Notre président catholique - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Notre président catholique

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Le nouveau président et la nouvelle vice-présidente

Le nouveau président et la nouvelle vice-présidente

Joe Biden vient de prêter serment comme 46e président des États-Unis. En vertu des responsabilités qui sont maintenant les siennes, il est le laïc catholique le plus puissant et le plus influent dans le monde. Il est probablement maintenant le chef d’état catholique le plus puissant depuis Napoléon Bonaparte – une comparaison qu’il ne faut pas trop creuser mais qu’il ne faut pas négliger non plus. Ce que je veux dire c’est qu’avoir un catholique à la tête du pays le plus puissant du monde n’est pas rien, pour le meilleur comme pour le pire. Et naturellement la présidence Biden aura un impact énorme sur l’Église Catholique ici en Amérique.

Pour le meilleur comme pour le pire, les paroles et les actes de Biden comme président vont façonner la perception et la compréhension de la foi catholique. Pour des dizaines de millions d’Américains, même un modeste retour à la « normalité » – aux manières familières de nos politiques – sera un changement bienvenu après les années tumultueuses de l’administration Trump. Le président sortant, et particulièrement les événements des dernières semaines, ont placé la barre très bas.

Pour le meilleur et pour le pire, Biden a également pris ses fonctions à un moment où le parti d’opposition est désorganisé. L’analyse à froid de la présidence Trump par les républicains sera, disons, intéressante. Certains vont redoubler, retripler même, de trumpisme. D’autres vont chercher à extirper tous les vestiges de l’héritage Trump du parti de Lincoln. On ne voit pas trop comment l’une ou l’autre de ces stratégies pourra rendre le Parti Républicain à la fois suffisamment unifié et fort pour obtenir la majorité dans un avenir proche.

Les démocrates ont leurs propres querelles internes au parti, mais ils sont bien plus unifiés et contrôlent la Maison Blanche et les deux chambres du Congrès, même si ce n’est que d’une courte majorité. La fortune politique connaît plus de revirements massifs que nous n’avons tendance à le penser. Ce n’est probablement pas le bon moment pour miser contre la nature oscillatoire de nos politiques. Ceci dit, des revirements violents ont tendance à se produire quand le parti de gouvernement est trop ambitieux. La faible marge par laquelle les démocrates contrôlent le Congrès rend ce comportement peu probable. Les tonnes de rendez-vous de Trump avec le tribunal fédéral peuvent également agir comme frein.

Le président Biden a exprimé son intention de gouverner pour l’unité. On va bientôt voir si cela signifie tempérer où même contrecarrer certaines des tendances les plus à gauche de son propre parti (ainsi que ses propres promesses de campagne) en vue de bâtir un consensus ou alors gouverner avec l’attitude « j’ai gagné, vous avez perdu », qui était celle de ses deux prédécesseurs immédiats. L’opportunité pour la modération et le compromis est réelle, mais le niveau actuel d’acrimonie partisane pourrait rendre ce chemin particulièrement difficile, même si le président veut le prendre. De bonnes intentions ne suffiront pas.

Et cela nous ramène à l’importance de la foi catholique du président Biden pour l’Église aux États-Unis. Si l’idée d’unité du président Biden implique qu’il se détourne pour prendre des positions contraires à celles de sa propre Église – sur l’avortement, la liberté religieuse, les problèmes de genre,etc – y a-t-il quoi que ce soit que les évêques puissent y faire, individuellement ou collectivement ?

L’archevêque José Gomez, président de la conférence des évêques des USA, a ébauché une déclaration pour l’investiture de Biden. Elle était équitable, et faisait même allusion au soulagement que certains évêques ressentaient après quatre années de Donald Trump. « Il sera reposant » écrit Gomez « d’avoir affaire à un président qui comprend clairement, de façon profonde et personnelle, l’importance de la foi et des institutions religieuses ».

En cela et en plusieurs autres points, la déclaration est partiellement conciliante, parlant – comme les évêques ont coutume de le dire – de possibilités de collaboration et de dialogue. Mais la déclaration rappelle aussi au nouveau président qu’il y a des choses importantes sur lesquelles les évêques et lui sont en profond désaccord «  comme l’enseigne le pape François, nous ne pouvons rester silencieux quand près d’un million de vies à naître sont anéanties chaque année par avortement dans notre pays ».

Apparemment, la déclaration n’était pas du goût du Secrétariat d’État du Vatican, qui a insisté pour que cette déclaration soit différée. La déclaration est finalement sortie en entier, mais pas avant l’investiture et après que le pape François ait fait sa propre déclaration.

La réalité est que le président Biden va reculer dans la vie publique les limites de ce qui est vu comme « action acceptable » par les catholiques. Cela peut ne pas être vrai au sens doctrinal ou canonique – un point qui ne doit pas être négligé. Mais en pratique, il est dur d’argumenter autrement.

Depuis des décennies, la mesure implicite du catholicisme a été l’engagement dans la vie publique. Cela est vrai tant de ceux qui mesurent la catholicité à la fidélité aux enseignements de l’Église sur le caractère sacré de la vie et de mariage que de ceux qui mesurent la catholicité à l’engagement dans divers programmes d’assistance sociale. Les évêques, pour leur part, ont échoué à mettre au défi le prémisse – l’engagement politique – sous-tendant ces mesures (partielles) de fidélité [au magistère].

Nous sommes venus au point où l’activisme politique catholique – à gauche comme à droite – a atteint la frénésie, mais où la foi catholique décline.

Dans sa première homélie en tant que pape, François avertissait de ce qui arrive quand la mission de l’Église se réduit à l’activisme. C’est un avertissement auquel les catholiques américains, de gauche comme de droite, feraient bien de faire attention : « Nous pouvons bâtir beaucoup de choses, mais si nous ne confessons pas Jésus-Christ, les choses vont de travers. Nous devenons alors une ONG charitable et non plus l’Église, l’Épouse du Seigneur… Quand nous ne confessons pas Jésus-Christ, les paroles de Léon Bloy viennent à l’esprit : ‘quiconque ne prie pas le Seigneur prie le diable’. Quand nous ne confessons pas Jésus-Christ, nous confessons la sagesse du diable, une sagesse diabolique. »

Si l’impuissance de l’Église à façonner les affaires publiques est dans un sens une perte, elle peut marquer une opportunité dans un autre sens. La proclamation de l’Évangile, non dans le but d’un changement politique, mais pour diffuser la foi dans le Dieu qui sauve.