Mortel féminin - France Catholique
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La justice de Dieu
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Mortel féminin

La préférence pour les garçons qui mine, en Orient, l’équilibre démographique, apparaît en Occident où les techniques de procréation artificielle permettent de choisir le sexe de son enfant.
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En matière d’équilibre entre les sexes, la nature a bien fait les choses : il naît 105 garçons pour 100 filles, mais cette différence s’atténue avec l’âge. Le sexe dit faible est plus résistant que celui qui aime montrer sa force. Ce subtil équilibre est aujourd’hui menacé.

Les démographes savent qu’il y a déjà un déficit de 163 millions de femmes en Asie. Le phénomène touche particulièrement l’Inde et la Chine, les deux pays les plus peuplés du globe. Là-bas, c’est une forme d’eugénisme qui frappe les filles, dans la logique de l’infanticide néonatal de la Chine impériale… La fille coûte ; il faudra la doter et elle ira servir… ses beaux-parents ! Les techniques modernes de détection anténatale du sexe associées à celles de l’avor­tement précoce ont donné à la funeste tradition une ampleur effrayante. La pyramide des âges des zones concernées est déjà mutilée… Et les sociologues notent que la rareté des femmes pèse sur la condition de celles qui ont échappé au génocide sexiste : violences sexuelles, prostitution, polyandrie… Quant aux hommes, ils peinent à se marier. Ce drame asiatique a des répercussions en Occident dans les pays où les communautés issues du grand continent sont nombreuses.

Mais voilà que de l’Occident lui-même naît une nouvelle pratique dénommée « sexing ». 65 cliniques à travers le monde, dont de plus en plus aux États-Unis et en Europe, proposent, en toute légalité, ce qui demeure interdit en France : faire naître à coup sûr un bébé du sexe désiré, grâce à la fécondation artificielle associée au tri des gamètes ou des embryons.
Mobile avancé : choisir le sexe de son enfant serait une liberté fondamentale. On parle de s’assurer une descendance « variée » et « équilibrée ». La baisse de la fécondité accentue la demande : dans les pays où les familles ne dépassent pas les deux enfants, seul le fameux choix du roi (un garçon, une fille) assure la diversité. Le professeur Israël Nisand recevrait des demandes quotidiennes de procréation médicalement assistée dictées par la volonté d’équilibrer la fratrie.

Si chacun peut reconnaître que des parents peuvent légitimement désirer un garçon plutôt qu’une fille (ou l’inverse), les avis sont partagés sur la légitimité de transformer ce désir en droit. Certains reconnaissent que promouvoir l’enfant à la carte, c’est en faire un objet. Mais pour beaucoup d’autres, à partir du moment où la procréatique rend les choses possibles pour les situations d’infertilité, elle doit aussi répondre à la souffrance des couples qui manquent d’un garçon ou d’une fille.

L’évaluation éthique des pratiques peut aussi différer selon qu’on trie les spermatozoïdes (ce sont eux qui déterminent le sexe), ou les embryons (ce qui revient à éliminer à ce stade les frères ou sœurs de celui qu’on veut faire naître). Le docteur Nisand n’exprime ainsi « aucune opposition éthique » à la première technique. Seule l’autre est « eugénique » à ses yeux parce qu’elle implique « la manipulation des embryons pour convenances personnelles ». L’obstétricien soutient en revanche le tri embryonnaire effectué dans le cadre du Diagnostic préimplantatoire. Les embryons porteurs d’une grave maladie y sont écartés, parfois sur le critère du sexe, en raison du mode de transmission de l’anomalie. Le genre, en tant que tel, ne saurait être considéré comme un handicap.
Outre son caractère artificiel voire meurtrier, le « sexing » occidental est pourtant largement sexiste : les médecins des cliniques concernées avouent que ce sont des garçons que les couples veulent le plus souvent. Payer 7 000 € pour éviter la fille, c’est déjà donner une idée du machisme culturel sous-jacent. Peut-on parler de choix libres ? Comme en matière d’élimination anténatale des êtres humains handicapés, on sait les décisions individuelles conditionnées par la culture. Et leur accumulation menacerait l’équilibre démographique. Le problème est donc politique. D’autant que les techniques de détection du sexe deviennent de plus en plus fiables, bon marché, inoffensives (pour la femme enceinte) et surtout précoces.

L’IVG est en passe d’être possible pour ce mobile, sans que les femmes aient à l’invoquer. Car les pratiques asiatiques qui font frémir nos féministes pénètrent les mentalités : 18 % des 600 lectrices qu’avait interrogées le magasine Elle en 2007 s’étaient dites prêtes, si un enfant n’avait pas le sexe désiré, à avorter.

Faut-il attendre le chaos démographique pour reconnaître, dans la procréation naturelle, la base de l’écologie humaine ?