Vous appartenez à l’Ordre antonin maronite et vous êtes le curé de paroisse maronite de Lyon. Quelle est la mission de votre ordre ?
La principale mission de l’Ordre antonin maronite est le dialogue interreligieux, notamment avec l’islam et les Druzes. Notre tout premier monastère de Mar Chaaya a été construit avec le soutien des émirs druzes sur les contreforts du Mont Liban. Beaucoup de conversions sont nées du fait de l’influence du monastère. Les moines maronites accompagnaient les villages chrétiens et faisaient le catéchisme aux enfants. Depuis toujours, ils ont la charge des écoles, des hôpitaux, des universités. Ces institutions sont liées à la vie communautaire du monastère, et comprennent des paroisses, et l’accompagnement des communautés de sœurs.
Quelles sont les origines de votre ordre ?
Si l’on remonte aux origines de l’Église maronite, le monachisme y était en majorité érémitique : il n’y avait pas d’ordre à proprement parler. L’ordre antonin maronite a été fondé le 15 août 1700 : il est un des fruits de la réforme du monachisme maronite initiée au XVIIe siècle par le patriarche Gabriel Blouzani. L’ordre a été rattaché à Rome, et ses règles le rapprochent des ordres religieux occidentaux. Depuis cette fondation, les moines antonins maronites fondent dans tout le Liban des monastères, s’installent, travaillent et prient. Et durant toutes les guerres, nous avons joué un rôle très important pour maintenir et fortifier la communauté dans sa foi, résister contre les violences et les persécutions 1.
Dans quelles circonstances l’ordre antonin maronite s’installe-t-il en France ?
Notre venue en France doit beaucoup au cardinal Albert Decourtray qui l’avait encouragée et soutenue depuis 1987. En 1992, l’Ordre antonin maronite emménageait dans les murs du monastère Saint-Antoine à Chaponost, dans la banlieue lyonnaise. La communauté d’une vingtaine de frères était constituée d’étudiants poursuivant leur formation à Lyon et de prêtres résidents pour les accompagner. Le Conseil général de l’Ordre a décidé de regrouper tous les étudiants à Rome dans le Collège antonin maronite, et le monastère a fermé en 201n 3.
Quelles ont été vos missions successives à Lyon ?
J’ai vécu dans la communauté de Chaponost lorsque je suis venu faire mes études à l’Institut catholique de Lyon. Je suis ensuite parti à Rome pour préparer une maîtrise et une thèse en spiritualité au Teresianum, l’université des Carmes. Je suis revenu en France pour devenir l’économe du monastère de Chaponost et le curé de la paroisse maronite de Lyon. Devenu supérieur de la communauté en 2013, j’ai accompagné jusqu’en 2015 la dernière promotion qui achevait ses études à Lyon. Je me consacre à présent à la paroisse marn onite.
Comment s’est formée la paroisse maronite de Lyon ?
À cause de la guerre du Liban dans les années 75 et 90, beaucoup de maronites ont émigré. Succédant à plusieurs prêtres séculier, l’ordre antonin maronite a envoyé des prêtres et fondé des missions là où la communauté maronite avait des besoins : au Canada, en Australie, en Belgique. En France, le cardinal Decourtray avait beaucoup aidé la communauté libanaise qui fuyait alors son pays en guerre, en veillant à ce qu’elle soit bien installée. Plusieurs familles sont ainsi venues à Lyon, jusqu’à former une paroisse créée en 2003.
Comment se manifeste la vie paroissiale maronite à Lyon ?
La paroisse maronite lyonnaise compte environ 350 familles, très fidèles aux offices même si tous les mariages sont célébrés au Liban, ainsi que beaucoup de baptêmes. Nous proposons le catéchisme en français à 60 enfants.
J’accompagne l’équipe de catéchistes. Nos offices liturgiques sont en arabe et en français. Nous sommes très attachés à instaurer un dialogue entre la tradition et la modernité. Pendant les offices, nous projetons sur un écran un sur-titrage en français des textes en arabe et en araméen pour ceux et celles qui sont nés ici de langue française. Et nous avons de très bonnes relations avec l’archevêque de Lyon et les prêtres des paroisses latines alentours.
Vous qui avez une vocation à la vie en communauté, comment vivez-vous votre solitude actuelle ?
Il est vrai que je suis seul pour dire les offices, mais la paroisse est très présente dans mon quotidien. Je redécouvre aussi les racines de l’érémitisme maronite des origines au cœur de la ville : c’est pour moi une nouvelle expérience.
Êtes-vous confronté aux musulmans lyonnais ? Comment jouent votre héritage et votre expérience dans le dialogue inter-religieux ?
Le diocèse de Lyon a instauré un dialogue avec les Musulmans. Les maronites, par leur connaissance des traditions orientales et de l’arabe, peuvent contribuer à ce dialogue, et construire ainsi une rencontre fraternelle entre des cultures différentes. Comme au Liban, la fête mariale de l’Annonciation le 25 mars est célébrée conjointement par les Musulmans et les Chrétiens. Le diocèse de Lyon me demande aussi parfois d’accompagner des personnes arabophones qui ont commencé un chemin de conversion. Le plus important pour moi est de garder le témoignage et l’héritage de l’ordre antonin maronite et de suivre aussi les changements d’Église.
Nous retrouvons ici le sujet de votre thèse qui porte sur la prise en compte de Vatican II chez les maronites, et en particulier dans votre Ordre.
Oui, tout à fait. Vatican II n’est pas réservé à l’Église latine et à sa culture occidentale : il a donné au christianisme une ouverture au monde, il a rénové la vie religieuse, et permis d’ailleurs la réforme de nos statuts. Nous avons accompagné le mouvement de renouveau initié par le concile dans les paroisses et dans l’Église maronite, notamment en introduisant l’arabe comme langue liturgique. Le syriaque est réservé au « trisagion » et aux paroles de la consécration. Et tout en portant pleinement ce renouveau, nous avons conservé la pratique du syriaque dans tous nos offices. C’est pour moi le plus important dans ma mission : garder l’esprit antonin maronite, et vivre dans l’Église d’aujourd’hui.
- Parallèlement au génocide des Arméniens et des Chaldéens en 1915, les Ottomans persécutent les Maronites. Fuyant les exactions, ils sont nombreux à se réfugier au Mont Liban. A partir de 1917, ils endurent un blocus alimentaire. Les survivants sont libérés en 1918 par les Anglais. On compte alors environ 200 000 Maronites morts de faim.
Pour aller plus loin :
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Les maronites de France s'enracinent
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- 8-9-10 mai, deux jours Lyon-Centre pour les jeunes
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies