Photo : Matthew Hanley.
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Sur la croix, Jésus nous a donné sa mère pour qu’elle soit la nôtre. Jean le disciple bien-aimé, selon le dessein de la Providence, ne devait pas être son seul fils. Le 12 décembre 1531, Notre Dame de Guadalupe – la « mère miséricordieuse de toute l’humanité », telle qu’elle s’est présentée – a parlé avec une infinie douceur à un autre de ses fils, Juan Diego.
« Ecoute et laisse pénétrer cela dans ton cœur, mon cher fils. Ne sois pas malheureux ou troublé par quoi que ce soit. Que ton cœur ne soit pas troublé. N’aie peur d’aucune maladie ou angoisse, souffrance ou douleur. Ne suis-je pas là, moi qui suis ta Mère? N’es-tu pas sous ma protection? Ne suis-je pas ta santé? Ne reposes-tu pas sous mon manteau, en mon sein? Que désires-tu de plus? »
Il serait difficile de trouver des paroles plus consolatrices. Elles sont fascinantes si on les associe avec l’image miraculeuse de Marie imprimée sur la tilma de Juan Diego. Comment expliquer, entre autres, que dans les yeux de la Sainte Vierge se reflète Juan Diego (et les autres présents dans la pièce lorsqu’il déplia sa tilma) ? C’est notre technologie moderne, qui n’existait pas il y a quelques siècles, qui l’a découvert. Comment expliquer que l’image elle-même soit restée intacte, sur un tissu grossier qui d’ordinaire ne résiste pas plus d’une vingtaine d’années ? Qu’il n’y ait pas eu de détérioration en 479 ans, malgré plus d’un siècle d’exposition aux éléments naturels ?
La prodigalité des paroles rassurantes de Marie est magnifiée par le fait qu’elles sont prononcées un jour après que Juan Diego n’ait pas honoré sa promesse de rencontrer à nouveau Marie à un rendez-vous fixé. Au lieu de cela il avait passé la journée au chevet de son oncle gravement malade. Comme il savait qu’il avait fait faux bond à la Reine du Ciel, il décida de prendre un raccourci afin de ne pas la rencontrer. Est-ce que nous n’avons pas tous pris parfois des raccourcis, connaissant nos faiblesses, confrontées aux exigences qui nous sont données avec la foi en Christ, allant dans le sens contraire du courant culturel? En dépit de cela il fut accueilli par Notre-Dame et entendit ces mots apaisants, alors même qu’elle avait déjà demandé auparavant : « Ne m’oublie pas ».
Cela n’est-il pas éclairant pour aujourd’hui, alors que bon nombre de personnes qui fréquentent l’Eglise choisissent d’autres chemins ? Les ex-catholiques, dit-on, représentent la plus importante appartenance religieuse après les catholiques, aujourd’hui dans notre pays. Pour certains, c’est une expérience personnelle douloureuse qui les en a éloignés. Pour d’autres, une doctrine difficile à vivre les a déroutés. Je me suis souvent demandé ce que les obsédés de l’ordination des femmes, par exemple, répondent au fait que Marie est exaltée au-dessus de toute créature. Los Angeles n’est pas la « Cité des Anges » mais celle de leur Reine « Notre-Dame des Anges ». (Ami, admets-le : ça fait rêver !).
De nombreuses personnes adoptent une perspective laïque principalement pour s’évader de la morale catholique – même si la paix en dépend : violer ce qui est gravé dans le cœur provoque une inquiétude qu’aucune protestation ou spiritualité personnelle ne peut calmer. D’autres personnes de l’Occident se tournent vers l’Orient (ou vers un amalgame New Age qui laisse de côté l’ascétisme et la moralité exigeante des religions orientales) pour les mêmes raisons, ou bien simplement parce que c’est à la mode, bien que certains cherchent sincèrement une vérité, une spiritualité et un sens. Même si les raisons des ex-catholiques pour fuir l’Eglise ne ressemblent pas à celles que Juan Diego avait en évitant Marie ce jour-là, la Sainte Vierge comprend notre humanité et se tient prête à répandre sur nous son amour maternel.
Pendant que le Yoga est en vogue dans l’Ouest riche, National Geographic rapporte que des Mexicains, surtout ceux qui sont pris dans des cartels de la drogue, soumis à la violence et à « la perspective d’une mort horrible », se tournent vers « la mort elle-même pour être protégés » : le culte de La Santa Muerte (Sainte Morte) est curieusement devenu le « gardien des sans défense et des pires pécheurs ».
Est-ce qu’il n’y aurait pas là aussi un certain oubli — de Notre-Dame, de l’Eglise — qui se cache derrière tant de fatalité ? (Il ne fait aucun doute que c’est plutôt une persécution vicieuse, pas seulement de l’oubli, qui a caractérisé officiellement les relations du gouvernement mexicain avec l’Eglise pendant presque tout le siècle dernier.) Les drogues aujourd’hui, comme l’a écrit le cardinal Ratzinger, « pointent un désir intérieur en l’homme qui éclate sous une forme pervertie s’il ne trouve pas son accomplissement ». Cette perversion parvient à son apogée lorsque l’image pervertie est prônée comme moyen de gérer les conséquences chaotiques de la drogue, qui révèle d’abord « le vide de notre société ».
Peu après les apparitions de Notre Dame, les Aztèques de la région se convertirent par millions – et par conséquent abandonnèrent leur pratique de sacrifice humain. Comment avons-nous pu oublier ces préceptes de base, nous qui vivons dans un Etat qui tolère la suppression de vies humaines dans le sein maternel ? Le degré de notre barbarie des temps modernes dépasse, et de loin, les rituels aztèques. Car à la différence des aztèques, cette barbarie s’est développée dans une culture imprégnée de sensibilité chrétienne. Leurs dieux ont cessé d’avoir le pouvoir de faire des réclamations exigeantes sur la vie humaine ; mais l’idole de l’absolue autonomie individuelle – le « choix » et le « droit à la vie privée » – demande encore son tribut de chair.
Notre Dame a dit qu’elle venait pour donner aux hommes tout son amour et sa protection, pour écouter leurs pleurs et « apaiser leurs nombreuses souffrances ». Il ne pourrait guère y avoir de message plus engageant et plus urgent pour une époque anxieuse, profane, et surtout, une époque qui a oublié ce qui compte le plus.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2010/forgetting-our-lady-of-guadalupe.html
Matthew hanley est, avec le docteur Jokin D. Irala, l’auteur de Affirmer l’Amour, éviter le Sida : ce que l’Afrique peut enseigner à l’Occident, maintenant disponible au National Catholic Bioethics Center.
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Traduction de cet article : Anne Kurian.