S.S. François visite l’Arménie en cette fin de semaine ; c’est la nation chrétienne la plus ancienne du monde, et l’une des sociétés les plus dévotement chrétiennes sur terre. Grâce aux efforts de St. Jean-Paul II l’obstacle théologique principal entre l’Église catholique et l’Église à laquelle la plupart des Arméniens sont attachés a été levé. Les autres obstacles pourraient être également levés sous l’impulsion du Pape.
En l’An 301 de l’ère chrétienne, douze ans avant que Constantin légalise la chrétienté dans l’Empire romain, le roi Tiridates III proclama la religion chrétienne religion officielle d’Arménie ; il était le premier chef d’État à le faire. L’Arménie fut par la suite conquise par les Romains, les Arabes, les Perses, les Ottomans, et les Soviétiques. En 1915 le gouvernement des Jeunes Turcs tenta d’exterminer les Arméniens, massacrant un million et demi d’entre eux.
En 1988 un séisme causa la mort d’environ 50 000 Arméniens. La même année, un conflit entre Arménie et Azerbeidjan prit des dizaines de milliers de vies.
Cependant, malgré son histoire tragique la culture arménienne a survécu, essentiellement grâce à la constante fidélité à la foi chrétienne. Selon une enquête de 2012, 92% des Arméniens se disent attachés à leur religion — troisième pourcentage relevé de par le monde (60% des Américains se disent fidèles).
La plupart des membres de cette ancienne nation chrétienne n’est pas en plein accord avec Rome. Au cinquième siècle l’Église était profondément divisée au sujet de la nature du Christ. Les nestoriens croyaient en deux natures totalement distinctes, l’une, humaine, et l’autre, divine. Selon les monophysites, le Fils de Dieu est d’une nature unique à la fois humaine et divine. En 451 le Concile de Chalcédoine trancha : le Christ est pleinement humain et pleinement divin en une seule personne.
Les représentants de l’Église d’Arménie ne purent assister au concile de Chalcédoine à cause de la guerre avec les Perses. Tout comme les coptes [d’Égypte] et les jacobites [de Syrie] l’Église d’Arménie rejeta le dogme de Chalcédoine et rompit avec Rome. En 662 les évêques arméniens adoptèrent l’enseignement de Chalcédoine sur la nature du Christ, mais les « catholicos » (Dirigeants de l’Église Apostolique d’Arménie, résidant à Etchmiadzin) revinrent au Monophysisme. Certains membres de la diaspora Arménienne devinrent catholiques, et en 1742 fut fondée une Église arménienne catholique uniate (actuellement environ 760 000 membres) alors que neuf millions d’Arméniens appartiennent à l’Église apostolique.
Lors des dernières décennies, Rome et Etchmiadzin sont devenues plus proches que jamais de la réunification. Ce fut en grande part dû au génie du pape St. Jean-Paul II, un authentique œcuméniste. Il établit des liens avec Karekin I, le « catholicos » d’Arménie (1995 – 1999) qui lui-même réussit à mettre un terme au long schisme (des décennies) au sein de l’Église Apostolique d’Arménie entre la diaspora et les fidèles de l’Arménie ex-soviétique.
Un document fut signé en 1996 par les dirigeants des deux Églises reconnaissant l’enseignement de Chalcédoine sur la nature du Christ. Ils concluaient que le malentendu était dû à des erreurs de traduction des textes de Chalcédoine et à l’absence de l’Arménie lors de ce Concile. Cinq ans plus tard, Jean-Paul II allait en Arménie et signait un autre document avec le « catholicos » Karekin II condamnant le génocide du peuple arménien par les Turcs en 1915.
Grâce à la vision d’avant-garde de St. Jean-Paul II et de Karekin I, l’obstacle essentiel à la communion entre les Églises catholique et apostolique d’Arménie avait été levé. De plus, contrairement aux Églises orthodoxes, les Arméniens n’ont pas de rancune séculaire envers Rome.
Néanmoins, il reste bien du pain sur la planche pour que l’union soit possible. Les Arméniens s’étant éloignés de l’Église universelle depuis plus de quatorze siècles, l’Église arménienne était absente des Conciles qui adoptèrent d’autres dogmes, de l’infaillibilité papale à l’Immaculée Conception.
Pourtant, si le courage d’un pape a suffi pour écarter la plus grave barrière théologique entre Rome et l’Arménie, on peut envisager la levée des autres. En fait, avec l’orientation papale appropriée, la totale communion dans un proche avenir.
Le pape, Pontifex Maximus, est le bâtisseur des ponts. Jean-Paul a fait le premier grand pas. Si le dialogue avec les autres Églises chrétiennes doit se réduire à des photos politiquement correctes et des dialogues vides de sens, n’en parlons plus. Ce serait par nature la célébration de la division.
De même que sous bien d’autres aspects de son pontificat, les rapprts de S.S. François avec d’autres Églises Chrétiennes ont semblé inconséquents et imprévisibles. Plus récemment cette année, il a rencontré le Patriarche Kirill, chef de l’Église russe orthodoxe, et tous deux ont signé une déclaration exprimant le vœu de rétablir une pleine communion. Un événement vraiment historique.
Et pourtant, S.S. François a pris la bizarre décision de se rendre en Suède en octobre prochain pour la célébration du cinq-centième anniversaire de la Réforme. Le Préfet pour la Congrégation de la doctrine de la Foi, le cardinal Gerhard Ludwig Muller, avait tout-à-fait raison de déclarer que la Réforme, cause de pénibles divisions entre chrétiens aboutissant à des guerres et persécutions aux XVIe et XVIIe siècles en Europe, ne mérite aucune célébration.
Prions pour qu’aboutisse la démarche initiale de S.S. François en Arménie à rendre plus plausible la pleine union avec l’Église apostolique d’Arménie. En comparaison avec les Églises orthodoxes, l’entière communion avec les Arméniens est plus aisée, bien loin d’une fiction théologique. La déclaration commune de St. Jean-Paul II et Karekin I en 1996 montre, après tout, que le courage de prise en main peut venir à bout de siècles de divisions théologiques.
https://www.thecatholicthing.org/2016/06/25/pope-francis-and-the-armenian-church/
Filip Mazurczak est correspondant du « National Catholic Register » et rédacteur adjoint au journal de Vienne « Conservateur Européen ».