Tout était programmé pour que Christiane Taubira, nouveau ministre de la Justice, devienne la cible privilégiée des attaques de ses adversaires politiques. On retiendra à ce propos la formule de Jean-François Copé mettant en garde l’électorat de droite contre la tentation du vote Front national. Pardon du vote Bleu marine ! « Quand l’on vote Front national, on a la gauche qui passe et on a Christiane Taubira. » Oui, pourquoi, elle, particulièrement ? Parce qu’étant en quelque sorte en charge de la répression, qui devrait protéger les honnêtes gens, elle serait le symbole même du laxisme. Et les accusations pleuvent dru : ne veut-elle pas supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs, qui ont commis des actes passibles de plus de trois ans de prison ? Il s’agirait pour elle de « détricoter » ce que la droite a élaboré au cours du quinquennat précédent, donnant ainsi la preuve que la gauche c’est l’angélisme alors que la droite c’est la sécurité ! Il y a eu aussi l’évasion malheureuse d’un détenu qui a profité de l’occasion d’un tournoi de basket entre prisonniers à Bercy pour se faire la belle. Christiane Taubira avait simplement assisté à ce tournoi, pour donner un signe de l’attention qu’elle porte à la réhabilitation des délinquants. Voilà de quoi se faire moquer d’elle.
Et cela continue. Notre garde des Sceaux aurait décrété l’impunité des jeunes gens qui avaient brûlé un drapeau français au soir du 6 mai. Pour le coup, il s’agit d’un faux caractérisé car l’événement mentionné ne s’est même pas produit et la photo qui sert de preuve daterait de 2007, pour un incident qui s’est produit à Toulouse. Il faut donc faire attention lorsqu’on se lance dans la polémique en prenant une personne particulière afin de la transformer en bouc-émissaire. Il faut être rigoureux sur les faits, ne pas mélanger le vrai et le faux, en se rapportant à de simples rumeurs. Je ne veux pas apparaître ici comme l’avocat de madame Taubira, et j’admets que les questions de sécurité doivent être traitées avec le sérieux nécessaire. Mais il importe de conserver au débat public une réelle rigueur intellectuelle. Sinon, tout le monde finira par être perdant. La colère et le ressentiment sont mauvais conseillers. Et si l’on veut défendre ses convictions, il faut se montrer digne des valeurs que l’on défend. Et cela est vrai, à droite comme à gauche !
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 23 mai 2012.