Notre statu quo indéfendable et insoutenable - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Notre statu quo indéfendable et insoutenable

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Le Christ outragé, Matthias Grünewald, 1503.

Le Christ outragé, Matthias Grünewald, 1503.

Alte Pinakothek, Munich.

Voilà trente sept ans que Mario Cuomo a prononcé son infâme discours de Notre Dame – La Magna Carta pour les Catholiques favorables à l’avortement – dans lequel l’ancien gouverneur de New York présentait l’argument selon lequel l’opposition personnelle à l’avortement pouvait être compatible avec le refus « d’imposer » ses croyances personnelles par une loi. Effectivement, cela n’a jamais été un très bon argument que de réduire la loi divine et la loi naturelle à une sorte de piété privée. Mais pour plus d’une génération, cela a fourni une couverture suffisante aux politiciens catholiques pro-avortement (des deux bords, pour ce que cela vaut) dans leur projet de dissimuler l’inconséquence qu’il y a à professer la foi catholique tout en refusant de faire respecter les exigences basiques de justice.

Cela fait dix sept ans que le cardinal Ratzinger, à l’époque préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, a écrit à celui qui était alors le cardinal Mc Carrick, pour clarifier l’enseignement de l’Église sur la dignité de recevoir la communion : les politiciens pro-avortement ne devraient pas se présenter à la communion et ceux qui persévèrent obstinément à s’opposer à l’enseignement de l’Église doivent être excommuniés.

John Kerry, catholique pro avortement, était le candidat démocrate à la présidence cette année là et les suggestions qu’il soit excommunié furent dénoncées comme (quoi d’autre) une politisation de l’Eucharistie. Mc Carrick a présenté de travers la lettre de Ratzinger à ses frères évêques pour maintenir la paix politique. Résultat : discussions interminables et anarchiques.

Maintenant, les questions à propos de « la cohérence eucharistique » et de la communion pour les politiciens qui s’opposent à l’enseignement de l’Eglise, sont de nouveau dans l’actualité. Tandis que le comité sur la doctrine de l’USCCB commence la rédaction de son document sur l’Eucharistie, il vaut la peine de se demander : est-ce que la stratégie pastorale dominante des dernières dizaines d’années, stratégie de dialogue perpétuel, à la différence d’une sérieuse discipline pastorale, a produit les bons fruits espérés ? Les choses se sont-elles améliorées depuis 1984 ? Ou depuis 2004 ? Ou bien l’approche pastorale de la plupart de nos évêques, quelles que soient leurs bonnes intentions, a-t-elle facilité les divisions toujours en aggravation que nous voyons autour de nous ?

Est-ce que le dialogue et l’accompagnement pastoraux, quelque peu timides, ont rapproché les catholiques pro-avortement de la défense des enfants non nés ? Ont-ils produit l’unité ? Bien au contraire. Des générations de politiciens catholiques, y compris le président Biden, ont répondu au doux plaidoyer de leurs pasteurs en s’éloignant encore plus des enseignements de l’Église sur le commandement de défendre la vie innocente.

Les catholiques dans les bancs de l’église (et les non-catholiques qui les regardent de loin) ont-ils appris que les enseignements de l’Église sur la dignité de la vie humaine, la justice et le bien commun doivent être pris au sérieux ? Que notre vie morale est liée à la communion ecclésiale et à la vie sacramentelle ? Ou bien ont-ils appris que, si des fonctionnaires peuvent s’exempter de tout jugement moral par les appels les plus spécieux à la conscience, alors nous autres le pouvons aussi.

Du fait de la mauvaise volonté de nombreux évêques à montrer, avec autre chose que simplement des mots, que certaines actions sont incompatibles avec le fait d’être un disciple fidèle, la communion ecclésiale n’a pas ramené les catholiques rebelles à la maison. Elle a conduit à une expansion croissante d’une contestation « tolérable » de l’enseignement de l’Église sur les questions fondamentales.

Le vieux compromis de Cuomo – « personnellement, je suis opposé à l’avortement, mais je n’imposerai pas mes convictions personnelles sur autrui par la loi » – est dépassé. Comme la lettre récente de soixante législateurs catholiques pro-avortement l’a démontré de façon claire et retentissante, l’attente de nombreux catholiques est que l’autorité de l’Église pour parler des exigences de la justice ne soit pas reportée dans la sphère publique. Pour eux, l’avortement n’est pas seulement une injustice qui doit être tolérée par nécessité politique, c’est un bien positif – un droit de l’homme – qu’on doit soutenir, renforcer et subventionné.

Si nous devons prendre au sérieux les protestations de nombreux catholiques pro-avortement, nous devons conclure qu’ils tiennent la position peut-être la plus monstrueuse de toutes sur cet acte :

L’avortement est le meurtre direct d’êtres humains innocents, une attaque contre la justice intergénérationnelle, et la destruction des liens de famille les plus intimes. Tout ceci arrive dans ce pays à une échelle industrielle. Et pourtant d’une certaine manière, tout en faisant profession de croire tout cela, ces mêmes politiciens insistent sur le fait que l’autorisation de l’avortement doit être défendue à tout prix, étendue où c’est possible, et qu’il doit être subventionné et promu comme un droit de l’homme.

La totale incohérence exprimée dans cette lettre des législateurs pro-avortement est le fruit, en partie, de la stratégie de la pastorale de l’Eglise de ces quelques 40 dernières années et plus. Elle a été un désastre pour la formation des consciences, un désastre pour nos politiques empoisonnées, un désastre pour le bien commun, un désastre pour l’unité de l’Eglise, et un désastre pour ces dix millions de vies qui ont été effacées précisément parce que de nombreux fonctionnaires catholiques ont fermement soutenu le massacre.

Voilà le statu quo pourri : une incohérence morale purulente laissée sans surveillance a métastasé en une incohérence ecclésiale et morale.

Dans tout ceci, le but, cela devrait aller sans dire, n’est pas de chasser les gens, ni de punir les pécheurs, encore moins de faire payer un tribut partisan sur les opposants politiques. Le vrai but – et sur ce point, les évêques sont apparemment unanimes – c’est de défendre les innocents et de mener les âmes plus près du pardon de Dieu. Si ce sont les buts pastoraux des évêques, alors ils devraient être unanimes à reconnaître l’échec total du statu quo pastoral dans son accomplissement.

La façon d’avancer n’est pas de remplacer l’accompagnement et le dialogue par la sévérité et la censure. Mais il est certain que de continuer à poursuivre une stratégie pastorale qui a causé tant de dommages et produit si peu de fruit, est de la folie. La discipline de l’Église de refuser la communion à ceux qui persévèrent dans un péché grave et manifeste est un acte de charité ; un appel à la repentance et au pardon quand d’autres mesures ont prouvé qu’elles étaient stériles. Nos évêques doivent savoir ceci, même si les médias, et de nombreux catholiques ne le savent pas.

Le statu quo ne sera pas amélioré simplement en refusant à Joe Biden (ou à n’importe qui d’autre) l’accès à l’Eucharistie. Mais si les évêques considèrent le coût pastoral d’une prise de position claire sur la cohérence eucharistique, ils devraient comparer ce coût avec celui de perpétuer l’échec manifeste des dernières nombreuses décennies – échecs pastoraux – qui nous ont conduits précisément à ce moment de division de de conflits.