Avec un peu de retard, je lis le compte-rendu d’Antoine Arjakovski consacré au 3ème rassemblement oecuménique de Sibiu (Roumanie) auquel j’ai participé. Il est dommage que M. Arjakovsky n’ait pas mis l’accent sur une ligne de fracture à mes yeux encore plus importante que le nationalisme et le repli identitaire : je veux parler du relativisme éthique.
Cette question a en réalité été soigneusement occultée au cours des débats où l’on a beaucoup trop parlé, en revanche, de réchauffement climatique. Seul le métropolite Kirill de Smolensk l’a abordé de front, à la russe (voir son discours en ligne sur le site du rassemblement www.eea3.org ). Elle dérange car elle apparaît comme une cause nouvelle et profonde de fracture parmi les chrétiens. Pour faire bref, elle met d’un côté les catholiques (pas tous) attachés à la Tradition et à l’enseignement moral de l’Eglise romaine et les orthodoxes – du moins ceux qui paraissent pouvoir s’exprimer au nom de ces chrétiens- et de l’autre les protestants et une partie du monde catholique déjà gagné au relativisme.
Il est révélateur de voir le sort réservé dans le message final à la courte mention de la protection de la vie depuis le commencement de la vie jusqu’à la mort : elle a fini par être escamotée et ravalée dans une note en bas de page officieuse. A Sibiu, on n’a eu de cesse de revenir sur la protection de la création, sans doute importante, mais on a bien peu parlé de la protection de la vie humaine, pourtant primordiale.
Il ne me semble pas faire de doute que le relativisme éthique qui imbibe de plus en plus les chrétiens d’Occident fait repoussoir pour les orthodoxes, notamment les Russes : cela leur donne un excellent prétexte pour se démarquer de la démocratie libérale occidentale suspectée non sans raison de faire le lit de l’anti-christianisme.
A Sibiu, les représentants de l’Eglise catholique sont restés en retrait sur cette question hautement sensible. Mais cette posture est-elle tenable ?
L’occasion de la visite du Patriarche Alexis pourrait être l’occasion pour France Catholique d’interroger plus profondément l’état de la doctrine sociale orthodoxe sur ce problème crucial pour l’avenir de l’unité des chrétiens en Europe et donc pour l’unité du continent.
Bien à vous
Philippe Pouzoulet
Bordeaux