Andrea Tornielli, un journaliste italien qui pose des questions au Pape François dans le livre/entretien le Nom de Dieu est Miséricorde qui vient juste d’être publié, soulève un point crucial, à mi-chemin, dans ce court texte : « Quelques fois, même venant de l’Eglise, nous entendons – trop de miséricorde! L’Eglise doit condamner le péché. »
S’il y a quelque chose qui unifie les différents groupes de foi revendiquant le nom de chrétien – et il n’est pas clair qu’il y en ait – c’est bien le regret que nous ayons perdu le sens du péché. Il y a l’emphase du courant oecuménique sur l’amour de Dieu, mais également beaucoup de controverses sur la signification de l’amour et comment cela fonctionne. Entre le déclin du « péché » et la montée de « l’amour », les chrétiens sentent souvent aujourd’hui que leurs églises ne sont pas très différentes du bouddhisme issu du baby-boom ou des groupe du New Age offrant le cocon réconfortant d’une vague conscience cosmique.
Mais écoutez le Pape François, « l’Eglise condamne le péché parce qu’il doit relayer la vérité, “ ceci est un péché “. Mais en même temps il étreint le pécheur qui se reconnaît comme tel, il l’accueille, il lui parle de l’infinie miséricorde de Dieu. »(emphase ajoutée). Ici se trouve, en résumé, la totalité du livre: Une condamnation peut être surprenante du péché par la Pape François, l’accueil du pécheur qui comprend ce qu’il est, et l’offre de miséricorde.
Ce sont tous des enseignements catholiques fondamentaux. Mais c’est l’emphase relative et « l’effet François » qui ont causé la confusion et la controverse. Par exemple, les comptes rendus récents en provenance d’Italie et d’ailleurs, que l’année de la Miséricorde de François ont entrainé un déclin des confessions. D’une certaine manière, les gens ont l’impression qu’il n’est plus nécessaire de recevoir l’absolution sacramentelle. Certains de ceux qui restent fidèles en viennent à résister aux prêtres même les plus doux qui imposent une pénitence: « qui êtes vous pour me juger? » ou « je n’ai pas le temps pour tout cela, en outre, Dieu me comprend ».
Le Pape François argumente, citant les propres paroles du Christ :
« seront remis les péchés de ceux à qui vous les remettrez; seront retenus les péchés de ceux à qui vous les retiendrez » (Jean 20: 19-23). Donc les apôtres et tous leur successeurs – les évêques et leurs collègues les prêtres – sont devenus les instruments de la miséricorde de Dieu. Ils agissent in persona Christi. C’est très beau. Cela a une profonde signification car nous sommes des êtres sociaux. Si vous n’êtes pas capables de parler avec votre frère de vos erreurs, vous pouvez être sûrs que vous ne pourrez pas en parler avec Dieu non plus, et en conséquence vous finissez par vous confesser à vous-même dans le miroir.
Les médias ont laissé filtré cet aspect du Pape François (ses fréquents faux-pas, son manque de clarté, et des incohérences systématiques ne l’ont pas aidé).
Mais le Pape François ne s’arrête pas sur des « erreurs » comme décrites ci-dessus. Il fournit une explication assez valable de la raison pour laquelle nous devons avoir la grâce pour reconnaître que nous sommes pécheurs : « Sans cette grâce, le plus que l’on peut dire est : Je suis limité, j’ai mes limites, ce sont mes erreurs. » Mais nous reconnaître pécheur est quelque chose de totalement différent. Cela signifie se tenir devant Dieu pour demander ce que seulement Lui peut faire en nous pardonnant et en nous apportant son aide.
Le Pape François a, de façon répétée, encouragé les confessions et dit que ce n’était pas un « nettoyage à sec ». Ce n’est pas simplement un procédé mécanique pour nettoyer les taches; nous devons changer ce que nous sommes, ce qui est quelque chose de beaucoup plus radical.
Tout cela est un enseignement catholique parfaitement traditionnel, et le mystère est de savoir pourquoi, en dépit de ce qu’il dit, quelque chose d’autre est communiquée. En partie cela vient du fait qu’il consacre peu de temps à de telles réflexions et beaucoup plus à la miséricorde, même dans ce cas, ainsi l’Eglise apparait toute Miséricorde, tout le temps.
