NÉANDERTAL : DÈS L’AUBE DU MONDE L’HOMME ÉTAIT EN VUE - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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NÉANDERTAL : DÈS L’AUBE DU MONDE L’HOMME ÉTAIT EN VUE

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Comme nous le verrons en récapitulant cette série d’articles, la Bible nous dit sur l’origine de l’homme tout ce qu’il est utile de savoir pour comprendre notre destinée. Alors à quoi sert d’étudier scientifiquement l’origine de l’homme ? A quoi sert de découvrir ce que la Bible ne nous dit pas ?1 Je crois qu’il est très important de constater que, plus on avance dans l’étude scientifique de nos origines, et mieux s’éclairent au regard de l’esprit moderne les problèmes religieux posés par ses propres découvertes. Un des meilleurs exemples en est cet homme de Néandertal à qui j’ai consacré deux articles2. La Bible n’avait pas plus de raison de nous parler de cet énigme alors inexistante que nous révéler les lois de la gravitation. En revanche, maintenant, il est satisfaisant de voir que le progrès de nos connaissances, tant en physique qu’en biologie, préhistoire et paléontologie, conforte l’interprétation religieuse enseignée par la Bible. Le fait que plusieurs lignées humaines aient longtemps et à plusieurs reprises cohabité sur la terre montre (contrairement à ce qu’on lit souvent, y compris chez des auteurs éminents) (a) que l’homme n’est pas le produit improbable d’une évolution aveugle, mais que, bien au contraire, le monde a été créé pour l’homme, et que l’apparition de l’homme était inscrite dès l’origine lointaine de l’univers dans ses lois fondamentales, comme le projet même de la création. Si, en effet, l’homme n’était que le résultat d’une évolution dénuée de but, se livrant à des « bricolages » aveugles et fortuits comment l’infiniment improbable aurait-il pu sortir plusieurs fois de l’absurde loterie ?3 L’homme n’est pas aléatoire Le récent livre de Jacob, grâce à la clarté d’une belle langue et d’un esprit accoutumé par l’exercice de la réflexion scientifique à aller à l’essentiel, met en évidence cette contradiction de l’interprétation matérialiste du monde. Il dit (p. 18) que l’« on peut parfaitement imaginer un monde dans lequel les lois physiques seraient différentes », et, cinq lignes plus loin, que « c’est peut-être dans le monde vivant que se manifeste le plus nettement cette contingence ». Suit une liste de faits biologiques dont les « formes », le « fonctionnement », les « particularités » pourraient être « différentes ». « Il est difficile de voir quelque nécessité dans le fait que les arbres ont des fruits. Ou que les animaux vieillissent. Ou dans leur sexualité : pourquoi faut-il se mettre à deux pour en faire un troisième ? » A quoi il répond, se référant à Darwin (p. 35) : « Le monde vivant aujourd’hui, tel que nous le voyons auteur de nous, n’est qu’un parmi de nombreux possibles… Il aurait très bien pu être différent. Il aurait même pu ne pas exister du tout ! ». Il est bien vrai que si c’est au système de Darwin que l’on pose de telles questions, c’est de telles réponses que l’on obtient. Mais il se trouve que les faits avérés, scientifiquement observables, nous dispensent d’interroger quelque système que ce soit, et pourvoient une réponse suffisante4. On pourrait en citer d’innombrables pris dans la zoologie et la botanique, mais ce qui nous intéresse ici, c’est l’homme. L’homme est-il ou non la somme d’innombrables « bricolages » fortuits, aléatoires, conduisant avec la même probabilité vers l’homme ou vers une infinité de culs-de-sac ou formes sans rapport aucun avec l’homme ? Voilà la question fondamentale, celle qui donne ou refuse à l’univers-tel-qu’il-est, un sens, une finalité. La réponse de la paléontologie est claire et sans réplique. Elle est à l’exact opposé de ce que croit Jacob. Si l’homme était cet être infiniment contingent qu’il imagine, comment se pourrait-il que l’infiniment contingent se fût produit plusieurs fois ? J’avais déjà posé cette question à Monod, qui lui aussi voyait dans l’homme l’improbable gros lot d’une infinie loterie, et soit dédain, soit embarras, il n’avait jamais répondu5. Une question retournée par les physiciens La force de cette question est telle qu’une école d’astrophysiciens (b) est en train de la retourner pour y trouver une explication de l’univers tel qu’il est et une voie de recherche nouvelle (et même très révolutionnaire) vers la détermination des conditions initiales. Leur démarche peut se formuler ainsi : l’apparition de l’homme étant reconnue comme le fait le plus chargé de sens de l’évolution cosmique, comment faut-il imaginer les conditions initiales de celles-ci pour qu’elles conduisent à cet événement ? L’idée fondamentale implicite est évidemment que l’apparition de l’homme