Les circonstances dans lesquelles nous célébrons Noël cette année sont-elles propices à se réjouir de la Bonne Nouvelle chantée par les anges ? On peut, certes, s’interroger sur le regard que portent sur l’Église nos contemporains abreuvés de mauvaises images. N’est-ce pas l’institution dans sa spécificité même qui se trouve plus que contestée, et pourrait paraître disqualifiée dans la poursuite de sa mission ? Mais, qu’on le veuille ou non, l’événement perce jusqu’aux plus profondes ténèbres. Il continue à briller depuis l’étable de Bethléem et c’est l’Église qui veille à transmettre, dans sa pure intégrité, la naissance du Sauveur, ne serait-ce qu’en veillant sur la vérité de la doctrine.
Le dogme et le poète
Je m’en suis rendu compte, il y a quelques jours, me trouvant dans l’obligation de répondre à des arguments opposés au dogme de l’Immaculée Conception. S’il manquait la forte armature dogmatique déployée dans la tradition chrétienne, l’authenticité de l’événement se perdrait dans le sable des sentimentalités à fleur de peau. En premier lieu, c’est la conception virginale de Jésus qui se trouve mise en cause. Attestée par les Évangiles de l’enfance, elle est au commencement absolu de la mission du Fils dans le monde.
Et de ce point de vue, il n’y a pas que le Magistère à défendre et à illustrer la Révélation. Ceux qui ont reçu la grâce de la foi sont amenés à faire briller aussi, selon leurs talents, la beauté indicible de ce qui s’est manifesté sur la terre de Palestine et dans le sein de la Vierge Marie. Parmi ceux-ci, Dante Alighieri, dont nous célébrions cette année le septième centenaire de la mort :
De ton fils, humble et moins créée
Qu’exhaussée, but de l’Éternel,
Tu as ennobli la nature
Humaine au point que son auteur
A voulu renaître par toi1. »
À Dante, j’associerais volontiers Paul Claudel, dont les réseaux sociaux ont repris ces jours-ci le superbe poème La Vierge à midi, interprété par Madeleine Renaud et dont il faut citer l’évocation de Marie immaculée, « la femme dans la Grâce enfin restituée » :
Et dans son épanouissement final,
Telle qu’elle est sortie de Dieu au matin
De sa splendeur originale. »
« Crie vers Marie »
Dans une période de grande difficulté pour l’Église, comme celle que nous vivons actuellement, il est sans doute précieux de rejoindre la prière que saint Bernard de Clairvaux, grand chantre de la mère du Sauveur, lui adressait tout spécialement : « Ô homme, qui que tu sois, qui dans cette marée du monde te sens emporté par la dérive parmi les orages et les tempêtes, ne quitte pas des yeux la lumière de cette étoile. Quand se déchaînent les rafales des tentations, quand tu vas droit sur les récifs de l’adversité, regarde l’étoile, crie vers Marie. (…) Qu’elle te tienne, plus de chute. Qu’elle te protège, plus de crainte. »
Bien sûr, l’événement de Noël c’est la naissance du Sauveur. Mais celle-ci n’est possible que par la maternité virginale qui, à l’étonnement de la nature, fait surgir le Verbe fait chair. Que sont nos misères, nos imperfections et nos péchés face à la gloire révélée dans le chant des anges ? L’Église, pécheresse en ses membres, mais sainte en sa constitution divine, répondra toujours à sa mission d’annoncer qu’un Sauveur nous est né, un Fils nous est donné et qu’éternelle est sa puissance.