Un article d’un journal militaire a récemment rapporté que l’Armée des Etats-Unis reconnaît son incompétence à déterminer les particularités d’un bon caractère. L’auteur écrit : « en général, le bon caractère est déterminé par ce qui est essentiel aux humains pour bien vivre, ce qui peut être compris comme réaliser son potentiel. » Il poursuit en disant que dans une force diverse d’environ un million de soldats et de civils, il y a des idées en concurrence quant aux objectifs humains.
Il suggère qu’une approche de cette confusion morale est de se concentrer sur les qualités pratiques d’un bon soldat : particulièrement l’honneur, la compétence et l’implication totale. Une note de bas de page cite le livre de 1981 de Alastair MacIntyre « After Virtue », comme s’il acceptait notre chaos actuel.
Cependant, il n’est fait aucune mention que, dans le même livre, MacIntyre se fait le champion de la thèse aristotélicienne sur l’unité des vertus, ni qu’il répudie le relativisme, qu’il s’est converti au catholicisme et aux convictions thomistes augustiniennes qui étayent l’essentiel de son remarquable travail.
Dans le catholicisme, il y a trois vertus théologiques ou surnaturelles : la foi, l’espérance et la charité (1 corinthien 13:13) et quatre vertus naturelles ou cardinales : la sagesse, la justice, le courage et la tempérance. Le Livre de la Sagesse nous en dit (8:7) : « que rien n’est plus utile aux hommes. » De ces vertus primordiales découlent des vertus corollaires, nous rendant capable de discerner et de faire ce qui est bien, vrai et beau.
Etant donné l’environnement sécularisé et pluraliste des services militaires, ceux désignés pour inculquer les vertus font du mieux qu’ils peuvent. Un article d’un journal militaire n’est pas un article à lire dans une conférence académique sur l’éthique. De plus, on comprend bien que ce n’est pas et que ce ne peut pas être la tâche de l’Armée que d’essayer de recruter dans une tradition de foi donnée ou dans ses fruits moraux.
L’idée selon laquelle « il y a plusieurs conceptions en compétition sur ce qu’est le but d’un être humain » nous rappelle par contre le commentaire bien embrouillé du juge Kennedy dans l’affaire Casey : « au cœur de la liberté, il y a le droit de définir sa propre conception de l’existence, de son sens, de l’univers et du mystère de la vie humaine. »
Tout au contraire, Grégoire de Nysse enseigne que : « le but de la vie vertueuse est de devenir semblable à Dieu. » (Catéchisme de l’Eglise Catholique 1803) Nous devenons semblables à Dieu en Le connaissant, L’aimant et Le servant ; nous accomplissons ces finalités par une fidélité inébranlable à l’enseignement établi de l’Epouse du Christ (Catéchisme de l’Eglise Catholique #2037)
Monseigneur Fulton J. Sheen l’a exprimé succinctement un jour : « si vous ne vous comportez pas comme vous croyez, vous finirez par croire comme vous vous comportez. »
Cela ne signifie pas que les catholiques devraient fuir l’armée ou d’autres services publics. Cela signifie – avec insistance – que quand la loyauté à Dieu entre en conflit avec la loyauté à César, on doit choisir d’obéir à Dieu. L’âme n’est jamais propriété de l’Etat.
Le cœur du système militaire légal est que toutes les actions et tous les ordres doivent être consultables par des pairs expérimentés et qu’ils sont justiciables, le cas échéant, de la cour martiale. En d’autres termes, toute décision militaire est, à cet égard, publique. Faire appel à la nécessité du secret ne devrait être envisagé que rarement et uniquement quand il y a une nécessité militaire impérieuse (comme dans le cas d’une frappe militaire imminente).
Au-delà de cet aspect public, il y a cependant un autre critère, plus élevé, dans la vie militaire pour faire le bien et éviter le mal : c’est la conscience du soldat, formée au minimum par une connaissance rudimentaire des principes de la loi morale naturelle.
Durant le procès My Lai, le juge a demandé au jury de déterminer si les actions meurtrières des troupes US à My Lai, au Vietnam avaient été commises par des hommes « d’intelligence et de compréhension normales ». Tous les soldats ont le devoir de désobéir à des ordres illégaux, au nombre desquels, bien certainement, celui d’ouvrir le feu intentionnellement et même exclusivement sur des gens non armés et n’offrant aucune résistance, hommes, femmes, enfants et bébés.
Des hommes de valeur refuseront d’obéir à un ordre d’une telle iniquité.
Maintenant, d’où vient un tel savoir ? « L’honneur » est un concept relatif, car il dépend du jugement d’un groupe donné ; « la compétence » peut signifier la capacité fonctionnelle de mettre en œuvre même des ordres immoraux ; de même, « l’implication totale » peut servir des buts néfastes.
Tous les groupes ont des « valeurs ». Cependant, la vertu « est une disposition ferme et habituelle à faire ce qui est bien » (Catéchisme de l’Eglise Catholique #1803). Les hommes de valeur font tout leur possible pour être vertueux – pour faire ce qu’ils savent devoir faire et pour savoir ce qu’ils font.
Tout comme il n’est pas du ressort de l’Etat d’inculquer le catholicisme, l’entraînement militaire ne doit pas non plus être pensé comme le professeur des vertus. C’est la tâche de l’Eglise – et de nous autres catholiques – que d’enseigner et de donner l’exemple de la vie vertueuse (Catéchisme de l’Eglise Catholique 2044), de façon que « ceux qui se destinent à une carrière militaire ou publique aient ainsi approfondi le sens du bien et du mal inscrit dans le cœur de l’homme ».
Une éducation à la vertu protège de la confusion tant mentale que morale.
La sagesse de faire le bien et d’éviter le mal est, ou devrait être, la source de l’éducation catholique à tous les niveaux, de l’école primaire à l’université. Alors, quand les anciens étudiants des écoles catholiques aborderont leur vie professionnelle, ils apporteront avec eux, par la grâce de Dieu, des consciences formées à la vertu, les rendant capables « de discerner, en toute circonstance, notre vrai bien, et de choisir les moyens justes pour y parvenir » (Catéchisme de l’Eglise Catholique #1835).
De fait, les catholiques devraient être des soldats dignes de confiance (Catéchisme de l’Eglise Catholique #2310) tout comme ils devraient être des citoyens de premier ordre parce que leur fidélité vertueuse à la Justice surnaturelle devrait leur prodiguer la lumière d’en-haut pour discerner et faire ce qui est juste et refuser de faire ce qui est moralement mal-intentionné.
Ce n’est pas la « clarification des valeurs » mais la culture de la vertu, à la lueur de laquelle les soldats et serviteurs de l’Etat fidèlement catholiques accomplissent leur devoir, « glorifiant le Seigneur par leur vie ».
Le diacre James H. Toner est professeur émérite d ‘éthique et de formation des dirigeants à U.S. Air War College.
Illustration : « Le retour » par C. Bosseron Chambers, vers 1915 [église des Saints Innocents New-York]
source : https://www.thecatholicthing.org/2017/10/08/a-few-good-men/