Quoi qu’on puisse dire sur les terroristes qui massacrent des chrétiens, des coreligionnaires musulmans et des gens d’autres religions, c’est, me semble-t-il, d’une extrême arrogance de la part du président des Etats-Unis de prendre sur lui de déclarer qui est ou qui n’est pas un vrai musulman, ou qui est ou qui n’est pas un chef religieux musulman. Au cours d’une réunion à la Maison Blanche, le Président a affirmé comme une certitude que les chefs de l’ISIS n’étaient pas des chefs religieux mais simplement des terroristes qui ont interprété faussement la religion musulmane. « Ce ne sont pas des chefs religieux » a-t-il dit et « Nous sommes en guerre avec des gens qui ont perverti l’islam. »
Cette assertion peut être vraie ou peut ne pas être vraie mais cela dépend de la façon dont on interprète les écrits religieux de l’Islam. Par exemple, quel poids donne-t-on aux plus anciens écrits par rapport aux écrits plus tardifs. Ainsi pour un non-musulman qui n’est certainement pas un docteur en religion et qui ne lit pas les livres sacrés dans leur langue originale (très importante pour les docteurs musulmans), se faire soi-même le juge de qui est ou qui n’est pas un vrai musulman témoigne à la fois d’arrogance et d’une ignorance« extrêmes ». Ce qu’est l’interprétation précise de ces anciens textes – ce qui déterminera grandement qui est un musulman fidèle – est sûrement une question qui en dernier ressort ne peut être résolue qu’à l’intérieur de cette ancienne religion.
Si j’étais musulman, de quelque école que ce soit, et il y a de nombreuses sectes qui se rattachent à des lectures particulières des textes sacrés etc., je serais gravement offensé qu’un infidèle prît sur lui de déterminer si moi ou quelque autre musulman est un vrai croyant religieux ou un vrai chef religieux. Vraiment il n’y a pas en Islam d’autorité finale qui peut déterminer qui est ou n’est pas un Imam valide ou un chef religieux. Comment alors un infidèle peut-il prendre sur lui de faire de tels jugements ? Si cela n’est pas une menace à l’islam venant du monde des infidèles, qu’est-ce donc ?
Ce qui se passe dans l’esprit du président ou les esprits des rédacteurs de ses discours est vraiment troublant. Ce genre de déclarations ne doit pas être expliqué par les entorses qu’il fait au texte écrit. Elles sont trop conséquentes et trop souvent répétées. Sa persistante apologie de l’Islam en face de ces actes terroristes commis par des hommes qui s’identifient eux-mêmes comme des musulmans fidèles est tout à fait étrange. Cela n’est pas en harmonie avec ses obsessions voisines à propos de choses comme « l’identité de genre ». Là son administration maintient clairement que les gens doivent être pris absolument au mot quand ils déclarent que leur genre est opposé à leur constitution biologique.
En décembre dernier, par exemple, le département d’Education publia un mémo qui confirmait la décision de l’administration selon laquelle le titre IX des Amendements de l’Education de 1972 doit être interprété comme protégeant l’identification par les étudiants de leur genre et fait concorder tous les aspects du plan d’éducation avec cette auto-identification.
Ainsi les plus jeunes enfants des écoles qui sont biologiquement identifiables comme un sexe doivent être respectés et satisfaits s’ils choisissent de déclarer qu’ils appartiennent au sexe opposé, indépendamment des faits biologiques. Mais les adultes qui s’identifient comme musulmans ou chefs de musulmans ne doivent pas être crus, respectés et satisfaits s’ils ne rejoignent pas les critères du président et de ses conseillers pour les questions religieuses. Il y a quelque chose si bizarre que cela suggère que nous sommes en présence d’un problème beaucoup plus profond.
Nous semblons en être arrivés au monde décrit dans les romans de Huxley et d’Orwell qui parlent de chefs totalitaires qui ont renoncé à la vérité pour la puissance de la propagande, novlangue, manipulation et double-pensée. Les mots n’ont plus désormais de rapport direct avec la réalité. Ce sont de purs instruments de manipulation politique. Les deux auteurs ont bien compris le pouvoir qu’a le langage de manipuler, mais c’était Orwell qui en a défini la méthodologie en expliquant le travail du Ministère de la Vérité, ainsi ironiquement nommé.
Une tâche du ministère est de développer et de promouvoir le nouveau langage ou novlangue, que son roman décrit ainsi:
« un empressement loyal à dire que noir est blanc quand la discipline de Parti l’exige. Mais cela signifie aussi la capacité de CROIRE que noir est blanc, et davantage, de SAVOIR que noir est blanc, et d’oublier que l’on a un jour cru le contraire. Ceci exige une continuelle altération du passé, rendue possible par le système de pensée qui embrasse réellement tout le reste, et qui est connu dans la novlangue comme DOUBLEPENSEE. »
L’histoire, le passé, doit être totalement altéré pour s’accorder avec le grand mensonge, par exemple, et cela a exactement les mêmes résultats que quand nos leaders politiques peuvent parler de manière aussi désinvolte des Croisades ou de l’Inquisition sans réellement rien comprendre aux unes ni à l’autre.
Dites le mensonge assez souvent et les gens vont commencer à le croire. Le totalitarisme du dernier siècle l’a bien compris. La description d’Orwell est encore vraie.
« Dire des mensonges délibérés tout en y croyant sincèrement, oublier tout fait qui est devenu gênant, et ensuite quand cela redevient nécessaire, le retirer de l’oubli aussi longtemps que cela est nécessaire, nier l’existence de la réalité objective et pendant tout ce temps-là prendre en compte la réalité que l’on nie – tout cela est absolument nécessaire. »
Tout cela est en train de se produire dans le monde de novlangue des politiques d’aujourd’hui malgré des possibilités de se procurer l’information plus importantes que jamais auparavant. On peut faire des jugements absurdes sur la situation religieuse d’autres peuples parce que la vérité est tout ce qui sert le programme politique. La vérité historique objective ? Oublions-la. Qu’est-ce que la Vérité? Cette remarque cynique fut proférée par un personnage politique aussi, mais cela a conduit à la mort de celui qui était Lui-même la Vérité. Aujourd’hui cela mène au chaos social.
Mercredi, 25 février 2015
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/02/25/president-theologian/
Photo : George Orwell (Eric Blair) et son fils adoptif, Richard Blair, en 1949 [Art Resource, NY]
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Sur le père Mark A.Pilon
Le père Mark A.Pilon, prêtre du diocèse d’Arlington en Viriginie, est docteur en théologie sacrée de l’Université Sancta Croce à Rome. Il a occupé la chaire de théologie systématique au séminaire de Mount St Mary, a été rédacteur du magazine Triumph, et professeur retraité et professeur associé au département de troisième cycle Notre Dame du Christendom College. Il écrit régulièrement dans littlemoretracts.wordpress.com
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