Lorsque ce journal paraîtra, Benoît XVI, ayant remis sa charge, se sera retiré pour deux mois à Castel Gandolfo. Cette décision, qui rompt avec une longue pratique des papes, ne signifie en rien, comme on l’a prétendu un peu partout, une révolution ou même une remise en cause de l’institution fondée sur le charisme de Pierre. Certes, au long de l’histoire, celle-ci s’est incarnée dans des contextes politiques et culturels divers. La chute des États pontificaux à la fin du XIXe siècle a marqué un tournant, dans le sens d’un recentrage sur la mission. Ce n’était pas pour autant un pur retour à la situation des origines. Il s’agissait pour les modernes successeurs du premier apôtre d’assumer leur charge, définie par le Christ et inspirée par l’Esprit, dans des paysages toujours nouveaux. Mais depuis la fondation de l’Église, le siège de Rome a toujours été reconnu comme le lieu exceptionnel où réside une autorité sans égale. L’Église « qui préside dans la région des Romains », écrivait saint Ignace d’Antioche, « digne de Dieu, digne d’honneurs, digne d’être appelée bienheureuse, digne de louange, digne de succès, digne de pureté » est celle « qui préside à la charité, qui porte la loi du Christ, qui porte le nom du Père ».
Interrogé en 1997 par le journaliste Peter Seewald, le cardinal Ratzinger avait formulé un jugement sur l’avenir de la papauté, en insistant sur la responsabilité doctrinale « telle que l’ont exprimée Vatican I et Vatican II, pour l’unité de l’Église, de sa foi et de son ordre moral ». Il notait aussi que certaines formes pratiques « peuvent changer, changeront sûrement, si des communautés jusque-là séparées se regroupent autour du pape ». Entre Pie XII et Jean-Paul II, ajoutait-il, des différences importantes s’étaient signalées. Cela signifie que nous pouvons escompter d’autres évolutions, d’autres initiatives qui donneront à l’exercice de la primauté des développements inédits. Mais ceux-ci ne se feront que dans la continuité organique du ministère pétrinien, dans une logique qui est caractéristique du génie du christianisme. Le bienheureux cardinal Newman aura été l’un des meilleurs interprètes de cette continuité créatrice de la Tradition.
En béatifiant le grand théologien anglais du XIXe siècle, Benoît XVI a montré comment l’Église et la papauté se considéraient fières d’un héritage qui se perpétuerait, en se renouvelant et en renouvelant la face de la Terre. Notre gratitude l’accompagne au terme d’un pontificat intense et riche, annonciateur d’un avenir aux couleurs de la même Promesse.
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