perpétuée par la Ligue Nationale de Football qu’il soit nécessaire, pour y remédier, d’utiliser un temps précieux d’antenne et le concours du chef de file du monde libre.

Ce que je pense est bien pire, pour ainsi dire ignoré de tout le monde, et un véritable cas d’injustice sociale à résoudre : c’est la manière dont un nombre important d’athlètes professionnels (tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la NFL) mènent leurs vies et comment les conséquences de cette conduite subvertissent le bien de tiers innocents.

Le nombre d’enfants engendrés hors mariage par les athlètes professionnels, avec des femmes qui ne sont pas leurs épouses, est légendaire. Dans certains cas, ils sont en effet les cibles d’admiratrices entreprenantes qui considèrent ces actes d’engendrement illicites comme leurs « tickets-repas ». Quoi qu’il en soit, indépendamment de qui est à l’origine du contact ou des motifs des personnes concernées, de véritables enfants– vulnérables, sans défense et innocents – en sont le résultat. Ces enfants, par nature, ont droit à un père et à une mère, engagés l’un envers l’autre dans le mariage, et en l’absence de telles dispositions, le succès florissant de ces enfants est gravement compromis.

Le réseau qui emploie M. Costas, NBC, présente ces athlètes comme les héros américains par excellence, des artistes doués et grassement payés, dont l’ensemble unique des talents et des compétences aide le réseau à vendre du temps de publicité à des entreprises multimilliardaires qui produisent de tout, depuis la bière aux tablettes informatiques ou à la dernière console X-box.

C’est pourquoi il est beaucoup plus facile à M. Costas de se plaindre de l’injustice sociale que constitue le nom d’une équipe plutôt que d’interpeller les géniteurs d’orphelins « tickets-repas » qui contribuent au paiement de son généreux salaire.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/redskins-racial-slurs-and-social-justice.html

Illustration : Geronimo par Edward S. Curtis, 1909.


Francis J. Beckwith est professeur de philosophie et d’études sur les relations Etat-Eglise à l’Université Baylor où il est également co-directeur du programme d’études philosophiques de la religion à l’Institut Baylor pour l’étude des religions. Son plus récent ouvrage (avec Robert P. George et Susan McWilliams) est « Un deuxième regard sur les choses premières : un cas pour les Conservateurs – En hommage à Hadley Arkes » (Presses de Saint Augustin, 2013)

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