Je suis en train de lire un essai vif et synthétique du Père Matthieu Rougé — L’Eglise n’a pas dit son dernier mot ; Petit traité d’antidéfaitisme catholique — qui, malgré une évidente volonté de viser large, s’adresse pour une bonne part aux catholiques pratiquants à qui il partage sa propre expérience. Celle-ci est hors du commun car le Père Rougé a été un proche du cardinal Lustiger et a été longtemps responsable du Service pastoral d’étude politique, l’aumônerie des parlementaires. D’où une réflexion approfondie sur les rapports de la foi avec la politique, sur la question de la laïcité si importante en ces temps de hollandisme..
Les références d’élection du Père Rougé sont toutes celles que l’on peut retrouver depuis de longues années dans France Catholique : Émile Poulat, Maurice Clavel, Henri de Lubac (ce dernier notamment pour disserter des méfaits du “ jansénisme » comme attitude psychologique sclérosante de toute notre société). Maritain est appelé à la rescousse… Ce livre ne fait pas l’impasse sur le cardinal Danielou quand il s’agit du rapport de la foi et de la culture. Péguy, de Gaulle, Bernanos, le Père Zanotti-Sorkine, notre ami Samuel Pruvot… On est vraiment en terrain connu…
Le Père Rougé nous parle aussi, avec son cœur de curé, de l’importance des belles liturgies, de la valeur des sacrements, avec une liberté de ton qui fait plaisir…
Bref, c’est livre intelligent et sans mièvrerie, dont j’espère que notre hebdomadaire aura l’occasion de rendre compte prochainement parce que, comme son sous-titre l’indique, c’est un manuel d’anti-défaitisme. Quelque chose de probablement assez utile donc si j’en crois ce que j’entends ici ou là…
Mais, pendant que je le lis et que je partage avec joie certaines raisons d’être optimiste sur l’avenir proche de l’Église dans notre pays — la vitalité de certaines communautés nouvelles, les JMJ, l’utilisation talentueuse de certains médias comme la radio et la télévision ou Internet… — je ne peux pas m’empêcher de songer à l’avenir pour le moins délicat de notre hebdomadaire. Comment se fait-il qu’un instrument de culture catholique qui correspond si exactement à ce que le Père Rougé appelle de ses vœux, en matière d’ouverture à la culture de son temps, de fidélité, d’intelligence des situations, soit si peu reconnu au sein de l’Église ? Bien sûr, nous avons matière à culpabiliser de n’être pas plus capables de faire rayonner cet outil dont nous avons pourtant l’intime conviction qu’il ne démérite pas, qu’il rend des services inappréciables. Mais tout de même, pas à la hauteur des enjeux, pas à la hauteur des efforts, voire des sacrifices consentis !
Le Père Rougé, sans en avoir trop l’air, donne quelques conseils aux chrétiens et même à ses confrères prêtres… À notre tour, nous voudrions en donner un. Ne pas être défaitiste ce n’est pas toujours se lancer à grands frais dans des projets nouveaux et séduisants parce que nouveaux. C’est aussi conserver ce qu’on a quand ça a fait ses preuves, quand ça marche finalement à peu de frais… Un hebdomadaire comme France Catholique subit certes l’impact du recul de la presse écrite, se trouve à une charnière de générations pour une bonne partie de son public si fidèle… Mais si on l’oublie trop, si on ne l’utilise pas mieux, alors, pour sa part, il dira un jour prochain son « dernier mot ». Cela ne sera évidemment pas la fin de l’Église, encore moins du christianisme. Mais c’est un échec qu’on pourrait s’éviter facilement, en se sentant un peu plus héritiers et un peu plus responsables de ce que d’autres on fait et maintenu.
Bref, comme c’est ici la rubrique « Promotion », je conclurai rituellement que pour ne pas gâcher le manuel d’optimisme du Père Rougé, il serait bon aussi de s’abonner à France Catholique…
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