Patrick Modiano - France Catholique
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100 ans. Donner des racines au futur
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Patrick Modiano

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Je fais partie de ceux qui se sont réjouis de l’attribution du prix Nobel de littérature à Patrick Modiano, parce qu’ainsi est honorée la littérature française en la personne d’un remarquable écrivain, au style très personnel, créateur d’un univers qui n’est qu’à lui, alors même qu’il nous en rend profondément complices. On a parlé d’un nouveau Proust, non sans pertinence, Modiano étant aussi recréateur du « temps perdu », notamment celui de l’Occupation, avec un clavier de l’âme sensible et pudique qui distille sa petite musique. Non, ce n’est pas rien que la littérature pour un peuple, c’est même essentiel. Et en ce sens, je me joins à tous ceux qui ont souligné que Modiano est le quinzième Français à recevoir ce prix exceptionnel, six ans seulement après un autre écrivain français Jean-Marie-Gustave Le Clézio. Avant, il y avait eu Claude Simon et Jean-Paul Sartre, qui l’avait d’ailleurs refusé. Et comment oublier Albert Camus, dont le mémorable discours avait provoqué une polémique qui ne s’est d’ailleurs pas éteinte à propos de sa mère et de la justice ?

Précisément, ces grands noms nous relient à un aspect fondamental de notre identité nationale. Ce qu’on appelle culture générale s’ordonne autour de ce fleuve qui parcourt les siècles et sans cesse enrichit son cours. C’était autrefois le dispositif central de notre Éducation nationale, et il m’est arrivé de regretter qu’on se soit éloigné du modèle classique qui permettait aux jeunes d’accéder à un humanisme sans équivalent. La vocation de l’école, et sa dignité, c’est de faire accéder à un patrimoine qui nous permet de pénétrer au cœur de notre humanité. On peut certes exercer un discernement, et on le doit, car il y a des aspects très contrastés entre Rabelais et Montaigne, Corneille et Racine, Rousseau et Voltaire, Chateaubriand et Balzac, Mauriac et Malraux, Céline et Bernanos. La formation de l’esprit ne tient pas en un formatage arbitraire ou en discours idéologiques, elle tient dans l’accès aux grands textes, à une familiarité qui nous nourrit, nous sort de nous-mêmes pour nous faire grandir et provoquer un colloque intérieur qui se prolongera une vie entière.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 13 octobre 2014.