La foi que je place dans Hollywood et dans l’industrie du divertissement n’est pas très profonde. Mettons Dieu, le Christ et le Saint-Esprit à part pour le moment (comme on le fait si bien à Hollywood) ; Hollywood ne dépeint pas correctement ne serait-ce que les anges et les démons. Et, après deux mille ans de catéchisme, on pourrait s’attendre à mieux. Mais les échecs s’accumulent, constamment.
Le « problème » qui m’irrite le plus en ce moment concerne les démons. Ceux que j’ai vus dans les divertissements populaires sont dans l’excès. Ils sont impertinents et rageurs, le mal à l’état pur. Ils tentent d’effrayer les enfants et les innocents plus âgés.
Ces démons ne pourront jamais vraiment parvenir à leurs fins dans ce monde, ou du moins n’y arrivaient pas jusqu’à récemment, parce qu’ils ne peuvent terroriser que les déséquilibrés ou névrosés.
Ils sont, en toute franchise, très vulgaires, et ont autant besoin de catéchisme que l’homme en général. Ils ne se souviennent sans doute pas, par exemple, qu’ils viennent des anges. C’est une lignée distinguée.
Dieu, après tout, ne crée pas des démons tels quels ; ou plutôt, Il n’en crée pas, dans la religion chrétienne. Car les anges ont ou ont eu cette liberté mystérieuse, et certains l’ont prise, de devenir des anges déchus à un moment indéterminé du passé préhistorique. Pourtant les démons se comportent aujourd’hui comme s’ils étaient nés démons, et comme si leur obédience au père du mensonge était automatique, comme si elle était intrinsèque à leur nature.
Cela implique que nos démons parfois pèchent par manque de goût. Ils semblent qu’ils participent à des écarts qu’ils n’ont, en réalité, que simplement suggérés.
On peut toutefois trouver une distinction importante dans les témoignages médiévaux de perversion sexuelle. (De nos jours, la liste seule des déclinaisons pourrait porter préjudice à son auteur.) On les voit prendre part à la débauche, mener des orgies décadentes ou encore s’y déchaîner.
Je doute cependant qu’un seul démon « chrétien » ne tombe aussi bas. Sa noble naissance l’a, après tout, doué de goût et de discernement, et il plisserait le nez voire ricanerait devant ces spectacles de dépravation. Tout au moins, il chercherait à s’éloigner en les voyant commencer. Un vrai démon ne resterait pas assister à la fin.
Cela dit, avec son esprit malin, il insufflerait une idée perverse à l’oreille humaine (ou « animale », comme il le dirait lui-même). Car les hommes n’ont pas été créés semblables aux anges, et même si nous avons été créés par Dieu, notre chute a été plus rude.
Autant dire qu’un démon soufflera à un homme ce qu’il ne fera jamais lui-même. Et il sera dégoûté de voir que l’homme suit cette impulsion. C’est ainsi, le démon a trop de bon goût « naturel ».
On ne remarque que rarement les habitudes aristocratiques des démons. On ne voit pas souvent le mépris qu’ils ont pour nous. Cette plus petite erreur fait partie du malentendu plus grand qui sert de fondement à la démocratie. On part du principe que le démon lambda est comme nous. Et de fait, il semble irréfutable que les démons participent à nos élections, puisque le parti le plus démoniaque gagne fréquemment.
Néanmoins, tout ceci n’est qu’une illusion. Les démons peuvent nous dire de voter à gauche, à droite ou que sais-je, mais au fond, ils ont bien compris. Bien sûr, les conséquences potentielles de cette obéissance au père du mensonge peuvent être délicieusement séduisantes. Les démons peuvent se vanter d’avoir fait tomber les humains dans leurs pièges.
Mais ils grimacent même quand ils observent leurs propres réussites. C’était, d’une certaine manière, une bête plaisanterie. Ces humains dépourvus d’humour, alors… quelle pagaille !
Les banquiers et les médecins racontent des blagues semblables, et en rient entre eux, pour autant les banquiers n’apprécient pas particulièrement les faillites, ou les médecins, les crises cardiaques. À cet égard, ils sont exactement comme les démons.
Je pense que la meilleure manière de comprendre les démons est de dresser une comparaison avec les intellectuels. Vous pouvez les côtoyer, écouter leurs conseils, imaginer les conséquences. Mais vous auriez tort de suivre ce que vous dit un intellectuel à la lettre.
Notez que ce n’est pas parce que les intellectuels sont des imbéciles. À vrai dire, ils ont peut-être même un QI plus élevé que la moyenne, et ils possèdent peut-être un vocabulaire éblouissant. Je me rappelle la première fois qu’un ami, bien-intentionné de nature, m’a fait la remarque que « Pour quelqu’un réputé intelligent, tu es un bel idiot. »
Après des années à confirmer ce diagnostic, je suis parvenu à la conclusion que cette observation n’était pas un paradoxe, ou moins qu’elle n’en avait l’air à l’époque. De fait, ce trait d’intelligence n’est qu’une apparence, et plus on s’efforce d’en faire étalage, plus son absence est criante.
Les démons aussi doivent être frappés d’une affliction similaire. Ils sont dans l’apparence, et ce qu’on peut remarquer en premier chez eux est ce qu’ils essaient de cacher ; leur orgueil, par exemple. Les démons les plus accomplis vont jusqu’à dissimuler leur propre existence, mais tous ne sont pas aussi talentueux. La plupart se trahissent, dès que l’on fronce les sourcils.
C’est la raison pour laquelle on riait aisément de ses démons au Moyen-Âge, quand la chrétienté catholique était beaucoup plus solidement ancrée à tout niveau de la société dans la plupart des pays occidentaux. Ce n’est pas difficile à comprendre, une fois qu’on saisit que les simulacres des démons peuvent être vraiment drôles.
C’était dans un sens un comportement sadique. Les démons sont fiers, d’une fierté insolente pour des anges déchus, et sont d’autant plus piqués au vif par la moquerie. C’est pour cela qu’ils ont autant soigné le « politiquement correct » ou le « wokisme ». Ils veulent pousser les humains à s’autodiscipliner, pour qu’ils arrêtent de les prendre cruellement pour cibles.
Nous devrions essayer de compenser nos défauts, idiots que nous sommes, en nous en riant joyeusement.