L’Eglise doit, naturellement, proclamer que Jésus nous a tellement aimé qu’Il a accepté de mourir sur la Croix pour nous. Mais pour Lui être totalement fidèle, on doit aussi rappeler qu’Il appelle ses propres disciples “mauvais“, et qu’il met en garde à propos de la porte étroite qui mène à la vie éternelle et que peu nombreux sont ceux qui la trouveront. Et aussi Il parle des feux éternels de la Géhenne. Depuis des décennies maintenant, l’Eglise a prêché essentiellement le message du Pape François, et les gens non seulement ne se repentent pas ni se confessent, et ils sont de plus en plus nombreux à partir.
Les biographies du Pape n’ont pas expliqué pourquoi il semble si obsédé à répudier les catholiques « stricts », alors qu’ils sont une petite minorité, même parmi les pratiquants. Par exemple, dans son homélie à la multitude qui est venu à Philadelphie en provenance de toutes les parties du monde, pour la rencontre mondiale pour la famille, il mit en garde contre la rigidité et le légalisme, ce qui, pour dire le moins, a semblé inapproprié pour cette foule.
Dans le livre, le Pape François fournit d’autres exemples de la raideur qu’il trouve discutable. Les « érudits de la loi », par dessus tout, ceux qui, parce qu’ils en savent beaucoup sur la théologie, la philosophie ou la morale, pensent qu’ils ne sont pas eux-mêmes pécheurs. Nous avons tous rencontré ces personnages, libéraux et conservateurs; cela a été un point commun de la théologie morale depuis que les universités ont été fondées au Moyen Age.
Cependant, le problème avec cet exemple est qu’il revient presque à dire que les études et le droit peuvent être eux-mêmes un divertissement. « les savants » vont à tort dans des bibliothèques et « considèrent le pour et le contre », au lieu d’aller dans les banlieues et d’aider les gens. Mais l’Eglise est vaste, aussi vaste que le monde, et elle a besoin de toutes sortes de personnes (cf. 1 Cor. 12) pour toucher ce monde. Est-ce que Thomas d’Aquin ou François de Sales, ou Newman étaient moralement déficients parce qu’ils ne se concentraient pas sur les oeuvres matérielles de miséricorde? Le Pape François ne l’a pas exprimé ainsi, mais il en a donné l’impression
D’autres exemples sont sincères mais pas particulièrement convaincants: le prêtre qui, traitant une annulation de mariage, demande brusquement 5000 dollars d’avance; le pasteur qui refuse des obsèques religieuses pour un nouveau-né décédé avant d’être baptisé? De tels cas existent, mais si peu nombreux en regard de l’énorme nombre des autres péchés et désordres qu’il est difficile de voir pourquoi ils devraient occuper une place aussi importante dans l’Eglise en ce moment ( Jean XIII, Paul VI, Jean Paul I et II, Benoit XVI ont tous affirmé la Miséricorde sans déplacer tant d’autres choses dans la pensée catholique).
Cependant lisez « le nom de Dieu est miséricorde » pour mieux comprendre le Pape et ce qu’il veut exprimer. (la Bulle d’indiction de l’année sainte figure dans appendice). Même si vous pensez qu’il y a beaucoup d’autres choses que l’Eglise doit apporter au monde aujourd’hui, il vous fera réfléchir plus profondément à votre propre dureté de coeur et à vos échecs à montrer de la compassion.
Source : http://www.thecatholicthing.org/2016/01/18/mercy-mercy-mercy/
Photo : François entend une confession à la Journée mondiale de la Jeunesse à Rio 2013.
Robert royal est rédacteur en chef du « the catholic Thing » , et président de « the Faith & Reason Institute » à Washington. Son livre le plus récent est: « A Deeper Vision: The Catholic Intellectual Tradition in the Twentieth Century », publié par Ignatius Press. « The God That Did Not Fail : How Religion Built and Sustains the West » , est maintenant disponible broché chez « Encounter Books ».