Les Démocrates étaient inquiets à juste raison lorsque George W. Bush prit contre le catholique John Kerry non seulement les voix des fidèles catholiques mais aussi celles des catholiques « génériques ». De tradition les voix catholiques allaient aux Démocrates.
Certains comme Jody Bottum (The weekly Standard) prétendent que le « vote catholique » n’existe plus. Puisque il colle si bien à l’électorat national, vouloir le distinguer des autres électeurs n’a pas de sens.
Les partis pensent tout autrement. Tous deux [Républicains comme Démocrates] ont passé du temps et beaucoup dépensé pour lancer des opérations de conquête des catholiques, avec un message typiquement catholique.
Après que Bush eût lessivé Kerry chez les catholiques, le parti Démocrate a préparé ses atouts en vue d’une réplique au jeu des Républicains. Ajoutons qu’il disposait d’un bon avantage: l’usure de Bush, même parmi les conservateurs, et infiniment plus sensible au centre-gauche. Mais bien plus, les Démocrates ont réussi à toucher les catholiques même parmi les plus conservateurs d’entre eux.
Et ils ont bâti une argumentation astucieuse se plaquant à l’usure de Bush. Ils disaient qu’Obama pouvait bien ne pas souhaiter abroger la sentence Roe contre Wade [NDT: sentence de la Cour suprême ouvrant la porte à l’avortement « à tout va » aux États-Unis], ce que les Républicains n’avaient pas réussi à faire au cours des années de pouvoir, mais qu’il souhaitait voir diminuer le nombre d’avortements grâce à une politique économique généreuse. De plus, ils le disaient meilleur que Bush quant à la guerre, la « torture », Guantanamo, et tutti quanti. C’était un effort élaboré pour montrer que dans tout les domaines des questions abordées par l’enseignement social de l’Église Obama était meilleur que les Républicains.
Et ça a marché.
Est-ce que ça marchera encore?
Journalistes et sondeurs exercent déjà leur flair sur la question: où iront les catholiques en 2012? Obama aura certes bien plus de peine à garder les catholiques dans son camp qu’il n’avait eu à les y attirer pour 2008. Politique et politiciens se sont faufilés dans les rêves.
Il y a eu le débat sur le système de santé. Qui aurait cru qu’après la dégradation de l’autorité morale des évêques par les scandales sexuels leur voix aurait réussi à marquer le débat vers sa fin? Le système « Obamacare » subventionnerait-il ou non les avortements? La question, brûlante, est encore agitée, et les fidèles catholiques — peut-être même les catholiques « génériques » — sont présents derrière leurs évêques sur ce sujet inquiétant.
Puis on vient d’annoncer que le Ministère de la Santé publique, dirigé par une catholique — Kathleen Sibelius — et qui a subventionné le Planning familial, supprime les subventions au Service des Migrants et Réfugiés de l’épiscopat américain, service qui a aidé 2700 victimes de la traite des humains depuis 2006. L’administration n’a pas souhaité répondre à la question « pourquoi? », mais les évêques soupçonnent qu’il y a un lien avec les poursuites engagées en 2009 contre l’ « Union américaine pour les libertés civiles » qui voulait contraindre l’Église à introduire l’avortement dans son programme anti-traite des hommes.
Mgr Timothy Dolan, Archevêque de New York, Président de la Conférence épiscopale des États-Unis, soupçonnait une correlation avec la demande au Service des Migrants et Réfugiés par le Ministère de la Santé publique de proposer « toute la gamme des services relatifs à la reproduction ».
On refuse également aux agences catholiques des subventions pour d’autres aides sociales sous l’influence de groupes homosexuels. L’Église a cessé de s’occuper d’adoptions dans le Massachusetts précisément à cause de pressions homosexuelles. En Illinois [NDT: l’État dont Obama était naguère sénateur] une loi vient d’être adoptée sur les unions civiles et, malgré les serments des partisans de cette loi, jurant qu’elle ne concernerait aucun autre sujet de la vie publique, le gouvernement de l’État vient de notifier à l’Église l’interdiction de proposer des adoptions dans l’Illinois, au même motif.
Les Universités et hôpitaux catholiques sont maintenant soumis à une pression afin de proposer dans leurs assurances-santé les remboursements de contraception et d’avortement, car le Ministère de la Santé publique a tenté de les encadrer de façon à bloquer la clause de conscience religieuse.
Le Professeur Robert George, de Princeton, participant récemment à un débat électoral Républicain, demanda à chacun des candidats si le gouvernement Américain devrait verser des fonds aux États qui violent ainsi la liberté religieuse. Les évêques américains sont tellement soucieux à ce sujet qu’ils ont créé une commission des libertés religieuses présidée par Mgr. William Lori, évêque de Bridgeport.
Voilà le climat que trouvera Barack Obama quand il tentera de séduire l’électorat catholique: un assaut tous azimuts, en politique comme dans les services publics, contre les consciences catholiques et contre la liberté de pratiquer notre religion. Un Républicain astucieux pourra jouer cette partition, ça vaut le coup.
Autre sujet: les arguments relatifs à la guerre et à Guantanamo ne semblent plus marcher car Obama, en prenant ses fonctions, a découvert qu’il n’y avait guère d’alternatives viables à la politique menée par Bush, et il a continué à la développer. L’économie est en lambeaux, avec de maigres chances de se redresser avant le scrutin de 2012. Le nombre d’avortements sera-t-il alors croissant ou décroissant, grâce à qui, ou par la faute de qui? En fait, Obama ne s’est jamais attaqué à l’avortement qu’il n’aime ni pour le moins n’excuse.
Dernièrement des catholiques comme Doug Kmiec, un ancien collaborateur de Reagan, ont tenté d’éclairer Obama là-dessus comme sur d’autres sujets. La récompense de Kmiec: l’ambassade à Paris? Non, sans blague, pas un tel cadeau pour avoir abordé la question des enfants à naître; l’ambassade à Malte — la minuscule catholique Malte, une mission vite ratée. Et il a aussi vite mordu la main qui l’y avait mis. Qui sera le prochain faire-valoir catholique d’Obama ?
Au bilan: catholiques fidèles et catholiques « génériques » savent désormais qui est cet homme. Nul ne peut imaginer qu’Obama conservera les voix des catholiques fidèles, et il pourrait bien perdre aussi celles des « génériques ».
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Photo : C’est arrivé: Obama honoré à l’Université Notre Dame.