Doit-on reprendre la formule habituelle pour le périple britannique de Benoît XVI ? Voyage réussi ! Cela paraît à tous les gens de bonne foi une évidence. Oubliée alors l’aigreur de la presse anglaise qui a brusquement changé de ton, contrainte d’admettre un sans fautes, avec cette succession de rencontres où le Pape a fait retentir une parole toujours juste, précise et qui a convaincu ses auditoires. Gardons cette image d’un pape s’adressant, dans le cadre prestigieux du Parlement à une étonnante assemblée, où avaient pris place les cinq Premiers ministres qui se sont succédé ces dernières années à la tête du pays. Exposé magistral, où le pape a fait l’éloge de la démocratie britannique et abordé un de ses thèmes les plus chers: l’accord de la foi et de la raison, avec le rôle correcteur de la culture religieuse dans le domaine temporel, à condition que celle-ci ne soit pas compromise par un défaut de rationalité et déportée vers le fidéisme et le fondamentalisme.
Il y eut aussi le sommet du voyage avec la béatification du cardinal Newman. Ceux qui connaissent l’histoire personnelle de Joseph Ratzinger savent à quel point la pensée de l’auteur de « L’essai sur le développement du dogme » lui a été une source d’inspiration permanente.
Alors, pourquoi cette pointe dans un journal français du dimanche*, dont l’auteur fait semblant de mieux connaître Newman que le pape ? Benoît XVI est ironiquement défini comme « un pontife à la doctrine d’airain » qui devrait donc être pris à contre-pied par la doctrine plus souriante du nouveau béatifié. Mais comme l’auteur de l’article jette un doute sur l’opinion que Newman avait de l’infaillibilité pontificale, on rappellera ce que déclarait l’intéressé à ce sujet: «S’il y a sur la terre un pouvoir qui a franchi les siècles (…) et dont les paroles ont été des événements et des prophéties, c’est bien celui qui n’a cessé de siéger depuis des générations sur la chaire des apôtres en la personne du vicaire du Christ et du docteur de son Église. »
Chronique lue le 20 septembre sur Radio Notre-Dame.
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* Lire cette chronique de Sean J. Rose sur le site du Journal du Dimanche :
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Chronique de Gérard Leclerc lue le 21 septembre sur Radio Notre-Dame
On me permettra d’intervenir aujourd’hui encore, sur un point précis, à propos de la béatification du cardinal John Henry Newman. On laisse, en effet, entendre, lorsqu’on ne l’affirme pas carrément que le grand théologien distingué — avec quelle force ! — par Benoît XVI, aurait été un adversaire résolu de ce qu’on appelle le dogme de l’infaillibilité pontificale.
Il importe de réagir contre cette affirmation qui est fausse. Newman, n’a jamais contesté le bien fondé d’une définition de cette infaillibilité. Il l’a illustrée avec ses arguments tirés de sa connaissance exceptionnelle de l’histoire du christianisme et de la Tradition de l’Eglise.
Il est vrai, en revanche, qu’il a contesté, un moment, l’opportunité d’une telle définition à cause du contexte de l’époque et des mauvais arguments développés par ce qu’on appelait alors le parti ultramontain. Il craignait que le texte dont on parlait ne souffrit d’équivoques, et ne fût marqué par des exagérations qui auraient compromis la valeur d’une éventuelle définition.
Mais lorsque le premier concile du Vatican procéda à la dite définition, Newman la ratifia sans difficultés, avec toute sa précision qui excluait les exagérations contre lesquelles il avait lutté.
Il est donc quelque peu ridicule d’opposer Benoît XVI et le bienheureux John Henry Newman dont la parenté théologique est si étroite depuis toujours.