Dans son intervention de Dimanche à Notre-Dame de Paris, Michel Camdessus, l’ancien président du Fonds Monétaire International, s’est montré extrêmement sévère, en parlant des responsabilités en cause dans la crise économique et financière. Il a parlé d’ « un mélange constant d’erreurs techniques et de fautes morales lourdes, comme si le sens éthique avait déserté l’économie ». Et de poser la question: « Comment cela a-t-il été possible?
Il fallait pour cela que les comportements de tous les acteurs s’enracinent dans un contexte culturel où la séduction de l’argent soit telle qu’elle entraîne un aveuglement collectif et que toutes les vigilances soient désarmées, à un moment où le « gagner plus pour consommer plus » était devenu le mobile, certes non exclusif, mais dominant. La cupidité devenait, en effet, politiquement correct, s’installait partout au cœur de la culture collective, dégradée, à sa seule fonction économique. Voilà la sous-culture que nous avons partagée. Elle nous habitait tous, dirigeants et simples particuliers, elle devenait le terreau fertile de tous les abus de la sphère financière jusqu’à son effondrement actuel dans un vide éthique. »
Si j’ai voulu citer si longuement Michel Camdessus, c’est que l’intéressé a exercé de très hautes responsabilités dans le domaine dont il parle et qu’on est donc fondé à lui porter quelque crédit. D’ailleurs, il n’hésite pas à se mettre lui-même en cause avec cette « sous-culture que nous avons partagée ». Lorsqu’on n’est pas soi-même spécialiste des questions économiques et financières, lorsqu’on a exercé aucune responsabilités dans ce domaine qu’il soit privé ou public, on a toujours quelques scrupules à s’exprimer, même lorsque l’on ressent une sorte de colère face à ce qui s’est passé ces dernières décennies. En effet, pour les gens de ma génération qui avaient connu l’emprise des théories marxistes dans leur jeunesse, la montée en puissance d’un libéralisme de plus en plus triomphant était un objet de perplexité lorsque l’on ne partageait pas l’euphorie générale sur les vertus d’un système au demeurant inévitable à l’heure de la mondialisation.
Les contestataires étaient extrêmement minoritaires et l’effondrement boursier est venu surprendre un optimisme largement partagé. Encore une fois, non spécialiste, j’avais pourtant en tête les avertissements d’un grand économiste Francois Perroux, qui, il y a très longtemps avait mis en garde contre certaines facilités dans l’ordre de la spéculation. Aujourd’hui, malgré les effets de la crise, malgré la situation de certains pays européens comme la Grèce, je n’ai pas le sentiment d’un véritable changement d’orientation dans les pratiques et même dans la philosophie de l’économie. Certes j’admets qu’on répugne aux révisions trop déchirantes allant jusqu’à répudier ce que le philosophe Jean-Claude Michéa a appelé « l’impasse Adam Smith », car ce serait un véritable casse-tête généralisé. Mais tout de même, est-il possible d’obtenir aussi bien des dirigeants que des théoriciens un peu de sagesse, un peu de recul par rapport aux habitudes établies. Mais c’est peut-être utopique de ma part. Je laisse la réponse à Michèle Debonneuil, qui, elle, parle de ce qu’elle connaît assurément.
http://www.laprocure.com/livres/livre.aspx?gencod=9782849410615&aff=RND753
L’économie, dont le modèle fut fécond, débouche, selon l’auteure, sur des dilemmes insolubles. Ayant trop puisé dans les ressources naturelles, les choix restants sont le dépérissement de la planète ou l’arrêt de la croissance. L’ouvrage propose une réorientation de la croissance des pays les plus riches vers les services, générant plus d’emplois et rétablissant une cohésion sociale.
Quatrième de couverture
L’économie est désormais en conflit ouvert avec la société. Nous vivons l’épuisement d’un modèle qui fut extraordinairement fécond, mais qui débouche aujourd’hui sur des dilemmes insolubles.
La situation est-elle sans espoir ? Michèle Debonneuil démontre qu’une solution est possible, et indique comment la mettre en oeuvre. Elle consiste à réorienter la croissance des pays les plus riches vers un nouveau type de produits qui ne sont ni des biens, ni des services, mais de nouveaux services incorporant des biens. Ces produits, dont l’existence est rendue possible par les technologies de l’information et des télécommunications, façonnent une nouvelle économie que l’auteur qualifie d’«économie du quaternaire».
Cette révolution est de nature à générer dans nos pays une croissance forte et des millions d’emplois, à la fois bien rémunérés et indélocalisables. Elle est susceptible, dans le respect des équilibres environnementaux, de redonner à la vieille Europe un avantage comparatif par rapport aux pays émergents, de rétablir la cohésion sociale, et donc finalement de résoudre le conflit ouvert entre économie et société.
L’économie du quaternaire représente le véritable avenir de nos sociétés.