Malgré, deux mois plus tôt, les fastes de Westminster et de Buckingham pour William et Kate et les derniers rebondissements de l’affaire Strauss-Kahn, Albert et Charlene ont retenu l’attention pour leur mariage, célébré selon la tradition en deux temps : civil le 1er juillet et religieux le 2, en présence de davantage de têtes couronnées et de chefs d’État que pour le duc et la duchesse de Cambridge. Les rumeurs se sont du coup envolées et on a laissé de côté les sujets qui auraient pu fâcher, notamment dans l’histoire personnelle des Grimaldi ; ceux-ci se sont en effet maintenus au pouvoir au XXe siècle grâce à la légitimation de la grand-mère du prince, fille naturelle de Louis II, et l’adoption de son grand-père, un Polignac, sans oublier les amours multiples des princesses Stéphanie et Caroline, dont le troisième mari, le prince de Hanovre, épousé civilement, n’était pas présent au mariage d’Albert.
En fait, malgré des périodes de tensions — sous la Révolution, avec le général de Gaulle et même plus récemment lorsqu’ont été stigmatisés les paradis fiscaux —, la France et Monaco entretiennent des relations séculaires de bon voisinage et même d’amitié — ce qui explique que plus de 7 millions de téléspectateurs de l’hexagone aient suivi la cérémonie religieuse. On peut ici rappeler que c’est l’arrière-grand-père du prince actuel, Albert Ier, qui transmit à Jean Jaurès une lettre du pape Pie X, publiée dans L’Humanité, qui permit au chef du gouvernement français Émile Combes de rompre les relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Mais il faut aussi savoir que l’État monégasque qu’on connaît aujourd’hui ne s’est mis en place qu’au milieu du XIXe siècle, avec une perte de près des 9/10es de son territoire au profit de la France. À l’occasion de la cession de la Savoie et de Nice, Napoléon III réussissait alors à annexer Menton et Roquebrune, opération avalisée il y a juste 150 ans, le 2 février 1861.
Pourtant, le prince du moment, Charles III, sut acquérir une véritable stature de chef d’État, traitant avec les autres nations et ouvrant une nouvelle ère économique. Conseillé par sa mère, l’énergique princesse Caroline, il favorisa l’implantation d’un cercle de jeux destiné aux riches étrangers qui découvraient la Côte d’Azur ; Monte Carlo, créé le 1er juin 1866 en hommage au prince à partir du quartier des Spélugues, devint un lieu privilégié. Dix ans auparavant, avait été instituée la Société des Bains de Mer, qui, en échange du monopole des jeux, prenait en charge certains services d’intérêt général.
Voilà comment, passant de 24 à 2 km2 et de 7 500 à 1 500 habitants, la principauté s’est néanmoins transformée en un État moderne et reconnu sur le plan diplomatique, mue complétée par la Constitution de 1962, son entrée à l’Onu en 1993 et au Conseil de l’Europe en 2004 et la possibilité, depuis 2005, d’ouvrir et accueillir des ambassades.