Pas avec seulement du pain sans levain - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Pas avec seulement du pain sans levain

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Un jour, au Canada, le Professeur Richard Lederer proposa pour s’amuser une Histoire du Monde selon les œuvres d’étudiants. Dans le lot, on trouvait par exemple: « Socrate était un professeur grec mort d’une overdose de vie conjugale.», ou bien, « les enfants d’Israël, fuyant d’Égypte, consommaient du pain sans levain, sorte de pain sans ingrédients. Il était bien question de pain sans levain dans l’Exode car les Hébreux devaient partir en hâte, leurs vies ne tenaient qu’à un fil, et il fallait partir avant que la pâte de leur pain ait levé.»

Mais en cette Semaine sainte je me demande bien quelles traductions se faufileraient dans les écrits des étudiants s’ils s’étaient arrêtés sur cet extrait du Livre de l’Exode rarement cité: « Si un étranger en résidence chez toi veut faire la Pâque pour Yahvé, tous les mâles de sa maison devront être circoncis ; il sera alors admis à la faire; il sera comme un citoyen du pays; mais aucun incirconcis ne pourra en manger.» [Ex 12:48]

Des amis chrétiens sont fréquemment invités à un dîner pascal Juif — en réalité l’équivalent de la Sainte Cène — mais en notre époque décontractée, les hôtes n’appliquent plus les vieilles règles, ni même ne posent les questions indiscrètes, à présent, le pain sans levain, le matzo, sur les rayons des supermarchés, est le signal le plus évident que la Pâque approche. C’est le symbole, ou le rappel, du fait historique: la libération du peuple Juif.

Mais il est étrange que l’autre aspect de l’histoire, portant une autre dimension morale, semble avoir disparu. Le pain peut bien être sans levain, mais il est toujours, néanmoins, un signe de communion, communion qui accompagne les obligations morales de l’appartenance. Il ne s’agit pas du simple partage d’un repas pris en commun, mais de quelque chose de bien plus grande importance.

Selon le récit biblique Dieu répand sur l’Égypte un jeu de plaies pour inciter le Pharaon à laisser partir les Hébreux. À un moment le Pharaon est prêt à céder et déclare : « Partez, servez le Seigneur, mais vos troupeaux de menu et grand bétail demeureront, seuls les tout-petits partiront avec vous.» À quoi Moïse répond : « Tu devras nous donner aussi de quoi offrir nos sacrifices et brûler des offrandes afin que nous puissions honorer le Seigneur notre Dieu.»
Autrement dit, ils peuvent partir, mais que ce soit de manière à conserver leur caractère en tant que peuple, que ce caractère soit préservé en sauvegardant les rites qui marquent leur dévotion au Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob.

Un de mes voisins à Washington, apprenant que je suis catholique, me dit son étonnement car, pour lui, l’Église semblait s’être débarrassée de bien des règles. Il assistait à une messe voici quelque temps et il était un peu choqué que lui, et d’autres assistants, ne fussent pas invités à se joindre à tout le monde pour recevoir le Communion. Mais je tentai de lui expliquer qu’il s’agissait précisément d’un partage en commun. Et comprenions-nous ainsi la signification de notre venue pour recevoir l’Eucharistie ?

Elle n’est pas proposée, après tout, aux gens qui auraient juste envie d’un biscuit. Et, curieusement, il ne viendrait jamais à l’esprit que ce serait meilleur avec un peu de Brie posé sur l’Hostie. Et demeure un sérieux contentieux à propos de la communion sur la langue et non à la main, car le corps de notre Seigneur ne devrait pas être « manipulé ».

J’ai cru faire une bonne blague voici quelques mois en déclarant qu’un de ces jours on nous annoncerait lors d’un service chrétien « hosties garanties sans gluten ». Et voilà qu’à un service Mémorial — pas catholique — ce souci d’offrandes « allégées » était cité sur les feuilles d’annonces. Une église particulièrement libérale pourrait annoncer au monde entier que ses hosties sont « garanties sans gluten ni Présence Réelle ».

Dans le Criton de Platon, Socrate imagine les lois d’Athènes apparaissant, personnifiées, en face de lui, et lui demandant « Qui se soucierait d’une cité sans lois ? Qui apprécierait une cité où le bien et le mal ne feraient pas l’objet de jugements ? Qui se soucierait d’une cité, ou d’un organisme politique ainsi privé de personnalité ?

Les gens vont, dans notre pays, voter sans états d’âme, exprimant leur préférence parmi les candidats, mais sans se rendre bien compte que par ce simple geste prosaïque ils participent à une communion de destins. Sont-ils conscients que, par leur vote, ils affirment le bien-fondé d’un régime d’élections libres? Sentent-ils alors qu’ils se lieraient en votant pour un parti — disons communiste, ou nazi — leur confisquant à eux et à tout le monde autour d’eux ce même droit de vote et les priverait même des protections conférées par la loi ?

Adopter la citoyenneté est comme entrer en une sorte de communion, avec des obligations morales, soulevant la question sur la qualité de « citoyen » que nous souhaitons adopter. Avec Saint Paul, nous célébrons l’agneau pascal et le Christ ressuscité « non avec le levain ancien, levain de malice et perversité, mais avec le pain sans levain, pain de sincérité et de vérité.»

7 avril 2015

NDT : citation de l’Exode, texte français de la Bible de Jérusalem.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/04/07/not-with-unleavened-bread-alone/