« Noël, c’est apporter une présence au monde » - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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« Noël, c’est apporter une présence au monde »

Pianiste de renommée internationale, Elizabeth Sombart porte la musique classique dans les hôpitaux, les Ehpad, les prisons… et les funérariums. Le Noël de cette femme, animée d’une foi ardente, ne ressemble à aucun autre.
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À quoi ressemble votre Noël ? Elizabeth Sombart : Le lieu qui me parle le plus pour célébrer Noël le 25 décembre est le funérarium de Lausanne ! Je sens ma présence nécessaire pour tenir compagnie à ceux qui, non seulement sont sans visite ce jour-là, mais qui pour beaucoup ont rendu l’âme sans réconfort. L’expérience du Covid m’a appris à accompagner les défunts et leurs familles. Je n’étais pas dans cette dimension auparavant. La musique classique est un espace de gratuité et de générosité où l’on fait l’expérience de la Présence. Et pour moi, Noël, c’est apporter cette Présence au monde. Je participe à un avènement au sens propre. Les notes jouées sur le piano amènent une paix là où il n’y a plus de jugement. Le compositeur autrichien Joseph Haydn disait que la musique classique est « le bruit que fait la porte du paradis quand elle s’ouvre ». J’espère ainsi aider les familles – au cours de ce temps très particulier qui précède les obsèques – à partir en leur offrant une consolation qui touche au divin. Le 24 décembre est aussi pour moi très important. Dans un Ehpad, quand j’offre un concert de Noël, je lis sur les visages la gratitude de passer un moment en Dieu. On ne se parle pas, mais on communie à ce qui est éternel. Certains malades d’Alzheimer qui ne parlent plus depuis des mois s’exclament tout d’un coup : « C’est magnifique ! » Le sourire de l’ange de Reims s’inscrit sur leurs visages. C’est très beau ! La fête de Noël se vit cette année encore sur fond de crise sanitaire. Quel regard portez-vous sur le climat que nous vivons ? Je suis très sensible à l’idée d’unité. Vivre de sa foi c’est afficher une unité intérieure et en rayonner. Je suis catholique pratiquante, je prie le rosaire, mais je ne peux me rendre à la messe à Lausanne, en Suisse, où je réside, car le passe sanitaire est obligatoire pour assister à la célébration de l’Eucharistie ! De la même façon, il est impossible d’assister à des funérailles : je connais une femme qui n’a pu assister aux obsèques de son mari car elle n’était pas vaccinée ! C’est la première fois dans l’histoire que nous sommes empêchés de prier et d’enterrer nos morts, qui sont partis, pour certains d’entre eux, dans une terrible solitude. Les chrétiens doivent entrer en résistance. Je trouve effrayant de faire passer notre libre arbitre comme subversif. Il y a une contraction à vouloir nous contraindre pour protéger les autres alors que, par essence, l’amour est sans contrainte. Non seulement le coronavirus impose une réduction du champ de notre liberté, mais en plus, si nous ne restons pas vigilants grâce à la prière, il touche à notre unité intérieure. Combien de familles sont irrémédiablement séparées à cause de frontières mentales entre les vaccinés et les non-vaccinés, mais aussi à cause des frontières physiques entre les pays ! Combien de parents n’ont pas vu depuis deux ans un enfant qui vit à l’étranger ! Plus que jamais les catholiques et l’Église doivent avoir un discours d’unité dans les relations humaines. Il faut que nous donnions à vivre autre chose que la peur. Nous devons transmettre quelque chose de plus grand que nous… La musique classique est-elle le lieu de la transcendance ? Par excellence ! La base de la musique, c’est d’abord le son, et le son est porteur d’une famille de plusieurs harmoniques. Nous trouvons là l’unité dans la multiplicité. Mais l’on parle véritablement de musique à partir d’un deuxième son, quand il se crée entre deux notes une relation. La note est un symbole de vie car il n’y a pas de vie sans relation… Ce qui crée la vie, c’est la relation entre deux notes. Nous vivons une période angoissante avec les restrictions imposées par le Covid, avec les attaques venant de ce que l’on appelle la cancel culture. La période de Noël que nous vivons, nous pressentons qu’elle survient entre deux temps, que rien ne sera bientôt plus comme avant. Or, la musique classique nous enseigne quelque chose de très structurant. Le wokisme, « l’éveil » pour les militants de la cause anti-occidentale, consiste à nous couper de nos racines pour vivre « ici