Mitres et ponchos - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Mitres et ponchos

Du 5 au 12 juillet, le Pape se rend en Équateur, en Bolivie et au Paraguay ou plutôt en pays quechua, aymara et guarani : une autre manière d’aborder l’hémisphère sud-américain.
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La sélection de ces trois pays n’a pas laissé de surprendre : les trois plus petits, moins peuplés, guère connus hors de leurs frontières, peu influents. Le Pape a mis de côté les poids lourds, évité le Venezuela trop controversé et privilégié les plus déshérités : les pays andins. Mais aussi les pays les plus indianisés ! Depuis Las Cases, l’Église s’est voulue aux côtés des indigènes mais cette réalité a trop souvent été occultée. En partie parce que les indigènes eux-mêmes s’étaient fait oublier pour survivre. Le « réveil indien » ne date que d’une vingtaine d’années.

Cette néo-indianité avait été diversement accueillie. Dans un premier temps, en effet, elle s’était donnée comme une version locale du « New Age », un néo-paganisme. Il a fallu attendre décembre 2005 pour qu’elle devienne un projet politique, économique et social avec l’élection à la présidence de la Bolivie d’Evo Morales, non pas tant à l’époque en tant qu’Aymara que comme représentant syndical des petits producteurs de coca, les cocaleros.

Le mouvement gagna l’Équateur avec l’accession à la présidence en 2006 de Rafael Correa. Les deux hommes sont toujours en fonction après avoir été brillamment réélus déjà à deux reprises. Le Paraguay est un cas un peu à part avec l’élection en 2008 d’un ex-évêque, Fernando Lugo, porté par une vague de gauche, démis en 2012, et le retour de la droite traditionnelle en 2013 avec l’élection du président Horacio Cartes.

Les trois chefs d’État sont catholiques. Le pape François est particulièrement lié au président équatorien, le seul des trois qu’il ait reçu en visite privée au Vatican avant son voyage, en avril dernier. Correa occupe en effet une position centrale par rapport à ses deux homologues et fait personnellement le lien entre l’Action catholique traditionnelle et l’actuel mouvement identitaire (quechua en Équateur, accessoirement achuar), les fameux Jivaros, objet d’étude de notre meilleur ethnologue français actuel, Philippe Descola, dans Les lances du crépuscule.

En sautant par-dessus, excusez du peu, la théologie de la libération, morte de son propre succès. Tout se passe, en effet, comme si, au cœur de cette Amérique andine, l’Église vivait un troisième temps théologique et pastoral, la communion avec les peuples indigènes, avant d’en venir au quatrième annoncé par le pape François dans son encyclique Laudato’si : l’amour de la terre-mère (Pachamama en terre andine).

Le périple andin du Saint-Père sera dominé par cet enseignement. Une grande réunion des « mouvements populaires » aura lieu à Santa Cruz en Bolivie, la seconde après celle qui s’était tenue au Vatican en octobre dernier. C’est une nouvelle voie à défricher pour l’Église. Les conférences épiscopales nationales ont certes toutes un bon bout de chemin à faire pour se mettre au diapason du successeur de Pierre. Notamment dans ces pays andins encore fortement marqués par un racisme anti-indien si ancré depuis plus de cinq cents ans. Or ce sont ces mêmes conférences sud-américaines qui avaient attiré l’attention de celui qui n’était encore que le cardinal Bergoglio sur l’enjeu que représentaient l’Amazonie et ses populations autochtones.

L’Équateur possède une partie de l’Amazonie (où vivent les Jivaros Achuars). Après une longue bataille, le président Correa y avait finalement accepté l’ouverture à l’exploration pétrolière d’une zone protégée. Le président Morales en Bolivie vient de suivre, se refusant dans son verbe imagé à jouer les « garde-forestiers  pour les châtelains du Nord », ce qu’il a encore qualifié d’« impérialisme vert ». Pas d’angélisme vert donc, comme en son temps l’Argentin d’adoption Roger Caillois le reprochait au chantre de l’Amazonie brésilienne Claude Lévi-Strauss (sans oublier le fondateur de l’institut d’Ethnologie équatorien Paul Rivet).

Les Indiens ne rejettent pas le progrès ni la croissance pas plus qu’ils ne répugnent au baptême et à une juste évangélisation. Un équilibre, voire une synthèse est à trouver auquel le Saint-Père, lors de ce périple, devrait donner un sens nouveau.