L’annonce de la canonisation du cardinal John Henry Newman pour le 13 octobre, constitue pour l’Église universelle plus que la reconnaissance de la sainteté d’une vie.
Car elle implique en même temps celle d’une œuvre théologique dont l’éclat rejaillit aujourd’hui avec une force remarquable. Jean Guitton affirmait, sans pouvoir être démenti, que l’auteur de l’Essai sur le développement de la doctrine chrétienne avait été l’inspirateur secret de l’élaboration doctrinale de Vatican II, à l’exemple de ce que saint Thomas d’Aquin avait été pour le concile de Trente.
Alliage de la théologie et de la sainteté
C’est cet alliage de la sainteté et de la doctrine qui confère sa stature singulière à celui que le pape François va proposer à l’Église entière comme intercesseur.
Lors de la célébration de la béatification du cardinal, Benoît XVI, lui-même comme théologien très familier de sa pensée, avait réuni les deux aspects indissociables de sa personnalité. Après avoir loué le docteur, il avait rappelé comment Newman avait vécu son sacerdoce : « Il a vécu à fond cette vision profondément humaine du ministère sacerdotal dans l’attention délicate avec laquelle il s’est dévoué au service du peuple de Birmingham au long des années qu’il a passées à l’Oratoire, fondé par lui, visitant les malades et les pauvres, réconfortant les affligés, s’occupant des prisonniers… »
C’est une constante de la tradition ecclésiale que cette association de la théologie et de la sainteté. Il n’y a, au fond, de véridique que la théologie pensée à genoux, selon une expression chère à notre pape actuel. Mais sa profondeur est aussi en relation étroite avec l’expérience humaine plénière.
Une vérité incarnée
Le Père Louis Bouyer, qui appartenait lui aussi à l’Oratoire, et avait très tôt identifié le futur saint comme interprète le plus pertinent de la Tradition, s’en est souvent expliqué : « La vision qu’a Newman du lien entre les exigences ascétiques de la vérité et les exigences culturelles m’a appris qu’il est impossible de chercher la vérité chrétienne sans chercher une vérité pleinement incarnée dans toute l’expérience humaine. Il y a, en effet, chez Newman une insistance sur la conjonction désirable entre un christianisme vraiment fondé sur les sources les plus authentiques de la Tradition, et d’autre part l’ouverture à tout un effort de culture cherchant à assimiler le meilleur de ce que l’évolution intellectuelle et spirituelle de l’humanité a produit » (Louis Bouyer, Le métier de théologien. Entretiens avec Georges Daix, France-Empire, 1979).
Mais la grande leçon du théologien est aussi celle de la continuité organique, alliant foi et expérience, de la Tradition, qui permet au christianisme de développer sa pensée toujours plus avant, dans la fidélité la plus profonde à ceux dont elle est dépositaire depuis la Pentecôte.