Mourir, sans raison, au Massachusetts - France Catholique
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Mourir, sans raison, au Massachusetts

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Début Juin, j’étais de retour dans le Massachusetts, notre État d’adoption, pour donner une conférence sur l’Obamacare et les recours en inconstitutionnalité qu’il suscite, pour nos amis pro-vie du « Massachusetts Citizens for Life ». Nos amis ici, comme ailleurs, attendent d’un jour à l’autre la décision de la Cour suprême.

Mais en attendant, les Pro-vie du Massachusetts ont un problème impérieux et urgent : un référendum sur une proposition législative connue sous le nom de « Death with Dignity Act », qui doit être soumise au scrutin à l’automne.

La société des médecins du Massachusetts a voté à 75% contre un projet de loi qui permettrait aux médecins de prescrire des médicaments, non pour soigner, mais pour mettre fin à la vie de leurs patients. Et cependant, les sondages montrent un public enclin à accepter cette nouvelle mesure à 65%.

Ce résultat peut être en partie attribué à l’intitulé du sondage : L’expression « Mort dans la dignité » attire davantage les suffrages que « Suicide médicalement assisté ». McCarthy Demers, médecin et avocat à Memphis, avait proposé une image pour illustrer la mort dans la dignité : celle de Fred Astaire, en queue de pie, tué d’une balle au beau milieu d’une pirouette.

Pour s’adapter à la mode, le projet de loi se présente sous de nouveaux atours, mais à la base c’est toujours la même vieille idée, attisée par les mêmes passions qui continuent à vouloir nous imposer l’avortement à la demande, ainsi qu’un type de recherche qui nécessite la destruction d’embryons humains.

Ce projet de loi arrive à une époque où les âmes ont été largement préparées à l’accueillir. Les Kennedy ont été les premiers à pervertir le sens moral de nombreux électeurs en enseignant ouvertement que l’on pouvait être en désaccord avec l’enseignement moral de l’Église tout en restant un bon catholique. Le Massachusetts accueille par ailleurs de nombreuses universités, qui sont autant d’enclaves académiques où ce type de crédulité morale est entretenu.

La loi « Death with Dignity » propose une douce délivrance à ces patients « souffrant d’une maladie en phase terminale qui causera la mort dans les six mois. » Il est cependant établi que nous avons eu au fil des ans suffisamment de preuves de la non fiabilité de tels pronostics.

Il y a eu le cas célèbre de Carrie Coons en 1989 dans l’état de New York. Tout le monde s’accordait à dire qu’elle était dans un « état ​​végétatif », sans espoir de guérison. A en croire le récit de Nat Hentoff, la compagne de chambre de Carrie Coons s’est approchée de son lit, et lui a dit que ses parents étaient sur ​​le point de la tuer. A l’instant même Carrie s’est assise, bien éveillée et un peu affamée.

La phrase de Henny Youngman revient souvent : « Un docteur déclara à un homme qu’il ne vivrait pas plus de six mois. Cet homme ne pouvait pas payer sa facture – le docteur lui octroya six mois de plus. »

Et pourtant, par-delà les points faibles habituels, on doit admettre que le projet de loi du Massachusetts est remarquablement astucieux. Car, dans ses détails, il semble conçu pour répondre à certaines des objections les plus graves formulées dans le passé.

Pendant longtemps, on s’est inquiété du fait que des malades désiraient en finir avec la vie parce qu’ils étaient déprimés. Mais la proposition de loi stipule que, dans le cadre du conseil médical, il doit être établi que le patient « ne souffre pas d’un désordre psychique ou psychologique ou d’une dépression altérant son jugement. »

On insiste sur le jugement volontaire du malade, ce qui n’est pas le cas si le malade ne sait pas quels médicaments lui ont été prescrits, ou s’il est troublé par une dépression. Le docteur n’est pas autorisé à faire des injections létales ; son rôle doit se limiter à prescrire des médicaments que le client prendra lui-même.

Dans ce qui paraît être un effort pour éviter le problème de Terry Schiavo 1, la proposition de loi exige que des témoins soient présents au moment de la décision du patient, avec outre la présence d’un parent, celle d’un second témoin qui ne doit pas être un héritier du patient. Le témoin ne doit pas être non plus le directeur du « centre de soins » où le patient se trouve. Dans le même temps, le malade doit être informé des « alternatives possibles y compris, mais sans s’y limiter, les tranquillisants, les soins palliatifs, et les analgésiques ».

Pourtant, derrière la grande richesse de détails de ces dispositions, se trouve une logique qui peut remettre en question la raison même de cette proposition. Ceux qui poussent à voter pour cette proposition nous disent que les gens tiquent sur des arguments qui sont ceux de l’Eglise et du « droit à la vie ». Cependant, les dispositions de ce projet n’ont pas de sens sans l’hypothèse, fondée sur la loi naturelle, que la vie est un bien – un bien qu’on ne devrait pas arrêter pour des raisons futiles ou par désinvolture.

Puisque c’est un bien moral, il faudrait une justification morale pour détruire cette vie. La proposition de loi nous indique que la vie ne doit pas être terminée par ignorance ou parce que les gens sont profondément malheureux et déprimés. Elle ne doit pas non plus être terminée à cause d’une souffrance, puisque l’on sait apaiser la souffrance, et fournir des tranquillisants.

Mais alors, en fin de compte, quelles sont donc les raisons qui justifieraient la décision de détruire une vie humaine ? La proposition de loi déclare que son but est de procurer une mort « humaine », mais elle ne parle pas de ce qui définit le mieux un humain, et la vie humaine : la capacité à réfléchir sur la question du bien et du mal.

Le projet de loi nous présente un être humain, animé de volonté, revendiquant une sinistre autorisation, mais apparemment pas un être capable de rendre compte de la manière dont il a vécu sa vie, ni des raisons qui pourraient justifier que quiconque puisse y mettre fin.


Hadley Arkes est professeur de Jurisprudence, titulaire de la chaire Ney, à l’université d’Amherst et directeur du Claremont Center for the Jurisprudence of Natural Law à Washington. D.C. Son livre le plus récent s’appelle Constitutional Illusions & Anchoring Truths : The Touchstone of the Natural Law.

  1. Terry Schiavo avait été diagnostiquée comme étant dans un état végétatif persistant. Son mari voulait mettre fin aux soins qui la maintenaient en vie, ses parents refusaient. Le cas a duré de 1998 à 2005. Après de nombreux appels, procès et pétitions, le cathéter qui la nourrissait a été débranché et elle est morte 13 jours plus tard.