Newman et Dulles : deux témoins du Christ - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Newman et Dulles : deux témoins du Christ

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Note : ce texte fait partie de la série consacrée au cardinal Newman qui sera canonisé le 13 octobre 2019.

Dans le livre d’essais qu’il a compilé peu avant sa mort (Evangélisation pour le troisième millénaire), le cardinal Avery Dulles publie un avertissement contre un « pluralisme sotériologique » dans la théologie contemporaine. Il mettait au défi l’affirmation selon laquelle, bien que le Christ puisse être, dans un certain sens, normatif pour le salut chrétien, une telle revendication ne pourrait pas être normative pour les adhérents d’autres traditions religieuses.

Dulles a également écrit une étude fantastique intitulée : John Henry Newman. Bien que Dulles ait modestement nié être « un expert de Newman », il a reconnu avoir lu Newman « durant plusieurs décennies » et avoir été « grandement influencé par sa méthode et son enseignement ».

Un domaine clé de convergence était que tous deux soutenaient un point de vue critique envers ce que Newman appelait « libéralisme ». Dans le célèbre discours que Newman a tenu à Rome en 1879, lorsqu’il a été fait cardinal, il a déclaré : « le libéralisme en religion est la doctrine selon laquelle il n’y a pas de vérité positive en religion, qu’une croyance est aussi bonne qu’une autre… Il enseigne que toutes doivent être tolérées, car toutes sont affaires d’opinion. Une religion révélée n’est pas une vérité, mais un sentiment et une affaire de goût. »

En contraste explicite, Newman, tout au long de sa vie, à la fois comme anglican puis comme catholique, a épousé ce qu’il appelait « le principe du dogme ». Il voulait dire par là que la religion révélée énonce des vérités objectives, non de simples sentiments, non les souhaits fantaisistes d’individus, mais le fruit d’une véritable rencontre avec Dieu comme il est témoigné dans les Ecritures et dans la Tradition chrétienne.

Pour Newman comme pour Dulles, l’Incarnation du Verbe Eternel de Dieu en Jésus-Christ est l’ancrage de leur foi et le point de référence permanent de la vie spirituelle, de la prédication et d’une théologie authentiquement catholique.

Dans « L’influence, respectivement, de la religion naturelle et de la religion révélée », le second de ses « Sermons de l’université d’Oxford », Newman parle de l’économie de la révélation de Dieu comme de la « méthode de la personnification ». Il déclare que tous les principes abstraits de philosophie, le Verbe, la Lumière, la Vie, la Vérité, la Sagesse, deviennent personnifiées dans le Christ.

Ce qui autrement pouvait rester simplement « théorique » devient « vrai » en Lui – concret, frappant, suscitant l’affection et encourageant l’imitation. Newman résume sa dialectique dans ces mots, avec lesquels Dulles serait à 100% d’accord : « c’est l’Incarnation du Fils de Dieu plutôt que quelque doctrine tirée d’une vue partielle de l’Ecriture (quelle que soit sa véracité et son importance) qui est l’article d’une Eglise qui tient debout ou qui trébuche ».

Par conséquent, Newman parle de « l’Idée de l’Incarnation » comme du cœur de la vision de foi chrétienne. Mais par « Idée » il ne veut pas dire simplement un concept de l’esprit, mais une image vivante et vivifiante qui nourrit tout autant le cœur et l’imagination.

Et ce concept et cette image, c’est la réalité de Jésus présenté dans les Evangiles. Et il insiste dans son « Cours sur la doctrine de la justification » (peut-être son travail théologique le plus profond) : « La véritable prédication de l’Evangile est de prêcher Jésus ».

Pour Newman, Jésus-Christ est à la fois tout-à-fait concret et universellement significatif. Dans son dernier ouvrage « Une grammaire du consentement », il déclare : « toutes les prévoyances de Dieu sont centrées sur le Christ ». Et dans « Cours sur la justification » Newman déclare : « le Christ est venu précisément dans ce but, rassembler en un tout les éléments de bien dispersés de par le monde, pour les faire siens, pour les illuminer par Lui, pour les réformer et remodeler en Lui. Il est venu pour faire un commencement de toutes choses nouveau et meilleur que ne l’avait fait Adam, et pour être la source d’où coulerait désormais tout le bien ».

Et ce n’est pas uniquement pour les chrétiens mais pour toute l’humanité.

Pour Newman, le Christ est présent et non absent : Il peut bien être absent dans la chair, mais Il est vraiment présent, par l’Esprit, dans la foi. Dans son sermon sur « la présence spirituelle du Christ dans l’Eglise » (Simples sermons paroissiaux VI,10), Newman demande : « mais pourquoi l’Esprit devait-il venir ? Pour suppléer l’absence du Christ ou pour accomplir Sa présence ? »

Et il répond : « forcément pour Le rendre présent. Supposons un instant que l’Esprit-Saint vienne de telle façon que Dieu le Fils reste à l’écart. Non, [l’Esprit] n’est pas venu de telle sorte que le Christ ne vienne pas, mais plutôt Il vient afin que le Christ puisse venir ». Et il conclut : « donc l’Esprit ne prend pas la place du Christ dans l’âme, mais il garde cette place pour le Christ ».

Pour Newman comme pour Dulles, la Présence réelle et continue de Jésus-Christ trouve son expression la plus achevée dans l’Eucharistie. Si leur intelligence les conduit tous les deux à reconnaître la plénitude de la foi apostolique dans l’Eglise Catholique Romaine, leur cœur trouve l’accomplissement de leur désir ardent et de leur affection dans le Saint Sacrement conservé dans la plus humble des églises et chapelles catholiques.

La présence eucharistique du Christ est l’exemple paradigmatique du « cœur parlant au cœur » (la devise cardinalice de Newman) : le cœur du Christ s’adressant au cœur de chaque disciple qu’Il appelle par son nom.

Dans une lettre envoyée à un correspondant après sa conversion au catholicisme, Newman parle du « privilège sublime d’avoir une chapelle sous le toit où je vis, avec le Christ à l’intérieur ». Et il se réjouit dans « l’indicible confort de partager la même maison avec Lui qui a soigné les malades et enseigné à ses disciples, au temps de son Incarnation, comme nous le lisons dans les Evangiles ».

Avery Dulles prit comme devise cardinalice : « je connais Celui en qui j’ai cru », le Christ, que Dulles appelait, dans sa dernière conférence McGinley, « la Perle de grand prix ». Pour l’un comme pour l’autre, Dulles et Newman, l’Incarnation du Verbe Eternel de Dieu en Jésus-Christ et l’importance universelle salvatrice du Christ sont vraiment l’article de foi sur lequel l’Eglise tient debout ou achoppe.

Etant donnés le bouleversement et la confusion de croyances actuellement dans l’Eglise, leur témoignage conjoint, à la fois personnel et théologique, en faveur de Jésus-Christ comme Sauveur unique et universel, est à la fois un don et un défi. Car notre péril le plus pressant est peut-être moins le schisme que l’apostasie de « la foi prescrite autrefois et définitivement aux Saints ».

Robert Imbelli, prêtre de l’archidiocèse de New York, est professeur de théologie émérite à l’université de Boston.

Illustration : le livre de Mgr Dulles sur John Henry Newman

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/09/28/newman-and-dulles-two-witnesses-to-christ/