Pourquoi l’idée de parler de Michel Galabru s’est-elle imposée à moi ? Je n’ai pourtant pas la compétence d’un critique cinématographique ou théâtral. Et je n’aurais pas la prétention d’ajouter quoi que ce soit de pertinent à propos de la carrière de cet artiste si populaire. Mais c’est justement la qualité populaire qui m’attire et qui me donne à rêver. Il y a ainsi dans le paysage des arts d’étonnants médiateurs d’une sensibilité, où spontanément un très vaste public se reconnaît, même si une carrière n’est pas complètement réussie. Il n’y a pas que des Gérard Philipe ou des Alain Delon, pour ne parler que des hommes, en notre firmament national. Il y a, par exemple, des Jean Carmet qui semblent être nés pour incarner ce qu’on appelle, parfois avec condescendance, le Français moyen. C’était aussi le cas, me semble-t-il, de Michel Galabru. Et il ne faut pas sous-estimer ce qu’un tel rôle exige de génie d’empathie.
Au risque du populisme ? C’est ce que j’ai cru comprendre à lire l’un ou l’autre des articles nécrologiques qui ont été consacrés à celui qui reconnaissait qu’il avait souvent gagné sa vie grâce à des nanars, sur lesquels on préfère généralement faire silence. Galabru, lui, assumait. Il aurait même pu dire comme je ne sais qui : « Un nanar est un navet tellement navet que ça en devient un dessert. » D’ailleurs, c’est presque l’avis général à propos de la fameuse série des gendarmes de Saint-Tropez, où Galabru donnait la réplique à de Funès, s’il vous plaît. Mais l’on reconnaît aussi à notre comique disparu le mérite d’avoir trouvé parfois des rôles supérieurs, où il était l’égal d’un Raimu, notamment dans le répertoire de Marcel Pagnol.
Il y a quand même un problème. Galabru n’incarnait pas que nos vertus populaires, il mettait en scène aussi nos travers, au point d’indisposer certaines âmes délicates. La dénonciation du populisme fait partie de l’arsenal d’un anti-racisme qui se piège lui-même. Le Français moyen devient un personnage insupportable, le contraire du bobo à l’esprit généreux. Ce n’était pas le sentiment de Marcel Pagnol. Et si le populo a ses défauts, il a aussi ses qualités de cœur, que la gouaille de Galabru mettait en évidence.