Il y a quelques années à l’université catholique Saint Eustaby, dans le cadre d’une manifestation “Save the Night (Sauvez la nuit)”, une rédactrice en chef du journal de l’école a écrit qu’elle devrait pouvoir « marcher dans la rue Eaton ne portant rien que des tongs et un sourire, » et n’avoir pas à s’inquiéter d’être agressée.
Elle avait raison, d’une manière évidente et banale. Il est illégal d’attaquer les gens. Si un gars ivre courait vers elle et l’attrapait, quelqu’un d’autre devrait l’obliger à partir et si ce quelqu’un était un agent de police, il devrait l’emmener au commissariat. Naturellement, il devrait aussi arrêter la jeune femme pour outrage public à la pudeur.
C’est l’attitude derrière l’effronterie de la jeune femme qui me fait réfléchir. Je me souviens d’un incident survenu un été où j’aidais dans une maison de Catholic Workers (d’ouvriers catholiques) à Washington. Je peignais une des salles quand la sonnette a retenti. C’était l’été étouffant habituel de ce gouffre de brouillard, chaleur, et corruption, alors j’étais torse nu quand j’ai ouvert la porte.
C’était une femme hispanique, âgée d’environ cinquante ans qui avait des questions à poser, alors je suis allé chercher John, mon boss. Il est venu à la porte et ils ont commencé à parler tandis que je restais là. Il n’était question que de certaines informations ordinaires, rien de privé.
« Excusez-moi, » a-t-elle dit, s’interrompant au milieu d’une phrase en me regardant. Je me suis excusé et suis retourné peindre. Plus tard, John m’a expliqué : « Cette femme est traditionnelle, » a-t-il dit, « et tu ne portais pas de chemise .» J’ai compris. Je n’ai pas pensé qu’elle était prude ou mal élevée.
Je suis sûr que si nous étions tous en train de travailler dans les champs à creuser des sillons, elle n’aurait pas été choquée de voir des hommes torse nu. Elle ne se serait pas attendue à ce que je porte une chemise à la plage. Le contexte a une grande importance.
Elle ne pensait pas que c’était mal que je peigne la salle torse nu. Elle ne trouvait pas mauvais que je reste là pour le cas où j’aurais une suggestion à faire. Elle pensait que c’était mal que je ne remette pas ma chemise quand je ne peignais pas la salle.
Elle avait raison et je n’ai jamais oublié la leçon. Nous sommes des êtres sociaux, et la manière dont nous nous habillons aide à nous mettre en rapport avec les autres, ou à mentir, crier, frustrer les autres et les empêcher de se mettre en rapport avec nous.
En partie, le langage vestimentaire est conventionnel, comme tout langage , et en partie il n’est pas conventionnel mais basé sur la nature du corps et les conditions matérielles du monde qui nous entoure. Si je suis à Paris et que je dis cette phrase légendaire du manuel d’introduction en français, La plume de ma tante est sur la table, quelqu’un répondra, Mais bien sûr, et la journée continuera dans la paix et le soleil. Pourtant ce rassemblement de sons ne veut rien dire à Peoria.
Mais si je suis à Paris et que je passe près d’un jeune enfant qui joue sur le trottoir, et que je lui jette un regard et lui souris ainsi qu’à sa mère, j’ai communiqué le même plaisir et la même approbation que j’aurais obtenus à Peoria ou Poona ou Papeete. Le geste est universel.
Ce qui compte comme vêtement impudique varie d’un peuple à l’autre, selon le climat ou l’activité, mais toutes les sociétés tracent des limites quelque part. Comme de nos jours on ne peut pas parler de pudeur sexuelle sans que les prudes du vice ne s’évanouissent, de peur que les « théocrates » ne les emportent dans un château lointain, pour les terrifier avec des cadeaux, de la poésie, et des galanteries, changeons l’arène morale.
Considérez les cris ou les combats. Ce sont des actes d’agression non seulement contre l’adversaire mais contre ceux qui sont à proximité. De nouveau, nous jugeons d’après le contexte et les conventions, mais pas seulement. Crier à un match est généralement permis, mais pas crier des obscénités ou des menaces contre un joueur ou un entraîneur ou un arbitre.
Crier à un tournoi de tennis avant le service n’est pas permis, et on vous fera sortir si vous le faites. Crier à une grande fête en plein air est permis. Crier à l’intérieur ? Agressif, grossier, peu charitable.
Se battre est permis entre garçons dans la cour de récréation, s’ils respectent les règles. Se battre à l’intérieur n’est pas bien. Les garçons doivent contrôler leur besoin d’agresser, même si c’est une agression joyeuse envers les filles. Cela comprend les paroles grossières. Faire autrement revient à dire : « Je suis en charge ici, je fais ce que je veux, et vous pouvez aller au diable. »
Alors, c’est la même chose pour un vêtement impudique. Une femme qui s’habille pour montrer sa forme d’une façon provocante dit ou bien : « Je veux que vous ne regardiez pas mon visage mais des choses plus importantes plus bas.» Ou « Allez au diable. »
Soyons clairs. Si je vois une femme dont la robe ressemble à une bande de plastique, destinée à être utilisée une fois et à être enlevée, des pensées de sexe viennent immédiatement à l’esprit, ce qui est l’intention de la femme à moins qu’elle ne soit idiote. Alors je me reprends et me détourne. Je ne veux pas penser à ces choses-là.
On ne peut pas dire : « N’y pense pas. » Chaque force humaine trahit aussi une faiblesse. La sensibilité d’une femme aux émotions – sensibilité sans laquelle la race humaine n’aurait jamais pu survivre – apporte aussi la tentation de choisir exactement le mot qui fait le plus mal.
L’inclination de l’homme à la rudesse contre la résistance opiniâtre du monde naturel – rudesse sans laquelle la race humaine n’aurait jamais pu survivre – apporte aussi la tentation de la violence.
Nous devons vivre les uns avec les autres tels que nous sommes. La charité, la patience, l’admission honnête de sa susceptibilité au péché et la considération pour la susceptibilité des autres, en particulier pour les membres du sexe opposé, dont les sentiments sont parfois très différents des nôtres, devraient régir nos choix vestimentaires, verbaux et physiques.
Ne posez pas de piège dans le chemin de votre voisin.
Le 15 janvier 2018
https://www.thecatholicthing.org/2018/01/15/modesty-and-charity/
Image : Le Président Calvin Coolidge, le pitcher ( lanceur) de l’équipe de baseball Sénateurs Walter Johnson et des hommes et des femmes bien habillés, le 18 juin 1925 [Stade Griffith, Washington, D.C.]