Vendredi Saint : pourquoi faire le Chemin de croix ? - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Vendredi Saint : pourquoi faire le Chemin de croix ?

La tradition du Chemin de croix du Vendredi Saint remonte au Moyen Âge. Cette dévotion très incarnée a été inventée par les franciscains, afin d’aider les fidèles à vivre la Passion du Christ. Elle s’est développée dans toutes les églises et rencontre une popularité grandissante pendant le Carême.
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C’est aux XVe et XVIe siècles que se sont multipliés les Sacri Monti, « Monts sacrés », dans les paysages italiens du Piémont et de la Lombardie. L’intuition était de reconstituer la Via Dolorosa et Jérusalem en Occident, alors que les pèlerinages en Terre sainte devenaient de plus en plus dangereux à cause de l’occupation musulmane.

Le Chemin de croix, ainsi mis en évidence et en valeur, est le signe d’une ferveur populaire qui n’a d’égale que celle du Rosaire. Les créateurs, de génie, de cette pratique qui fait appel à tous les sens, furent les franciscains, dans le contexte du royaume latin de Jérusalem. Il s’agissait de revivre la Passion de Notre-Seigneur en essayant de se remettre dans le contexte historique et l’atmosphère de la Judée. Sur les Lieux saints, les religieux avaient découvert les restes de très anciennes chapelles construites, dès les premiers siècles, à l’emplacement supposé de certains des épisodes tragiques de la condamnation et de la mort du Christ.

Dès leur arrivée en Palestine en 1220, et surtout à partir de la fondation de la Custodie de Terre sainte en 1342, les fils de saint François n’auront de cesse de développer cette dévotion et de l’exporter vers l’Occident, surtout l’Italie et le Portugal, où elle s’épanouit rapidement.

Faute de partir sur les Lieux saints…

Le principe et la méthode de cette forme particulière de prière sont simples et attrayants puisqu’il s’agit d’un pèlerinage sur une distance plus que réduite – faute de partir sur les Lieux saints –, rythmé par des stations. Ce terme se trouve pour la première fois employé par un pèlerin anglais du XVe siècle, William Wey, qui avait effectué par deux fois le pèlerinage en Terre sainte.

Le nombre n’en sera pas fixé avant le XVIIIe siècle et la décision de saint Léonard de Port-Maurice, franciscain, qui le fixa à quatorze alors qu’on pouvait en compter jusqu’à plus d’une trentaine en certains sanctuaires. Chaque station retrace un des épisodes de la Passion du Christ, soit à partir du texte des Saintes Écritures, soit en s’inspirant d’un texte apocryphe ou d’une pieuse tradition.

Le « pèlerin » marche de station en station, en grimpant lorsqu’il s’agit d’un Chemin de croix extérieur, afin d’atteindre le Calvaire et le Tombeau. C’est en France, à Romans-sur-Isère dans la Drôme, que se trouve le plus ancien de ces Chemins de croix reproduisant en Occident une typographie sainte. Tracé et stations, au nombre de trente-neuf, furent établis par les franciscains récollets au XVIe siècle. Ils subsistent toujours malgré les affres de la Révolution.

Ce n’est qu’en 1686 que le pape Innocent XI permettra, toujours aux seuls franciscains, de proposer le Chemin de croix dans leurs églises. En 1731, Clément XII l’élargira à tout lieu de culte, mais encore sous le contrôle et avec l’autorisation des fils de saint François. Benoît XIV, en 1741, fixera le nombre des stations à quatorze et donnera des détails sur la manière dont les stations doivent être présentées dans l’église : des croix en bois, bénites, indulgenciées, accompagnées ou non d’une représentation de la scène.

Ce n’est que dans la seconde moitié du XIXe siècle que tout évêque aura la liberté d’installer des Chemins de croix dans son diocèse, ceci à la suite des demandes grandissantes et de la floraison de cette dévotion partout en Europe. Il faut même attendre Paul VI pour que tout curé de paroisse puisse en prendre l’initiative, avec l’accord épiscopal, sauf, – toujours ce privilège franciscain –, là où se trouve un couvent des frères mineurs puisque ces derniers sont les pères de cette dévotion.

Voilà pourquoi les Chemins de croix d’églises ne sont pas très anciens, sauf les magnifiques stations de Giandomenico Tiepolo, à San Polo de Venise, peintes en 1747-1749, et celles de Giovanni Capello, à San Giuseppe de Brescia, en 1712. La France sera une bonne élève car le Chemin de croix participera grandement au renouveau de la foi dans un pays rudement touché par l’époque révolutionnaire. Ce sont les prêtres réfractaires émigrés en Italie qui rapporteront, dans leurs bagages spirituels, cette pratique faite pour tous les fidèles sans exception.

Une contemplation du Christ souffrant

Le Chemin de croix est d’abord une méditation de la Passion du Christ, de la Cène ou de l’Agonie au Jardin des oliviers, jusqu’à la Mise au Tombeau. Cette contemplation du Christ souffrant est bien sûr antérieure à cette dévotion. Elle est aussi ancienne que l’Église, d’où les nombreux équivalents en Orient dans des rites multiples. Le XVIIe siècle français sera un âge d’or de la dévotion envers les Plaies du Christ. Les ouvrages proposant une relecture de la Passion sont alors parmi les plus populaires, comme le best-seller du dominicain Louis Chardon, paru en 1647, et constamment réimprimé depuis : La Croix de Jésus où les plus belles vérités de la théologie mystique et de la grâce sanctifiante sont établies.

Cette époque est ainsi à compatir aux souffrances du Christ, ceci afin d’y voir comme dans un miroir le reflet de nos péchés, causes de cette mort ignominieuse. Le Chemin de croix, par sa théâtralisation, comme encore aujourd’hui à Antignano au Piémont ou à Trapani en Sicile, – où l’on assiste à de véritables reconstitutions avec les habitants comme acteurs des mystères sacrés –, n’est pas uniquement la mémorisation d’un événement passé, mais l’actualisation à la fois de la culpabilité humaine, du repentir possible et du salut obtenu par la mort du Juste.

Une pratique qui renvoie à notre finitude

Il n’existe sans doute pas d’autre acte de piété qui renvoie aussi brutalement et absolument à la finitude et, par ricochet, à l’infini et à l’éternité. Le fidèle qui prie le Chemin de croix en passant de station en station, devient instantanément un pénitent. En contemplant le Christ portant sa Croix, il porte du même coup tout le poids de ses péchés et ne peut qu’être saisi à la gorge et au cœur par ce sur quoi il médite : la méchanceté de la créature et l’amour miséricordieux du Créateur.

Voilà pourquoi cette dévotion est enrichie d’une indulgence plénière, – le pape Pie XI ayant simplifié en 1931 les concessions précédentes –, car le fidèle médite en même temps sur les fins dernières, sur les conditions du salut et sur le nécessaire repentir de ses fautes. La dernière station – invisible celle-là – du Chemin de croix est l’entrée dans la vie paradisiaque, en compagnie du Maître qui redit à chaque pécheur sincèrement repentant les paroles adressées au Bon Larron : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43).

Traditionnellement, le Chemin de croix est l’exercice du vendredi, jour de la Crucifixion, mais il peut être une aide journalière. L’Église le met à l’honneur durant les vendredis de Carême et, de façon plus solennelle, le Vendredi Saint, avec une prédication-méditation en chaire pour chaque station. Ainsi, cette dévotion peut être à la fois très intime et personnelle, et aussi communautaire. En ce Vendredi Saint où les églises sont vides, dépouillées, où les tabernacles sont béants, où la messe n’est pas célébrée, le Chemin de croix prend toutes ses dimensions et remplit le cœur qui est déchiré par la tristesse et habité par l’espérance.

Il est très émouvant, en certains pays comme les Philippines, de voir les familles au complet pérégriner alors d’église en église et méditer ensemble devant les stations, tandis que le pays tout entier fait silence et pleure. En France, de nos jours, les manifestations sont moins visibles mais le Chemin de croix remue bien des âmes éloignées de la pratique de la foi. La divinité de Notre-Seigneur illumine son humanité souffrante. À cet instant, les paroles du centurion sur le Calvaire retentissent : « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu » (Mt 27, 54). Ainsi nous est donné le fruit de ce modeste pas à pas derrière le Christ.