et maintenant ». La musique classique au contraire permet de se nourrir du passé et d’ouvrir la porte étroite qui mène vers l’éternité. Elle met du silence pour retourner au silence d’où l’on vient. Je ne me recueille pas pour écouter de la musique en soi, mais pour goûter le silence divin qu’elle me révèle. Par ailleurs, elle nous enseigne le temps musical, première expérience de transcendance car ce temps ne se vit pas de manière chronologique. Il existe plusieurs temps dont le temps des rêves, où notre cerveau en cinq minutes nous fait vivre un événement qui semble durer des heures. La musique classique, elle, réveille dans l’âme des dimensions auxquelles nous ne pensions même pas avoir accès. J’existe par l’intériorité, un état où le temps est comme suspendu, c’est le cadeau que Dieu nous fait à travers la musique… Par intériorité j’entends cet espace inviolable à partir duquel nous nous affranchissons de notre moi : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi », nous dirait saint Paul. Comment votre vie de musicienne se nourrit-elle de la présence du Christ ? Dès l’enfance j’ai eu le goût d’une Présence. Je passais ma vie sous le piano de ma maman. J’aimais entendre les notes du piano, j’ai toujours su que cette musique était très proche du Ciel. Plus tard, à l’âge adulte, j’ai compris qu’on n’argumentait pas Dieu. Puis j’ai traversé des situations où je me suis demandé comment j’avais eu la force de faire les choses et je me suis rendu compte que je n’étais pas seule. Et un jour j’ai eu envie de dire tout le temps : « Merci Jésus. » Depuis, il ne m’a jamais lâchée et j’ai vécu avec lui des expériences musicales et humaines extraordinaires. Ainsi je suis allée un jour donner un concert en Afrique, en Zambie. Non seulement le chauffeur venu me chercher dans un petit hôtel de la capitale avait une heure de retard, mais au bout d’une autre heure passée à sillonner une route boueuse dans la brousse, j’aperçois l’endroit où je dois jouer. C’est une salle polyvalente avec le toit en tôle ondulée où, à l’intérieur, m’attendent une centaine de personnes. Je cherche le piano et m’inquiète de ne pas le voir. Puis je me rends compte qu’il s’agit d’un piano droit, placé dans un coin, avec une corde cassée ! Je suis sidérée. Je dis au Seigneur : « Quitte la pièce et reviens dans une heure car ce concert va être une horreur. » Et là, j’entends cette voix désormais gravée dans mon cœur : « Toi tu joues et moi je touche les âmes. » J’ai été bouleversée. Comment avais-je pu penser que c’était moi qui touchais les âmes ! J’ai alors compris que mes mains étaient au service de Dieu. Je les ai posées sur le piano et j’ai fermé les yeux. À la fin du concert, quand je les ai ouverts, les gens avaient les yeux baignés de larmes. Depuis je ne joue jamais sans penser que le Christ est à l’œuvre et que je suis à son service. Demandez-vous une grâce particulière en ce temps de Noël ? Je demande la vertu de délicatesse. Ce qui me fait peur dans le climat actuel, c’est ce que nous risquerions de faire par indifférence envers le Seigneur. Je ne veux pas me retrouver dans une situation où je me lave les mains comme Ponce Pilate. Or, en ce temps de pandémie, on nous demande tout le temps de nous laver les mains ! La grâce de Noël pourrait être aussi de cesser d’en vouloir à Dieu de nous avoir donné notre libre arbitre, sinon nous l’accuserons toujours collectivement de ce que nous ne comprenons pas. Ensuite seulement, nous pouvons pardonner aux autres… Avez-vous une figure spirituelle de prédilection ? J’aime beaucoup sainte Élisabeth de la Trinité. J’étais à Rome pour sa canonisation le 16 octobre 2016. Elle était une grande pianiste. J’ai fait un disque avec toutes les œuvres qu’elle a jouées avant d’entrer au Carmel. J’aime la dimension qu’elle exprime, à savoir que la musique est sainte si vous la jouez saintement. Sa façon de jouer du piano était une prière. Je suis aussi attachée à la figure de Sœur Élisabeth-Paule Labat, une bénédictine de l’abbaye Saint-Michel de Kergonan décédée en 1975. Elle est l’auteur d’un superbe ouvrage : Essai sur le mystère de la musique. Elle exprime bien le secret de Dieu dans la musique classique, la possibilité de percevoir des délicatesses qui nous touchent jusqu’au fond de l’âme.
—  cd_chemin_de_croix.jpgChemin de Croix, Nicolas Butet, texte, Elizabeth Sombart, piano, Paroles et musique. cd_beethoven.jpgLudwig van Beethoven : intégrale des Concertos pour piano, Elizabeth Sombart, piano, Royal Philharmonic Orchestra, Pierre Vallet. 1 coffret Signum Records, 30 €.