L’observateur politique avisé qu’est Gaël Brustier se montre très intéressé par le phénomène « nuit debout ». Place de la République à Paris, toute une jeunesse se retrouve le soir et tard dans la nuit pour poursuivre la contestation de la loi réformant le code du travail. N’est-ce pas une nouvelle opposition de gauche qui est en train de naître, sur le modèle du mouvement Podemos en Espagne ? Ne s’agirait-il pas d’une autre sorte de veilleurs, par analogie avec les jeunes gens qui ont poursuivi la Manif pour tous, avec des veillées, inaugurant un nouveau style d’intervention intellectuel et politique ? Précisément, Gaël Brustier, en tant que sociologue, s’est intéressé de près à la Manif pour tous et à tout ce qu’elle signifie comme ébranlement profond de la société. Il a été un des rares à gauche à s’intéresser aux racines de ce mouvement qui avait surpris la plupart des observateurs, en notant qu’il marquait le réveil d’une génération attachée à certaines valeurs et qu’il n’avait rien d’éphémère.
Je suis donc tenté de suivre l’analyse parallèle qu’il fait de Nuit debout. À dire vrai, ses choix personnels le rendent plutôt proche de cette sensibilité. Interrogé par le quotidien Libération, il explique « que la loi travail a suscité l’expression d’une immense lassitude face au développement des inégalités, au déclassement, aux conséquences de la crise et et aux différentes fractures qui frappent notre pays ». Il faut bien comprendre que cette opposition vise un pouvoir de gauche, généralement considéré comme social-démocrate. Cette opposition s’est renforcée et structurée sur le refus d’une réforme fondamentale qui, à l’origine, avait toutes les faveurs de la droite. Une droite, qui revit, même si c’est en situation d’observatrice, ses anciens cauchemars, lorsque les révoltes de la rue la faisaient vaciller, en l’obligeant à renoncer à ses réformes.
La France connaîtra-t-elle le même processus qu’en Espagne, aujourd’hui ingouvernable ? Il est difficile encore de l’affirmer, mais on pressent que c’est notre univers politique global qui se trouve bousculé. Des recompositions se profilent, des révisions de fond s’opèrent. Bien malin qui devinerait ce qui en résultera. Peut-être est-ce l’occasion pour la politique de se réinventer !