Après toutes ces semaines où l’Église s’est trouvée bousculée par la polémique, le carême s’offre à nous, pour nous recentrer dans la foi. De plus, cette année, le Pape nous a invités à nous mettre dans le sillage de l’apôtre Paul, éclaireur exceptionnel pour suivre la voie du Christ. Après vingt siècles, l’auteur des épîtres est toujours le même guide qui nous permet de comprendre à quel point notre existence se trouve transfigurée par le mystère de la Croix et de la Résurrection. L’apôtre des nations, fondateur d’Églises, s’offre à nous, en cette période précise, pour nous imprégner de l’essentiel et nous détourner de toutes les impasses où l’on tente de nous engager, comme pour nous débarrasser de ce qui fait notre seule raison d’être. Et, puisque le concile Vatican II est sans cesse évoqué dans les polémiques, il est bon de rappeler que la constitution Lumen Gentium, qui figure en tête de ses actes, se réfère précisément à Paul, dès son introduction, notamment pour citer l’Épître aux Romains qui restitue le sens de l’incarnation et de la rédemption : « Tous ceux qu’il a choisis, le Père, avant tous les siècles, les a distingués et prédestinés à reproduire l’image de son Fils pour qu’il soit le premier-né parmi une multitude de frères » (Col. 1.15).
À partir de cette unique norme, la vocation de l’Église, telle qu’elle se dessine dans le monde d’aujourd’hui, n’est susceptible d’aucun dérapage. La modernité et la Réforme n’y font rien. Le peuple que Dieu s’est choisi ne s’en remet qu’à Dieu. Peut-être, est-ce parce qu’on l’a parfois oublié que la dissidence intégriste a pu prendre forme ? Et, puisqu’on a si souvent invoqué le rapprochement avec le judaïsme, il convient aussi de rappeler avec l’apôtre que le peuple de la Promesse est, selon l’expression du cardinal Lustiger, « le peuple de la désappropriation ». Et le Cardinal ajoutait : « Par la foi en Christ, fils obéissant et ressuscité, accomplissement d’Israël, des fils et des filles viennent de toutes les nations et ont accès à l’Ecclésia, à la grâce, à la mission d’Israël » (La Promesse, Parole et Silence, 2002).
Le dialogue avec le monde et les autres religions est un dialogue de salut. Il invite à la bienveillance, à la reconnaissance des biens présents dans tous les héritages. De même, l’immersion des chrétiens dans la civilisation contemporaine s’inscrit dans la recherche de la plus grande fraternité. Mais en tout, la foi demeure la lumière qui permet de comprendre et d’unir. La modernité est notre univers à nous comme l’était l’Empire romain pour Paul. Elle est autant à convertir que l’était l’Empire fier de toutes ses richesses. C’est la mission dévolue depuis toujours à l’Église et réaffirmée dans toute sa force par Vatican II.