Il y a huit ans, me semble-t-il, on m’avait demandé de proposer une figure singulière du catholicisme afin d’en inscrire la mémoire dans un film qui pourrait entrer dans les archives de l’Église du XXe siècle. J’avais spontanément pensé à l’abbé René Laurentin, parce que je le connaissais personnellement, j’avais lu une partie importante de son œuvre, et aussi parce qu’il me semblait que la mission sacerdotale qui était la sienne avait été tout à fait exemplaire. Théologien, exégète, historien de grande classe, il avait mis tous ses dons au service d’une religion populaire, qui un moment avait d’ailleurs été mal vue par certains. Cette religion populaire était celle des pèlerinages à la Vierge Marie. Je prends soin de préciser que je me considère moi-même comme appartenant à cette religion-là.
L’abbé Laurentin s’était signalé au lendemain de la guerre comme l’historien des apparitions de Lourdes. Il y avait travaillé plusieurs années durant, à partir de tous les documents disponibles, à la demande de l’évêque de la ville mariale, Mgr Théas. Le résultat avait dépassé tous les espoirs. À partir d’une étude minutieuse, c’est la figure lumineuse de la voyante, sainte Bernadette, qui se dessinait pour mieux mettre en évidence le message adressé par la Vierge Marie aux foules innombrables qui afflueraient à la grotte de Massabielle. Ce premier travail était aussi fondé sur une réflexion théologique préalable, René Laurentin ayant établi les fondements de la mariologie. Il ne devait pas en rester là, s’intéressant à toutes les apparitions mariales dans le monde.
Lorsque je conseillais Alain Hakim pour le film intitulé Un regard sur Marie, le théologien avait déjà 91 ans. Il était presque totalement aveugle. Cela ne l’empêchait pas d’avoir encore une activité débordante. Je l’ai vu partir pour le Brésil avec sa canne blanche, sans aucun guide pour le guider vers la gare la plus proche de son domicile, chez les sœurs de Notre-Dame de Sion à Évry. Seul encore, il prendrait l’avion, accueilli sur place par des évêques, des prêtres, des fidèles qui avaient besoin de ses conseils d’expert pour juger de la véracité d’une apparition. Oui, à presque cent ans, nous avons perdu un homme extraordinaire, auquel je veux exprimer ma profonde gratitude, sûr que la Vierge sainte, que nous prions sous l’invocation de « Porte du Ciel », l’a accueilli dans la joie de son Seigneur.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 13 septembre 2017.