Avertissement au lecteur : cet article avait été rédigé antérieurement à l’annonce de la renonciation de Benoît XVI, (d’où le post-scriptum) même s’il n’est traduit que maintenant.
Avec John L. Allen Jr, Francis X. Rocca, David Gibson, Robert Moynihan, Edward Pentin, et notre Robert Royal, peu d’Américains sont plus au courant des affaires vaticanes que George Weigel. En qualité de biographe officiel et d’écrivain prolifique d’articles et de livres, M. Weigel pourrait prétendre au poste de doyen des vaticanistes américains, quoique certains d’entre eux aient l’oreille plus proche du sol romain.
Aucun n’est aussi bien disposé à aller de l’avant pour présenter une prophétie Power Point de l’avenir de l’Eglise. Dans son nouveau livre, Catholicisme évangélique : la profonde réforme de l’Eglise du 21e siècle, Weigel écrit :
Partout dans le monde occidental… nous ne pouvons pas rester les bras croisés plus longtemps en postulant qu’une vie décente vécue en conformité avec les normes culturelles dominantes pourra d’aucune manière transmettre la foi à nos enfants et petits-enfants et inciter les autres à intégrer l’Eglise.
C’est une parmi de nombreuses affirmations audacieuses et vraies, trop hardie même peut-être. M. Weigel a sûrement raison de laisser entendre que le catholicisme pratiqué à la façon d’une activité de loisir est aussi dangereux qu’inepte. Mais s’avancer jusqu’à suggérer que les jours de ce catholicisme de self-service touchent à leur fin est peut-être aventureux :
Un catholicisme à plein-temps – un catholicisme qui, ainsi que l’a enseigné le concile Vatican II, irrigue toute la vie et appelle chaque membre de l’Eglise à la sainteté et à œuvrer à la mission – est le seul catholicisme possible au 21e siècle.
Je ne peux guère m’imaginer l’équipe du National Catholic Reporter faire le ménage dans ses bureaux ou les gens de Catholiques pro-choix mettre un terme à leur action. Et ce ne sont que les cas les plus extrêmes. Vous n’avez pas besoin d’institut de sondage pour découvrir à quel point s’est généralisé le désarroi des catholiques.Plus de douze ans après l’entrée dans le 21e siècle, l’horizon orageux reste hétérodoxe aussi loin que porte le regard.
Mais cela ne veut pas dire que M. Weigel rate le but, seulement que son zèle évangélique a quelque peu débordé. Et, de vrai, les lecteurs de cet article sont pour beaucoup des gens brûlant de la lumière du Christ. La question devient donc : comment la plus grande partie du monde profane peut-elle continuer à tolérer les catholiques réellement croyants ?
Il y a un point intéressant parmi les thèmes abordés dans Catholicisme évangélique. A savoir : si on peut devenir authentiquement catholique par absorption, pour dire les choses ainsi, alors la culture dominante (en France, en Italie, et dans certaines communautés catholiques américaines), la méta culture actuelle, est si toxique que les chrétiens sont forcés de rompre avec elle, car elle est devenue viscéralement antichrétienne.
Pour quelqu’un élevé comme moi dans un milieu protestant et ayant plusieurs amis qui ont récemment rejoint une obédience évangélique, George Weigel utilise une terminologie plus souvent entendue dans ces communautés. Des termes comme « notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ » ont une résonance inaccoutumée. Mais bien évidemment, ce sont de telles professions de foi qui sont le cœur de l’évangélisme, et puisque Jésus est notre Seigneur et également notre Sauveur, nous ferions mieux de le dire très simplement de cette manière. Un christianisme intellectualisé (je n’ai pas la place ici de développer) crée trop souvent une distance entre le Christ et nous.
Le livre de Weigel est en deux parties. Il y a une partie historique et évangélique (qui définit une nouvelle version du renouveau), qui est ce que j’ai abordé jusqu’à présent. Et il y a une deuxième partie beaucoup plus longue – annoncée par le sous-titre du livre – dévolue à un programme de réformes : de l’épiscopat, de la liturgie, de la vie consacrée, de la vocation laïque, de la vie intellectuelle, de la politique publique et même de la papauté. Un programme des plus audacieux.
Faits saillants concernant la politique et les papes : autrefois, le Vatican influait sur la politique des états et faisait des rois, maintenant l’Eglise doit être la référence en matière de morale sur les questions de vie.
D’accord, mais que fait-on des politiciens prétendument catholiques qui sont anti-vie ? Une véritable réforme en profondeur, non abordée par Weigel, nécessiterait de refuser la communion à certains dissidents, ou même de les excommunier.
Sur la papauté : le pape ne devrait pas être un gestionnaire mais un témoin du Christ.
Bien évidemment, mais les récents pélerinages du pape ont été mal organisés financièrement, ce qui a causé scandale et contestation.
Ecoutez, ce livre est polémique. C’est pure spéculation de ma part, mais c’est comme si M. Weigel disait à la hiérarchie : écoutez, ces choses doivent être dites, et si vous n’avez pas le bon sens ou le courage de les dire, je vais le faire, parce qu’il faut que quelqu’un le fasse.
Mais des questions demeurent : qui conduira ces réformes ? Nous avons eu, par la grâce de Dieu, deux papes extraordinaires en la personne de Jean-Paul II et Benoît XVI, dont Weigel compare la sagesse avec celle de Léon XIII. Mais qui est le prochain Wojtila, le prochain Ratzinger, le prochain Pecci ? Le programme dépendra sûrement de la personne.
La sorte de profonde réforme que George Weigel propose sera-t-elle réalisée par l’Eglise Américaine ou par le Vatican ? Avec Benoît XVI au gouvernail, son « herméneutique de continuité » pouvait être vue comme un frein sur la course en avant du grand vaisseau. Mais cela ne peut suffire. L’Eglise est un grand bateau et cela prend du temps pour infléchir sa route.
Siégeant comme je le fais au comité des oeuvres pontificales, je peux vous dire qu’on craint parfois que l’Eglise institutionnelle ne s’inquiète pas tant de freiner et de louvoyer que de pousser les machines à pleine vitesse.
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Post-scriptum : L’annonce de la renonciation de Benoît XVI rend immédiate la nécessité d’élire un nouveau pape qui soit tout à la fois un saint homme et un administrateur hors pair. Comme à chaque nouvelle élection, prions pour que les participants au conclave qui va s’ouvrir se laissent guider par l’Esprit-Saint.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/be-not-afraid–be-very-not-afraid.html