est potentiellement inscrit à la source des choses comme un but. Ce que les astrophysiciens appellent principe anthropique s’appuie sur un postulat exactement opposé au système soutenu par François Jacob. On peut l’interpréter comme une réintroduction du principe de finalité dans la réflexion contemporaine. Le piquant est que cette réintroduction soit l’œuvre, non point des biologistes ou des spécialistes des sciences humaines, mais bien des physiciens et cosmologiste et qu’elle confirme, une fois de plus, une remarque souvent faite : plus la science est fondamentale, plus sont clairement perçus les grands problèmes métaphysiques6. J’ai lu parfois que les biologistes sont seuls habilités à dire si la physique suffit à expliquer le monde vivant. Certes, en principe, oui ! Mais à la condition que soit bien prise en compte la physique des physiciens, ce qui jusqu’ici n’est pas le cas7. Sans m’attarder, je citerai deux exemples : 1 – Les biologistes prennent en route la chimie-physique, fondée sur le principe d’exclusion de Pauli, sans se poser de questions sur la « contingence » de ce principe mystérieux : or, pas d’exclusions, pas de chimie-physique, pas de biologie, pas de vie, pas de biologiste ni de physicien… Pour que l’homme fit son apparition, il fallait la conjugaison d’une foule de conditions physiques semblables au principe de Pauli8. Etrange univers dont les cartes sont préparées à la source de telle sorte que vous et moi fussions là pour y réfléchir ! Il ne suffit pas de dire légèrement que si nous sommes là c’est parce que tous ces « hasards » fondamentaux se sont trouvés réunis. Les physiciens ont beaucoup réfléchi au hasard : le hasard physique, ce n’est pas cela du tout ! 2 – Les plus récentes découvertes physiques montrant la « non-localité » des phénomènes dits fondamentaux ; cette non-localité (dont nous parlerons une autre fois) s’applique en particulier à l’électron, particule sur laquelle repose la chimie-physique9 : il est peu raisonnable de ne demander à la physique que ce qui ne gêne pas un système d’« explication » (le darwinisme) vieux de cent ans ; il faut prendre tout. Si je veux m’envoler de ma fenêtre du huitième étage, il est, certes, moins fatigant de négliger dans mes calculs les forces de gravitation, toutes négligeables qu’elles sont ; moins fatigant, mais pas très recommandé. « Avant le monde, je t’ai aimé » Conclusion sur l’homme de Néandertal : son histoire ne sert rigoureusement à rien dans l’interprétation religieuse de nos origines ; mais son existence (ainsi que celle d’autres êtres dont je parlerai dans de prochains articles) suffit à rejeter une fois et à jamais l’idée d’un univers-loterie qui nous aurait enfantés par hasard : car « avant même la création du monde, je t’ai aimé »10. Aimé MICHEL (a) François Jacob : « Le jeu des possibles », (Fayard, 1981). (b) Cf l’article de George Gale : « The anthropic principle » p. 114 du numéro de décembre 1981, « Scientific American ». Voir aussi le sommaire biologique de cet article. Note : Une erreur nous a; fait illustrer le premier article d’Aimé Michel sur Néandertal d’un dessin « qui date » (FcE n° 1831)11. Voici un rectificatif de l’auteur : Le graphique accompagnant le premier article sur l’homme de Néandertal m’embarrasse ; il comporte des crânes inutiles (rattachés maintenant à Homo erectus) ; personne, je crois, ne parle plus de « pithécanthropes » : c’est aussi Homo erectus et, de plus, pithecus veut dire singe, et comme je le montrerai dans les articles suivants, l’ascendance humaine n’a rien à voir avec les singes ; enfin plusieurs découvertes très importantes (Homo habilis) ne s’y trouvent pas, et la filiation suggérée est un peu rapide, voire incertaine. Chronique n° 352 parue dans France Catholique-Ecclesia – N° 1833 – 29 janvier 1982 [|Capture_d_e_cran_2014-11-10_a_12-28-10.png|]
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 4 juillet 2016

 

  1. Beaucoup d’esprits religieux continuent d’être troublé par l’origine animale de l’homme, son lointain passé et l’idée que Dieu puisse créer non pas en un instant ou une semaine mais au long de millions ou de milliards d’années. C’est en pensant à eux qu’Aimé Michel écrit ses chroniques…
  2. Les deux chroniques qu’il publia avant celle-ci en janvier 1982, n° 350, Néandertal ou la fin d’un robuste gaillard – Sciences : le récit de la Genèse – 4 (30.05.2016) et n° 351, Les énigmes de l’homme de Néandertal : faut-il concilier tout cela avec la Bible ? – Les énigmes de l’homme de Néandertal 5 – L’espèce humaine est-elle unique ? (20.06.2016), portaient sur l’homme de Neandertal. On peut y ajouter une troisième, la n° 333, Avant d’être des hommes qui étions-nous ? – Ou comment la science progresse par de longs débats contradictoires (28.03.2016) qu’il avait écrite en mars 1981.
