Un article de Claire Bommelaer au Figaro d’hier nous alertait : la cathédrale Notre-Dame de Paris est en danger. La flèche qui fut reconstruite par Viollet-le-Duc au XIXe siècle, le chœur et le chevet sont à restaurer rapidement, car c’est la sécurité même du vénérable édifice qui est compromise. Fort heureusement, ces mauvaises nouvelles ne sont pas sans contreparties. L’archevêché, le recteur de la cathédrale Mgr Chauvet, la Fondation Notre-Dame sont à l’offensive pour trouver des mécènes jusqu’aux États-Unis. L’État et la ville de Paris les soutiennent et on comprend leur intérêt. Notre-Dame est le monument le plus visité de la capitale. Avec la tour Eiffel, il en est le plus emblématique, sa renommée étant internationale.
Un tel patrimoine constitue une richesse inestimable. La France, qui est le pays le plus touristique de la planète, en sait quelque chose. À certains égards, ce peut être aussi un fardeau. Fardeau financier : l’entretien de nos cathédrales, de nos milliers d’églises, de nos châteaux, coûte les yeux de la tête. Ce peut être aussi un fardeau moral. J’aurai la charité de ne pas rappeler le nom du confrère qui avait émis le vœu de détruire le château de Versailles, parce qu’il constituait un obstacle à notre émancipation par rapport à un passé glorieux. J’espère qu’il s’est repenti depuis lors d’un telle énormité. Mais il y a une part de vérité dans cette idée que l’histoire nous oblige, et parfois lourdement. À moins de devenir des barbares par rapport à notre propre civilisation, une civilisation qui nous constitue. C’est vrai qu’il peut y avoir de la légèreté à courir dans un espace libre et sauvage, dépourvu du poids d’un héritage contraignant.
Avec Notre-Dame, c’est tout notre passé national qui s’inscrit dans la pierre, avec ses moments mémorables. Mais c’est aussi un espace habité. Je ne suis jamais rentré dans Notre-Dame sans un sentiment d’admiration sans cesse renouvelé. Mais cet espace requiert l’action liturgique qui est sa raison d’être. Nos cathédrales ne sont pas des musées, elles appellent une respiration qui s’éteignant, les transformerait en vases vides où l’on rechercherait vainement les effluves du passé, pour parodier Ernest Renan. Non, ces pierres sont vivantes, car elles accueillent une prière innombrable qui ne s’éteint pas.