Patrick Kéchichian - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Patrick Kéchichian

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C’est la lecture du Monde des livres du jeudi qui m’a rendu familier le nom de Patrick Kéchichian. J’étais intrigué par un journaliste – c’est tellement rare aujourd’hui – qui parlait avec compétence, et mieux encore avec justesse, des sujets religieux. Je me renseignai discrètement sur ce singulier Kéchichian auprès d’un confrère qui le côtoyait dans les couloirs du même journal et je fus édifié, au meilleur sens du terme, par ce qui me fut confié. Plus tard, je ne fus pas étonné que notre critique littéraire consacre un livre à la figure décalée et anachronique d’Ernest Hello, cet écrivain catholique bien oublié. C’était un signe de plus d’une sagacité, doublée d’une belle indépendance de jugement. Depuis, Patrick Kéchichian a quitté Le Monde, mais j’ai le plaisir de le retrouver dans La Croix du jeudi. Son Petit éloge du catholicisme, reçu cet été, correspond – c’est trop peu dire – à ce qu’on pouvait attendre de l’écrivain. Car il va beaucoup plus loin.

Il ose parler à la première personne. Il ose cet engagement personnel, qui consiste à répondre de la foi qui est la sienne, dans la totale confiance en l’Eglise et en la Tradition qu’elle incarne. Il y a bien des merveilles dans ce petit livre qui illustre ce qu’André Frossard appelait l’art de croire. On peut d’ailleurs se reporter à l’index thématique qui permet de faire son choix sur un thème ou sur un autre. Mais la lecture d’ensemble est indispensable. Je viens de la refaire du début à la fin, et j’y ai retrouvé d’abord cette modestie, cette intériorité du ton et de la démarche. Ce ne sont pas les grandes orgues qui nous sont imposées, c’est plutôt un écho de la tonalité des confessions de Saint Augustin. Pourtant, notre auteur, qui est un artiste, ne dédaigne pas les manifestations les plus sensibles de la splendeur du baroque: « Il y a, écrit-il, un réalisme et un héroïsme de la foi dont le baroque pourrait bien être la plus juste expression. Il y a aussi une sorte de jubilation et d’orgueil détourné pour investir l’espace aussi bien visuel que sonore pour la seule gloire de Dieu. »

Il est donc bien entendu que l’éloge du catholicisme ici consonne avec l’expression de la gloire. Une gloire qui ne contredit pas la Croix puisque comme chez Balthasar, elle jaillit aussi de la Croix. L’hymne de Saint Paul dans l’épître aux Philippiens est au cœur de la foi de Patrick Kéchichian. Comme Édith Sein, il nous parle d’une « science de la Croix » et celle-ci l’entraîne à révérer le Nom qui est au-dessus de tout nom et à comprendre que cette Croix est glorieuse et nous mène à la Résurrection.

Mais il me faudrait dire encore d’autres choses sur les amitiés théologiques – le Père de Lubac, le cardinal Lustiger – mais aussi sur les amitiés littéraires de l’auteur qui sont bien évidemment les meilleures – Bloy, Huysmans, Charles du Bos, Claudel et évidemment Bernanos. D’ailleurs, Patrick Kéchichian termine par une citation de Bernanos, tirée du Journal d’un curé de campagne. A-t-on plus merveilleusement écrit sur Marie ? « Plus jeune que le péché, plus jeune que la race dont elle est issue et bien que mère par la grâce, mère des grâces, la cadette du genre humain. » L’éloge du catholicisme pouvait-il mieux se conclure que par l’éloge de la cadette du genre humain ?

Gallimard-Folio, 127 pages, prix : 2 €