Modéré à l’extérieur, radical à l’intérieur (toujours à propos du Synode sur la famille) - France Catholique
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La justice de Dieu
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Modéré à l’extérieur, radical à l’intérieur (toujours à propos du Synode sur la famille)

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Cette semaine a été source de nervosité pour l’ensemble de l’Eglise. La publication du rapport (relatio) intérimaire lundi dernier a suscité des frissons d’angoisse, car il laissait présager des changements sur le caractère indissoluble du mariage et peut-être même une acceptation de l’homosexualité dépassant le soin que l’Eglise a pour nous tous pécheurs dans nos différentes défaillances.

Mais les réactions ont été rapides, précises, sévères et, d’une manière inquiétante, publiques et franches. Le cardinal australien Pell a déclaré, en manière soit de riposte, soit de provocation : « nous ne cédons pas aux exigences du siècle… Nous ne nous effondrons pas complètement ». Le cardinal Wilfred Fox Napier d’Afrique du Sud a répondu immédiatement que les notes consignées dans la relatio ne faisaient pas autorité ; elles ne reprenaient que les points de vue d’un certain cercle d’évêques.

Et pourtant, comme il le reconnaissait, elles avaient certainement eu leur impact. Elles annonçaient au monde que les enseignements irrévocables depuis longtemps de l’Eglise pouvaient à présent être révoqués. Dans un article comminatoire paru au milieu de la semaine, le professeur Robert George de Princeton explique clairement le contenu actuel et inchangé depuis des siècles des enseignements de l’Eglise sur le mariage et la sexualité, contenu qui demeurera identique, même après le rapport final du synode dans un an.

Et pourtant, comme le cardinal Napier l’a vu instantanément, la décision de laisser circuler ces nouveaux avant-projets était en elle-même une démarche novatrice. La relatio définitive représente un recul important par rapport à ces premières prises de positions sur le mariage et la sexualité.

Mais, dans un souci de « transparence », le pape François a annoncé qu’il préférait que le Synode publie les rapports des cercles linguistiques et les paragraphes proposés et rejetés par les évêques. (Les projets les plus audacieux et radicaux n’ont pu réunir la majorité des deux tiers des votes des évêques). La question qui subsiste encore est celle de savoir pourquoi le Saint Père a pu juger salutaire ou utile d’inclure ces projets antérieurs qui ont été rejetés.

Mais le nouvel ordre des choses n’est-il pas déjà évident dans ces rapports publiés dans les médias ? Si le décompte des suffrages est déjà livré en pâture au public, dans combien de temps verrons-nous cette sérieuse activité de l’Eglise relatée comme le déroulement en temps réel d’un match ? Et la vie de l’Eglise assimilée à une bagarre politique dont le résultat dépendra de la répartition des voix, le dépôt de la foi (depositum fidei) étant subtilement relégué au second plan comme un élément du décor.

Cette impression n’a pas été atténuée ; au contraire, elle a été confirmée d’une manière très explicite dans un entretien accordé par le cardinal Raymond Burke. « Le pape n’a jamais exposé clairement sa position sur la question », a dit Burke. Et cette réticence elle-même, dans la conjoncture actuelle, peut être révélatrice et inquiétante. Le cardinal poursuit :

« Les gens se perdent dans ces conjectures parce qu’il a demandé au cardinal Kasper – dont on connaissait les vues depuis de très nombreuses années – de parler aux cardinaux… et de répandre un peu partout sa position sur le sujet, et même récemment de soutenir publiquement qu’il parlait au nom du pape, ce qui n’a pas été démenti… Je ne peux pas parler pour le pape et je ne peux pas définir sa position sur le sujet, mais le manque de clarté à cet égard a certainement fait beaucoup de dégâts. »

La rumeur a couru pendant un certain temps que le cardinal Burke serait destitué de son poste au Vatican de principal spécialiste du droit canon, chef du Tribunal suprême de la signature apostolique. Le cardinal vient de confirmer son transfert (simple mutation ou destitution) à un poste bien moins prestigieux, celui de patron de l’ordre militaire souverain de Malte.

