À la veille du premier tour de cette présidentielle, je n’avais pas grand mal à prévoir comment s’affirmerait la redistribution sur la scène politique. La leçon est amère pour les formations qui furent dominante dans les dernières décennies, à savoir le Parti socialiste et les Républicains. Mais cette leçon était évidente. L’identité de la gauche et de la droite classiques se trouvent désormais en décalage par rapport à la configuration actuelle de la France et ce sont des sociologues comme Christophe Guilluy et Jérôme Fourquet qui nous avaient décrit la réalité.
Désormais, deux blocs sociologiques et culturels se font face. L’un peut se reconnaître en Emmanuel Macron parce qu’il est censé assumer une certaine stabilité sociale, celle qui rassure les catégories les plus favorisées et notamment les retraités. Ces derniers craignent ce qui apparaît comme susceptible de porter atteinte aux équilibres économiques. Le second bloc se reconnaît dans Marine Le Pen, qui est, sur ce point, en concurrence avec Jean-Luc Mélenchon, avec les catégories les plus modestes et les plus défavorisées. Les Gilets jaunes s’intègrent complètement dans cette géographie qui met en évidence une France d’en haut et une France d’en bas.
Depuis que le courant social-démocrate s’est rallié aux processus libéraux de la mondialisation, il s’est trouvé séparé de l’électorat populaire qui assurait ses succès. La disparition du Parti communiste a fait aussi les affaires de Marine Le Pen qui se trouve prendre la place de Georges Marchais autrefois. Elle défend les petits salaires, les petites retraites et d’une façon générale ce que Guilluy a appelé « la France périphérique ». Macron qui se veut progressiste, et cela peut se comprendre en vertu de son adhésion aux règles du libéralisme, est en même temps le défenseur de la part conservatrice du pays. Non au sens idéologique mais au sens sociologique. Son électorat le considère comme le tenant de l’ordre établi, alors même qu’il se présente comme l’adversaire du conservatisme. Mais tout cela ne fait que refléter cette nouvelle configuration d’un pays qui se cherche, au-delà des clivages anciens.
