Cela fait un an que notre paroisse a adopté la célébration du Saint Sacrifice de la Messe orienté vers l’Est liturgique. Ma décision de passer au ad orientem était provoquée par l’encouragement du Cardinal Sara de revenir à cette ancienne pratique de l’Eglise.
l’accueil de ce changement par les paroissiens a été largement positif. Des visiteurs assistant à la Messe font naturellement des remarques, généralement exprimant de la surprise, mais seulement occasionnellement un mécontentement. Certains remarquent qu’ils sont heureux de participer à une Messe telle qu’ils s’en souviennent de leur jeunesse. Les prêtres de la paroisse (et la plus part des prêtres de passage) ont trouvé que ce changement est une grande amélioration qui encourage une célébration priante et mémorable de la Messe.
Le Cardinal Sarah s’exprima encore récemment sur la célébration ad orientem lors d’une conférence publiée dans le revue La Nef (juillet-Aout 2017). Il a dit :
Etre orienté vers Dieu est avant tout une action intérieure, une conversion de notre âme vers le Dieu unique. La liturgie doit favoriser cette conversion vers le Seigneur qui est le chemin, la Vérité et la Vie. Pour faire cela nous utilisons des signes, de simples moyens. La célébration de la Messe ad orientem fait partie de ceux-là. C’est un des trésors du peuple chrétien qui nous permet de préserver l’esprit de la liturgie. La célébration orientée ne devrait pas devenir l’expression d’une attitude partisane et polémique. Au contraire, elle devrait devenir l’expression du mouvement le plus intime et essentiel de toute la liturgie : nous tourner vers le Seigneur qui vient.
La vérité spirituelle d’adoration, est de se tourner vers le Seigneur, ce qui est visuellement communiqué par les fidèles en adoration sur les bancs quand le prêtre, ne regardant pas dans leur direction lorsqu’il s’adresse à Dieu, mais au contraire regardant vers le crucifix, vers le Christ, vers Dieu.
Le site Rorate Caeli a publié récemment une traduction d’un court article que Paul Claudel écrivit dans Le Figaro en 1955, où il protestait contre la propagation naissante en France de la célébration de la Messe face au peuple. Claudel exprimait un jugement très négatif sur cette innovation : « La Messe est l’hommage par excellence que nous rendons à Dieu par le Sacrifice que le prêtre Lui rend en notre nom sur l’autel de Son Fils. C’est nous, conduits par le prêtre et unis avec lui, qui allons vers Dieu pour Lui offrir les « hostias et precès » (victimes et prières). Ce n’est pas Dieu qui se présente à nous pour notre propre convenance et pour faire de nous des témoins indifférents du mystère qui s’accomplit ».
La perspicacité de Claudel, correspond à mon expérience. Le prêtre célébrant conduit et porte avec lui les fidèles alors qu’il élève ses mains et sa voix vers Dieu dans la prière et l’adoration. Ce ne sont pas des spectateurs mais plutôt des amis pèlerins qui regardent avec le prêtre vers le Christ. En réplique aux objections que les fidèles ont besoin de voir l’entier déroulement de l’action liturgique à l’autel, ce qui n’est pas possible dans la célébration ad orientem, Claudel écrit : « Il est vrai que dans la liturgie traditionnelle, la partie la plus touchante, la plus émouvante, du Saint Sacrifice est cachée à la vue des fidèles. Mais elle n’est pas cachée à leur cœur ni à leur foi. Pour démontrer cela, durant les messes solennelles, il faut savoir que le sous-diacre se tient au pied de l’autel durant l’Offertoire, cachant sa figure avec sa main gauche. Nous aussi nous sommes invités à prier, à nous retirer en nous-mêmes, non dans un esprit de curiosité mais dans un esprit de souvenir ».
Ce souvenir nous aide à voir avec les yeux de la foi, la présence cachée du Christ dans l’hostie sacrée et le calice alors qui sont élevés par le prêtre après la consécration. Dans la célébration ad orientem, les fidèles n’ont pas à regarder l’expression du prêtre célébrant (émotion ou joie) quand il élève l’hostie et le calice. Cette distraction inutile est éliminée et son rôle de médiateur entre Dieu et l’homme est mieux exprimé quand il ne fait aucune concurrence à la Sainte Eucharistie, au regard des fidèles
Plus loin Claudel observe : « La nouvelle liturgie prive les chrétiens de leur, dignité et de leurs droits. Ce n’est plus eux qui disent la Messe avec le prêtre, en la « suivant », ainsi que l’on le dit très justement, et vers qui le prêtre se tourne de temps en temps pour les assurer de sa présence, participation et coopération, dans l’oeuvre qu’il entreprend en leur nom. Tout ce qui reste est une assistance curieuse, le regardant faire son travail. Il n’est pas étonnant que les non-croyants le comparent à un magicien performant son numéro devant une assistance poliment admirative.
Mon expérience heureuse dans ma paroisse est que la célébration ad orientem de la Messe, combinée à la pratique du prêtre maintenant assis contre le mur du sanctuaire, au lieu de se tenir assis directement derrière l’autel central, a résulté en une expérience liturgique plus priante et plus centrée sur le Christ. Le célébrant n’est pas l’interminable centre d’attention – ce qu’il devient facilement lorsqu’il commence par s’assoir, dominant l’assistance, durant les lectures – et ensuite quand il se tient derrière l’autel, face à l’assistance, alors qu’il offre les prières de la Messe à Dieu.
Le Cardinal Sarah observe: « Permettez-moi d’exprimer humblement mes craintes: la liturgie dans la forme ordinaire pourrait nous conduire à courir le risque de nous détourner de Dieu, en raison de la présence débordante et centrale du prêtre. Il est constamment devant son micro, et il a sans cesse ses yeux et son attention tournées vers l’assistance. Il est un écran opaque entre Dieu et l’homme.
Après un an de célébration ad orientem, je suis absolument convaincu que le Cardinal Sarah a raison. Se tourner physiquement et contemplativement vers le Seigneur durant la Messe développe pour le prêtre et l’assistance une plus profonde expérience de Prière et d’Adoration.
Illustration : Messe de saint Jean de Matha par Juan Carreño de Miranda, 1666 [Louvre, Paris]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/08/17/facing-east-2/
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Le Révérend Gerald E. Murray, J.C.D. est le curé de la Holy Family Church, New York, NY., et un avocat ecclésiastique.