Il est évident, comme des lecteurs ont été prompts à le signaler, que ces évolutions peuvent résulter de subtiles différences de style personnel, et ne pas indiquer un tournant significatif dans l’enseignement de l’Eglise. Mais quand nous observons des conflits de points de vue aussi frappants sur des questions d’importance, ce serait rabaisser les hommes qui dirigent ces affaires que de supposer que ces retournements résultent de raisons purement personnelles ou superficielles et nullement de sujets tirant à conséquence.

Dans son discours de clôture du Synode, le pape François a parlé d’une voix pleine d’assurance. Les conversations et les arguments avaient été exposés avec une grande sincérité, et pourtant « sans jamais mettre en discussion les vérités fondamentales du sacrement de mariage : l’indissolubilité, l’unité, la fidélité, la procréation, l’ouverture à la vie (cf. Can. 1055, 1056 ; et Gaudium et spes, 48). »

Et mieux encore, il a poursuivi dans sa veine caractéristique et pastorale : « Ceci est l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique, et composée des pécheurs qui ont besoin de la miséricorde divine… [C’est l’Eglise qui a les portes grandes ouvertes] pour recevoir les brebis égarées avec miséricorde et amour maternel, et sans fausses craintes. »

Ce sont des paroles familières et même réconfortantes. Mais le problème, c’est qu’elles pourraient être prononcées par un homme d’Etat à la veille d’introduire « un nouvel ordre des choses », tandis que les structures habituelles sont encore en place.

Ce qui nous rappelle le discours prononcé par Abraham Lincoln 1 dans un contexte de crise différent : « Quand nous voyons une quantité de pièces de charpente dont, comme nous le savons, les différents éléments ont été rassemblés à des époques et dans des endroits différents par des ouvriers différents… et quand nous voyons ces bois d’oeuvre imbriqués… la longueur et les proportions des différentes pièces étant exactement adaptées à leurs emplacements respectifs », nous avons l’impression désagréable qu’il y a du changement dans l’air.

Mardi 21 octobre 2014


Hardley Arkes est le Ney Professeur de jurisprudence à Amherst College (Massachusetts). Il est aussi fondateur et membre du James Wilson Institute on Natural Rights and American Family. Son ouvrage le plus récent est Constitutional Illusions& Anchoring Truths : The Touchstone of the Natural Law. Le deuxième tome de ses audioconférences tirées du Modern Scholar, First Principles and Natural Law peut être téléchargé dès à présent.


Photographie Le pape François et le cardinal Burke

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/a-moderate-facade-and-a-radical-interior.html


Presque chaque jour, le site de France Catholique accueille une nouvelle traduction du site The Catholic Thing, animé par Robert Royal, qui donne le point de vue très instructif d’un certain catholicisme américain sur l’Eglise et l’Amérique. Merci aux bénévoles qui assurent ce service. On embauche car la tâche est abondante.

Un mauvais conseil : « votez pour l’homme pas pour le parti. » (sur les élections sénatoriales américaines) par Francis J. Beckwith

Le second fut premier (à propos de John McCloskey [1810-1885], second archevêque de New York) par Brad Miner

Aimer (…ou pas) le football américain ? par Francis J. Beckwith

Une envolée de l’imagination. (à propos de la série TV Granada) par le père Dwight Longenecker

En regardant le cours de l’histoire (Dieu et le sens de l’histoire), par David Warren

La Conférence de Lambeth s’est invitée au synode. (L’Église catholique actuelle est-elle sur la pente de l’Église anglicane en 1930 ? à propos de la contraception et du mariage) Par le père Mark A. Pilon

Défi moral pour les membres du Conseil d’administration de l’Université de Notre Dame. (à propos de l’obligation faite par l’Obamacare à tout employeur de contribuer aux frais d’avortement). Par Wilson D. Miscamble, C.S.C.

Le rocher de tous les âges. (Dictature de la loi, libéralisme et loi naturelle). Par David Warren

Conclusion d’un synode : des occasions perdues. Par Robert Royal.

  1. Il s’agit du discours prononcé par Lincoln à Springfield (Illinois) le 16 juin 1858 (et donc avant la Guerre de sécession) : « Une maison divisée contre elle-même ne peut résister ». Discours qui exprime déjà l’aversion de Lincoln pour l’esclavage et son espoir d’une intégration prochaine des blancs et des esclaves dans une même nation. Le rapport entre cette citation et l’article n’est pas convaincant.