Il allait atteindre le siècle puisque né le 19 octobre 1917 ! Son départ vers le Ciel, ce 10 septembre, nous fait mesurer la somme extraordinaire du travail qu’il aura accumulée en tant d’années. Une œuvre entièrement consacrée à la théologie, c’est-à-dire à la réflexion sur le mystère de Dieu, tel qu’il s’est révélé à nous. On se souviendra, bien sûr, de ce grand serviteur de la Vierge Marie qu’il aura été, mais Marie était la porte du Ciel, Janua Coeli, celle qui conduisait le plus sûrement à la connaissance et à l’amour de Dieu. Le théologien nous aura rendu un immense service en se faisant l’éclaireur du peuple des pauvres, celui des pèlerinages populaires, celui, justement, qui ne pouvait atteindre la science des savants, mais n’en recherchait pas moins le trésor de la foi : « Je te loue, Père, Seigneur du Ciel et de la Terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi » (Lc, 10,21).
L’abbé René Laurentin avait été pressenti par Mgr Théas, évêque de Lourdes, aussitôt après la guerre, pour devenir l’historien des apparitions de la grotte de Massabielle. Il s’attela à cette tâche, à partir de toutes les sources disponibles. Six volumes de récits en résultèrent, accompagnés de sept autres tomes de documents établis avec Dom Bernard Billet, moine bénédictin. Mgr Théas pourra se féliciter de cette œuvre de vérité : « Vraiment, après vous avoir lu, on découvre mieux la solidité et le sérieux du pèlerinage. Vous révélez le mystère de Lourdes et sa place dans la vie de l’Église. » On ne s’étonne pas ainsi que ce soit le père André Cabes, recteur des sanctuaires, qui ait, le premier, rendu hommage à l’historien et au théologien de Lourdes. Mais l’annonce de la mort de René Laurentin, en faisant le tour du monde, a dû éveiller la gratitude d’une multitude de responsables de pèlerinages, car rien de ce qui touchait aux apparitions mariales dans tous les continents ne lui était étranger. Lorsqu’il résidait, il y a peu de temps encore, dans sa maison d’Évry, chez les sœurs de Notre-Dame de Sion, son fax ne cessait de crépiter avec la réception de documents qui venaient du monde entier et réclamaient son expertise.
Cette expertise était fondée sur sa connaissance particulière des révélations de la Vierge, elle était aussi enracinée dans une rumination approfondie de la Bible. Car il était un exégète très averti, d’autant qu’il était en décalage avec une critique biblique déconnectée du mystère. Il était, en même temps, un dogmaticien attaché à tout relier à la Révélation trinitaire. Personnellement, je puis dire que j’étais devenu son ami, comme collègue du journaliste qu’il avait été, pendant et au-delà du concile, au Figaro. Ce fut une grâce de l’avoir eu si longtemps parmi nous, avec ses dons multiples, par exemple d’extraordinaire enquêteur de terrain, toujours bon serviteur de l’Église. Aussi est-ce un Magnificat qui s’énonce sur nos lèvres, à l’encontre de la pensée qu’il nous ait quittés.