En prenant acte de son élection à la présidence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a souligné le caractère particulier d’une telle fonction. Disciple averti du cardinal de Lubac, il sait le caractère avant tout pratique d’une institution relais, qui ne s’identifie pas à l’exercice plénier de la collégialité. Le président de la Conférence n’est donc pas le chef – ou le patron – de l’Église en France. Son rôle est d’aider l’ensemble de ses collègues à réfléchir ensemble et à prendre des décisions utiles dans le cadre national. Il ne s’agit ni de nuire à l’initiative personnelle du pasteur dans son diocèse, ni de s’enfermer dans une particularité qui contredirait la catholicité de l’Église.
Conforter dans la foi
Par la force des choses, le président assume un rôle de représentant officiel de l’Église en France, il est sollicité par les moyens d’information pour préciser la pensée de l’épiscopat sur les questions d’actualité. Dans les circonstances actuelles, Mgr de Moulins-Beaufort devra répondre à une certaine angoisse des fidèles et à la perplexité de l’opinion publique, les uns et les autres étant marqués par la crise trop évidente vécue autant chez nous qu’à l’échelle universelle. Il s’agira de conforter dans la foi et de rassurer lorsque l’agressivité ambiante conduit à une sorte de névrose débilitante et destructrice. Il n’est pas vrai que les fidèles quittent massivement une institution déstabilisée, et la folie qui s’empare de certains esprits n’a que des effets limités.
Un docteur et un théologien
Il n’empêche que l’archevêque de Reims, dans la conjoncture présente, apparaît providentiellement comme l’homme de la situation. Il est fâcheux qu’une frange « tradi » lui ait fait un mauvais procès, suite à sa présence à l’inauguration d’une mosquée dans sa ville. Mettre en doute la solidité du pasteur c’est ne rien connaître à la rare profondeur du théologien. Sa contribution récente au numéro de Communio (n° 260, novembre-décembre 2018) sur les fins dernières suffirait à l’attester. Ceci ne veut pas dire que les relations avec l’islam ne se posent pas en termes complexes et parfois redoutables, comme Jacques Julliard, Alain Besançon et Rémi Brague le soulignent par ailleurs. Mais les relations de proximité à cultiver n’empêchent pas de creuser les ambiguïtés du dialogue interreligieux. Enfin, Mgr de Moulins-Beaufort est aussi précieux avec sa faculté de prendre en compte, au-delà des idées convenues, le drame de la pédophilie, aussi bien en milieu ecclésial que dans la société entière (voir son article dans la Nouvelle revue théologique, « Que nous est-il arrivé ? De la sidération à l’action devant les abus sexuels dans l’Église », n° 140/1, janvier-mars 2018). Ainsi est-il à même d’aider notre Église à sortir de sa crise morale.
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Photo : © Michel Pourny