  3. Le mot « bricolage » est de François Jacob, dans le livre cité en note par Aimé Michel où il sert de titre au deuxième chapitre « Le bricolage de l’évolution ». F. Jacob y oppose la façon de travailler de l’ingénieur à celle du bricoleur. Ainsi le bricoleur « prend un objet dans son stock et lui donne une fonction inattendue. D’une vieille roue de voiture, il fait un ventilateur ; d’une table cassée, un parasol. Ce genre d’opération ne diffère guère de ce qu’accomplit l’évolution quand elle produit une aile à partir d’une patte, ou un morceau d’oreille avec un fragment de mâchoire. » (p. 71). Il en résulte que l’évolution « reste loin de la perfection, comme l’a constamment répété Darwin qui avait à combattre l’argument de la création parfaite. Tout au long de l’Origine des Espèces, Darwin insiste sur les imperfections de structure et de fonction du monde vivant. Il ne cesse de souligner les bizarreries, les solutions étranges qu’un Dieu raisonnable n’aurait jamais utilisées. » (pp. 69-70).
  4. Aimé Michel s’appuie ici sur l’idée, souvent répétée ici, que le darwinisme ne doit pas être considéré comme la théorie ultime et définitive de l’évolution biologique. Une certaine prudence s’impose avant de vouloir en tirer des conclusions métaphysiques assurées. On peut trouver des arguments en faveur d’une telle prudence non seulement dans l’inachèvement de la biologie, avec nombre de problèmes irrésolus quant au développement des organismes, mais aussi des données connues sur l’évolution.
  5. Effectivement de nombreuses espèces, préhominiennes et hominiennes, sont apparues au cours des deux derniers millions d’années. Ainsi, quatre espèces, proches ou au-dessus du niveau de la « haute intelligence », ont coexisté en Afrique de l’Est entre 2 et 1,5 millions d’années, Paranthropus boisei, Homo (ou Kenyanthropus) rudolfensis, Homo habilis et Homo erectus. Cette question qu’Aimé Michel posa à Jacques Monod se trouve dans la chronique n° 33, Un biologiste imprudent en physique (25.01.2010). Il y a tout lieu de penser qu’Aimé Michel lui écrivit une lettre qui resta sans réponse.
  6. Voir à ce propos l’accueil enthousiaste de Michel au livre de Paul Davies. n° 387, Le retour en force des grandes questions – Quand les physiciens relaient les philosophes (18.01.2016).
  7. La divergence entre biologistes et physiciens est bien résumée par le biophysicien Harold Morowitz : « Ce qui est arrivé est que les biologistes, qui postulaient jadis un rôle privilégié pour l’esprit humain dans la hiérarchie de la nature, se sont implacablement dirigés vers le matérialisme dur qui caractérisait la physique du XIXe siècle. En même temps, les physiciens, confrontés à des preuves expérimentales contraignantes, se sont éloignés des modèles strictement mécaniques de l’univers au profit d’une conception où l’esprit joue un rôle intégral dans tous les évènements physiques. Tout se passe comme si les deux disciplines étaient sur des trains à grande vitesse se déplaçant dans des directions opposées sans remarquer ce qui était en train de se passer sur la voie à côté. » (The Mind’s I, dirigé par D.R. Hofstadter et D.C. Dennett, Harvester/Basic Books, 1981, cité par Paul Davies, op. cit. p. 8). On aura du reste remarqué qu’Aimé Michel répond aux arguments biologiques de François Jacob par des arguments souvent tirés de la physique. Toutes les conditions d’un dialogue de sourds sont donc réunies puisque le biologiste ne se sent nullement tenu de discuter de faits situés en dehors de sa spécialité. F. Jacob les évoque toutefois lorsqu’il écrit « Dans notre univers, la matière est agencée selon une hiérarchie de structures par une série d’intégrations successives. Qu’ils soient inanimés ou vivants, les objets trouvés sur la terre forment toujours des organisations, des systèmes. (…) La combinaison de contraintes et d’histoire se retrouve à chaque niveau [atomes, molécules, cellules, espèces] mais en proportion différentes. Les objets les plus simples sont soumis aux contraintes plus qu’à l’histoire. Avec l’accroissement de complexité grandit l’influence de l’histoire. Mais il faut toujours faire une part à l’histoire, même en physique. Car l’univers lui-même et les éléments qui le composent ont une histoire. » (pp. 63-65). Il ne s’interroge pas sur l’origine de ces contraintes. Cependant, sans aucunement nier la justesse des faits rapportés par François Jacob, en particulier les apparents bricolages qu’il souligne, rien n’oblige à en tirer les vues métaphysiques qu’il dessine. Inversement, Aimé Michel, s’il a tort de ne pas reconnaître clairement les indéniables éléments aléatoires présents dans l’évolution cosmique et biologique, a raison de rappeler les éléments non moins indéniablement orientés de celle-ci. C’est là un point de controverse souvent aigre où chacun schématise à l’excès son point de vue. Au final, les données scientifiques alimentent le débat sans pouvoir le trancher.
