J’ai dit ici que lundi, le jour où le document connu officiellement comme la relatio post disceptionem (le rapport provisoire sur le synode) a été rendu public, a été le jour le plus étrange que j’ai jamais passé à Rome. Hier, la conférence de presse journalière du synode a rétracté beaucoup de ce qui a été dit lundi, et par conséquent des parties du document, sans toutefois aller jusqu’à l’avouer. C’est un virage à 180 degrés, du jamais vu en un si court délai sur le sol du Vatican. Jamais. Quelle que soit l’époque.
Comme les renseignements se faisaient jour mardi, le déploiement de la relatio semblait faire concurrence au déploiement de l’Obamacare en fait d’inepties à couper le souffle.
Le cardinal africain Wilfrid Fox Napier était peut-être le participant le plus sincère. Comme les autres, il a tenu cette ligne : la relatio présentée lundi a été comprise à tort comme un ensemble de conclusions, quand c’était en fait un travail en cours uniquement destiné à guider les discussions ultérieures. Mais il a également admis que le message transmis n’était pas le bon. Et il s’est également risqué à dire que, bien que le document final sera sans l’ombre d’un doute mieux équilibré et mieux rédigé, les erreurs de compréhension induite dans les médias ont mis le synode dans une position qui pourrait bien être « irréparable », selon ses propres termes.
J’ai moi-même cherché à en entendre davantage venant du cardinal Napier. mais il semble faux – pour une fois – de blâmer les médias pour avoir mal compris ce que l’Eglise est en train de faire. Les médias ont mis l’accent sur les parties troublantes du texte bien sûr, mais la plupart ont fort bien compris ce que le texte et la façon dont il a été rendu public ont fait. Il aurait été bien facile pour les porte-paroles du Vatican – ou pour le texte lui-même – de dire clairement que la relatio n’était qu’une liste de points que les évêques avaient examinés. Cela n’a pas été fait. Et dans la quasi abjuration de mardi, il était dur de déterminer, malgré les questions insistantes des journalistes, comment ce piteux fatras a pu voir le jour.
Avant même le début de la conférence de presse d’hier, le père Federico Lombardi S.J., directeur de l’office de presse du Saint Siège et chef du comité de discussion a annoncé que le cardinal Baldisseri, secrétaire général du synode, lui avait demandé de faire une déclaration et une « clarification ». Selon des sources officielles, au moins quarante et un évêques impliqués dans le synode ont été sidérés et fort « inquiets » à l’aspect du document lundi.
Le cardinal Burke a même donné un interview dans lequel il déclare que le Saint-Père lui-même doit maintenant expliquer publiquement les choses puisque le document « n’est pas le travail de l’Eglise ». (Quelle est la position de François dans le scénario est la question revenant le plus souvent : a-t-il autorisé ce débat, pour voir jusqu’où il irait, ou celui-ci a-t-il pris une tournure qu’il n’attendait pas ?)
Bien plus, le cardinal Burke a déclaré que les modérateurs des discussions n’ont pas été objectifs. C’est difficile à confirmer puisque les discussions ont eu lieu à huis clos. Et il y a d’autres problèmes. Il se peut qu’un seul participant ait mentionné le souci pastoral pour les enfants de couples gays, par exemple. Mais si les rédacteurs ont donné à cette remarque un espace disproportionné dans le texte, cela fausse la perception du public sur les réelles préoccupations des évêques. Le cardinal Müller a appelé à la publication de l’ensemble des commentaires officiels. Ca pourrait aider, mais le bateau a déjà pris le large.
Le cardinal italien Fernando Filoni a délicatement fait allusion à « une certaine perplexité » parmi les évêques, à la fois sur la forme du texte et sur la manière dont il a été rendu public. Il a expliqué que le but de toute la procédure, qui se poursuit en petits groupes de discussion, sera suivi par une réécriture et des votes solennels, entre aujourd’hui mardi et jeudi, est de produire un texte à présenter au Saint-Père afin qu’il puisse décider quoi faire à propos des différents points étudiés.
Le cardinal Filoni a aussi essayé de situer la controverse dans une vision élargie et positive du mariage et de la famille. Ce n’est pas, a-t-il argumenté, seulement deux ou trois points, mais une discussion générale et étoffée sur la famille, qui, selon lui et le cardinal Napier, a d’abord exprimé le positif pour bâtir dessus des réponses aux problèmes et difficultés.
C’est peut-être le cas, mais les représentants de la presse – en nombre important ainsi que l’a noté le père Lombardi – n’étaient pas satisfaits. Si le texte donnait une mauvaise impression, pourquoi le publier sous cette forme ? Il n’y a pas de réponse claire, bien que le cardinal Filoni ait dit que « ça s’était toujours passé comme ça ». La différence est que dans les autres cas, cette sorte de document intermédiaire traitait de sujets d’Eglise assez fastidieux et quasi personne, presse mise à part, n’était fort intéressé par le texte ou le processus. Il y avait presque 200 personnes à la conférence de mardi, toutes très attentives.
Les attentes étaient peut-être trop fortes et les gens sont peut-être venus se documenter en espérant trouver ce qu’ils aveint envie de trouver ? C’est une réponse possible, mais qui ne semblait pas satisfaire grand monde dans la pièce. De l’aveu général, « des phrases dans la relatio peuvent induire les gens à penser que le document reflète la vision du synode dans son ensemble. » Effectivement.
John Allen, toujours investigateur, a mis les choses au point : ce que le monde a entendu, c’est une sensibilisation aux homosexuels. Est-ce que ce sera encore le cas après les révisions ? D’autres ont remarqué que le comité avait « désavoué » des parties de la relatio. Mais le fatras sur l’homosexualité était là. Comment s’y est-il trouvé ? Qui est responsable ?
La seule réponse à cette très bonne question est venue du cardinal Napier. Tout le monde sait que cela vient de l’archevêque Bruno Forte. (Quand on en est venu aux question sur les paragraphes 50 à 53, la partie la plus controversée, les autres évêques se sont montrés visiblement soulagés de laisser Forte s’en occuper.) Le cardinal Napier pouvait seulement dire qu’en dépit du conceptuel statique et des mots gênants, les petits groupes linguistiques étaient à l’oeuvre. Jeudi, ils se réunissent pour discuter de ce qu’ils ont décidé séparément. Plus tard, samedi probablement, l’ensemble du synode votera le texte final, puis nous « l’obtiendrons ».
Prions pour qu’il vaille la peine d’être obtenu.
Robert Royal est le rédacteur en chef de The Catholic Thing
Illustration : le cardinal Napier
Source : http://www.thecatholicthing.org/synod_report/synod_report/synod-day-9-bishops-to-world-never-mind.html