Le 18 avril 2018, les Nicaraguayens descendaient dans les rues de Managua pour manifester contre la réforme des retraites ; le lendemain, deux étudiants et un policier étaient tués dans les affrontements. L’impitoyable répression des autorités plongeait le pays dans une longue et violente crise sociopolitique qui a fait plus de 325 morts, des centaines de disparus et des milliers de réfugiés – 70 000 au seul Costa Rica voisin.
Aujourd’hui, le Nicaragua parait coincé entre deux identités : celle d’une nation dirigée par un gouvernement à caractère dictatorial, et celle d’un pays dont la population a exprimé son exaspération. L’Église catholique, qui représente 58,5% de la population, a apporté son soutien à ceux qui souffrent et nourri les affamés tant physiquement que spirituellement.
Une Église médiatrice
Ainsi, le nombre de personnes qui dépendent aujourd’hui de l’aide de l’Église pour leur survie a triplé depuis un an. Depuis septembre, l’Église diocésaine a ouvert cinq bureaux pastoraux de « Droits de l’homme », où elle vient en aide aux familles qui ont perdu des enfants pendant les manifestations, ainsi qu’aux personnes persécutées pour avoir manifesté.
Pour autant, la situation de l’Église n’est pas simple : En mai-juin 2018, l’Église a joué un rôle de « médiateur » dans le processus de dialogue national, entre le gouvernement et l’opposition. Plus d’une fois, cardinal Leopoldo Brenes, archevêque de Managua, la capitale du pays a ainsi servi de médiateur entre le gouvernement et les manifestants, tant pour secourir les policiers enlevés que pour faire en sorte que les militaires cessent de tirer sur les étudiants. « Lorsque les affrontements entre les forces nationales et les manifestants ont eu lieu, nous avons protégé tout le monde. Nous avons simplement aidé tous ceux qui nous demandaient de l’aide, sans demander à quel camp ils appartenaient, souligne-t-il. À un moment, les deux parties ont fait preuve de violence, mais le gouvernement a fait un usage disproportionné de la violence. »
« Beaucoup de prêtres ont dû fuir »
En juin dernier, le président Ortega lui-même a qualifié les évêques de « putschistes » et ses partisans ont alors pris l’Église pour cible. « Beaucoup de prêtres ont dû fuir » confiait à l’AED, fin novembre, un prêtre du diocèse de Matagalpa qui restera anonyme – pour des raisons de sécurité. « Mais on ne peut pas rester les bras croisés quand des gens font irruption dans l’église pendant la messe parce qu’on essaie de les tuer. Les militaires et les policiers ne leur jetaient pas des bonbons : ils leur tiraient dessus, afin de les tuer, en visant la tête, le cou et la poitrine […] L’Évangile nous enseigne que nous devons ouvrir les portes à ceux qui sont persécutés, et c’est ce que nous avons fait. Nos églises sont devenues des refuges […] Nous avons été accusés de cacher des armes, ce que nous n’avons jamais fait, poursuit le prêtre. Notre seule arme, c’était Jésus dans l’Eucharistie ».
Accompagner le dialogue par la prière
Invités en tant que « témoins accompagnateurs » lors des négociations entamées le 27 février dernier, les évêques ont peu après, le 8 mars, refusé d’être « physiquement dans la salle des négociations ».
Désormais, c’est par la prière que l’Église accompagne le processus de dialogue et œuvre ainsi à la réconciliation nationale. S’il ne cache pas son inquiétude quant à l’avenir du pays, Mgr Brenes est de plus en plus convaincu du prophétisme de la phrase prononcée par le Pape Pie X qui a dit : « Donnez-moi une armée qui prie le rosaire tous les jours et nous changerons le monde ». « Si nous croyons que la foi peut déplacer des montagnes, la prière du chapelet peut convertir les cœurs à la vraie réconciliation, guérir les cœurs blessés et chercher le bien de tous, explique Mgr Brenes. Pouvez-vous prier pour le Nicaragua ? »
Une invitation à la prière qui prend un sens particulier, en ce Vendredi Saint, alors que le prêtre de Matalgapa confiait que « Nous portons un petit bout de la Croix du Christ. Nous ne pourrions pas la porter en entier. Il nous y aide ».