Titre retrouvé sur le site de l’hebdomadaire La Vie : « Le catholicisme d’ouverture a-t-il laissé la place à un catholicisme bourgeois ? » La formule, provocatrice à souhait, aurait en soi la vertu de me faire sortir de mes gonds, car ses termes sont plus qu’ambigus et pourraient déclencher une polémique empoisonnée qui ne ferait de bien à personne. Mais j’en rends justice à Jean Mercier, l’auteur de l’article. L’étude de sociologie religieuse, dont il rend compte, n’est pas dénuée d’intérêt. Elle met l’accent sur des données statistiques significatives et surtout sur une histoire qui, personnellement, m’a toujours passionné, parce qu’elle s’identifie à ce que j’ai vécu. Mon maître, Émile Poulat, qui vient de nous quitter, aurait pu éclairer le débat avec sa problématisation originale, qui avait le mérite de faire ressortir le fonds commun à partir duquel les différences s’expliquaient.
Je renonce, au moins provisoirement, à reprendre une discussion qu’une seule étude sociologique ne saurait épuiser. La question de l’effacement d’un certain christianisme de gauche à déjà été traitée dans un fort volume à l’initiative de chercheurs, pour la plupart issus de ce courant. J’ai le sentiment qu’on aura encore l’occasion de reprendre le sujet qui comporte sa part d’énigme, car on n’a pas vraiment élucidé les raisons de cet effacement qui suit de près le degré extrême d’ascension du mouvement.
Et puis il y a cette autre énigme de la division des chrétiens, ou des catholiques entre eux, alors qu’ils sont appelés à vivre dans l’unité sacramentelle de l’Église. Cette unité pour laquelle le Christ a priée le soir de la Cène. Son vœu suprême, n’est-ce pas « l’unité parfaite » pour qu’ainsi « le monde puisse connaître que c’est Toi qui m’a envoyé ». Le dernier numéro de Communio, la revue théologique internationale, développe précisément cette thématique. Je relève l’étude de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, excellent interprète de l’œuvre du cardinal de Lubac. Lequel avait fait un sort à une formule médiévale : « Non sunt adversi, sed diversi ». Ils ne sont pas opposés, mais divers. N’est-ce pas le fond du problème : que nos divisions ne nous déchirent pas, mais soient l’expression d’un patrimoine de foi commun !
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 3 décembre 2014.
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