  8. Sur le principe de Pauli d’exclusion des fermions, voir la chronique n° 252, « Cette étrange matière » − Le livre évènement du physicien Alfred Kastler, prix Nobel, 18.02.2013. Voir aussi la note 2 de la chronique n° 255, Les mouches − Ces théologiens sérieux qui repoussent l’idée d’une Personne divine, 11.02.2013 et la note 1 de la chronique n° 275, La science est-elle une théologie expérimentale ? − J’admire que si peu d’hommes aient la curiosité de considérer la nature comme une pensée, 20.05.2013.
  9. Sur la non localité, qui est une des propriétés les plus surprenantes de la physique quantique, voir par exemple les chroniques n° 285, La dernière serrure – Un monde en dehors de l’espace et du temps (20.01.2014) et n° 342, Au cœur de l’infini labyrinthe, une obscure clarté – Nouvelles réflexions sur les ondes et les particules, la relativité et les quanta (16.11.2015).
  10. Cette apparente citation en fait n’en est pas une car elle condense plusieurs passages de la Bible comme « Avant de te former dans le ventre (de ta mère), je t’ai connu, et avant que tu sois sorti de son sein, je t’ai consacré » (Jérémie, 1, 5), ou bien « Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient ; et sur ton livre étaient tous inscrits les jours qui m’étaient destinés, avant qu’aucun d’eux existât » (Psaume 139, 16), et bien sûr « Tu m’as aimé avant la création du monde » (Jean, 17, 24). Sur le projet cosmique voici ce qu’écrit Jean Fourastié en parfaite harmonie avec Aimé Michel : « Tout ce que nous savons de l’évolution cosmique nous la présente comme un projet en cours d’exécution. Le peu que nous savons d’elle et de nous-mêmes nous la présente immense et mystérieuse, mais d’un dessin ferme, aboutissant à des résultats forts différents des états initiaux ; engendrant, à partir d’atomes a priori identiques et inertes, des êtres variés, originaux, autonomes, capables de recevoir, de traiter et d’émettre de l’information, c’est-à-dire de l’énergie signifiante. Ce n’est pas une mince entreprise. La mesure même où l’homme peut en avoir l’intelligence, si partielle qu’elle soit, me confirme que ce projet est informé du même type d’information, mais d’un niveau et d’une ampleur sans mesure par rapport à l’informatique cérébrale. C’est pour cela que je crois que la nature est le projet d’un Dieu créateur. Je sais bien que les théologiens à la mode (bien plus que les athées d’aujourd’hui) déconsidèrent comme naïve et périmée cette “preuveˮ de l’existence de Dieu, qu’ils rattachent à Voltaire. Mais leurs “raisonsˮ ne m’ont pas convaincu. Il ne s’agit pas de preuve. Je ne prétends nullement prouver. Je ressens. » (Le long chemin des hommes, Laffont, Paris, 1976, p. 240). Ces lignes (et celles qui les suivent que je ne cite pas ici) expriment fort bien une position contraire à celle de Monod et Jacob. Il est certes remarquable que ni l’une ni l’autre de ces positions ne puissent être prouvées à l’heure actuelle, ni même dans un avenir prévisible. À chacun de juger laquelle est la plus satisfaisante pour l’esprit et la plus apte à soutenir la vie des hommes.
  11. Il s’agit d’une figure ajoutée à la chronique n° 350, Néandertal ou la fin d’un robuste gaillard – Sciences : le récit de la Genèse – 4 (30.05.2016).